L’an dernier, H&M nommait Helena Herlmersson, son ancienne responsable du développement durable, à la tête de l’entreprise. Un symbole fort témoignant d’une évolution notable chez certains mastodontes, même si la récente éviction du PDG de Danone, Emmanuel Faber (moteur sur ces questions) aurait tendance à entacher ce joli camaïeu de vert. Pour autant, il est clair que les métiers de l’environnement connaissent une ascension constante ces dernières années. Fondatrice de Birdeo, cabinet leader en recrutement et chasse de tête spécialisé dans le Développement Durable et l’Impact, Caroline Renoux a pu observer les mutations du secteur cette dernière décennie. « Il y a 10 ans, on était sur des métiers pionniers, avec des personnalités très engagées qui décidaient de créer leur poste, tout en faisant une croix sur leur évolution de carrière et de salaire. Je pense qu’il est en train de se passer la même chose que pour le digital il y a 20 ans. Il y aura toujours des spécialistes, mais on ne pourra plus faire l’économie de ces questions », analyse-t-elle.
« Nous avons moins souffert que les cabinets de recrutement classique »
Car oui, les choses ont changé, d’abord à la faveur de la Cop 21 en 2016 avec l’instauration d’un cadre réglementaire renforcé, mais aussi des 17 objectifs de développement durable définis par les Nations Unies. Puis 2019 fut l’année de bascule. Les feux géants en Australie, ou encore la problématique du plastique dans les océans, ont démontré l’urgence de la situation. D’un point de vue législatif, la Loi Pacte a invité les entreprises à se questionner sur leur raison d’être et leur mission. « Entre 2018 et 2019, nous avons carrément doublé notre chiffre d’affaires chez Birdeo ! En 2020, nous ne savions vraiment pas comment les choses allaient tourner et si les budgets dédiés à la sustainability allaient être maintenus. Au final, nous avons moins souffert que les cabinets de recrutement classique », confie Caroline Renoux. En 2020, de nombreuses entreprises se sont notamment positionnées sur l’obtention du label B Corp, visant non pas « à devenir les meilleures du monde, mais les meilleures pour le monde ». Un label exigeant aujourd’hui décroché par seulement 80 entreprises en France.
Le boom des métiers de l’environnement : les 4 tendances pour 2021
En 2021, quatre tendances semblent s’affirmer face au contexte sanitaire d’après Caroline Renoux. Premièrement, le questionnement des entreprises sur leur utilité dans le monde. Deuxièmement, les questions liées à la localisation ou relocalisation des unités de production en France. Troisièmement, les enjeux de décarbonisation ou de neutralité carbone. Quatrièmement, la biodiversité qui émerge doucement et dont on sait qu’elle est fortement liée à la pandémie. Un nouveau sujet dont s’emparent les jeunes acteurs et qui prouve l’évolution constante du secteur. A Lyon, c’est le cas de Jane Vuiller, co-fondatrice de Querceo, société de conseil et d’accompagnement en transition écologique. « A l’origine, c’était surtout la question du climat qui était porteuse. Mais, aujourd’hui, le thème de la biodiversité commence à percer. Ironie de l’histoire, 2020 devait être l’année de la biodiversité avec Le congrès mondial de la nature qui devait se tenir à Marseille en mai 2020, et la COP 15 en Chine en septembre 2020 durant laquelle des accords équivalents à ceux de Paris devaient être signés pour la biodiversité », nous explique la jeune femme.
Des métiers de plus en plus opérationnels
Alors que les entreprises avancent de plus en plus dans leurs politiques RSE, on constate logiquement que les métiers les plus recherchés par les entreprises françaises en 2021 sont devenus très opérationnels. Ainsi, dans le top 5, on retrouve ces postes : conseiller en neutralité carbone, chef de projet taxonomie verte, chef de projet écoconception et recyclabilité, responsable contenu de marque responsable, chef de projet hydrogène. « En ce qui concerne la neutralité carbone, on voit clairement que l’on est passé dans le côté opérationnel. Pour la taxonomie verte, le boom provient des régulations complexes qui vont bientôt impacter les entreprises. Du côté de la recyclabilité, cela va de pair avec l’économie circulaire. Quant à la communication responsable, cela émane à la fois d’une demande des consommateurs mais aussi de la nécessité de les éduquer sur certaines questions », analyse Caroline Renoux.
Après la sensibilisation, l’action
L’accélération de la prise en compte des problématiques environnementales se traduit aussi au sein de Querceo, puisque Jane et son mari vont beaucoup plus loin que la simple sensibilisation des collaborateurs, preuve que l’on est peut-être (enfin) passés à la vitesse supérieure. « A travers des ateliers ludiques, comme la fresque du climat ou de la biodiversité, nous voulons offrir aux collaborateurs une vision globale du problème et leur permettre de mieux comprendre leur impact. Mais le but ensuite n’est pas de les laisser dans une certaine forme d’anxiété et de découragement. Nous les aidons à co-construire des actions concrètes à mettre en place de manière individuelle et collective pour préserver le climat et la biodiversité sur les activités cœur de l’entreprise et toute la chaîne de valeurs », rapporte-t-elle.
Grâce à ce boom des métiers de l’environnement : Des rémunérations qui augmentent
Plus recherchés, les métiers de l’environnement sont également mieux rémunérés. Ainsi, les métiers cités dans le top 5 pour 2021 proposent des rémunérations oscillant entre 35 et 65K par an en moyenne. « Il est clair que ces métiers sont beaucoup plus rémunérateurs qu’auparavant. On peut même parler de progression de poste désormais, même si bien entendu, tout dépend des postes et secteurs d’activité », affirme Caroline Renoux.
« Mieux vaut qu’il s’agisse d’une création de poste »
Mais si les salaires évoluent positivement lorsqu’il s’agit d’une création de poste, l’expérience de Jane montre qu’il est en revanche plus difficile d’évoluer dans une entreprise quand on décide de son plein gré de porter les questions RSE en parallèle de son poste. Pour mieux le comprendre, revenons un peu en arrière. Après être sortie diplômée de l’ESCP, Jane a évolué pendant 10 ans dans le secteur de l’automobile à l’international. De retour en France, et après avoir donné naissance à son premier fils, la commerciale commence à se poser de sérieuses questions sur son job. « Je suis entrée dans ce secteur avant tout parce que je voulais évoluer à l’international. Quand je suis rentrée en France, j’ai commencé à me questionner sur l’impact de la filière automobile, et j’ai été mise face à mes propres contradictions. C’est là que j’ai décidé de m’investir dans un groupe dédié à la RSE qui venait d’être monté dans mon entreprise. Le but était de créer une stratégie commune aux 25 pays du groupe, stratégie que je devais ensuite déployer dans mon entité à Lyon. Cela n’a pas été considéré comme une évolution de carrière, mais comme des tâches supplémentaires, qui venaient s’additionner au poste de commerciale pour lequel j’étais payée. Je pense donc que l’idéal est vraiment de saisir une création de poste car autrement, ce n’est pas forcément valorisé », regrette-t-elle.
« On ne peut plus se lancer sans formation »
L’expérience de Jane démontre aussi la nécessité de se professionnaliser au maximum avant de se lancer dans des postes à impact. « Pour ma part, j’ai suivi une formation de 6 mois, mais aussi des cours du soir et le week-end. C’est essentiel pour s’assurer une légitimité en interne car la mise en place d’une RSE trop déconnectée du business n’est tout simplement pas viable », affirme la jeune femme. Même son de cloche du côté de Caroline Renoux qui estime qu’on « ne peut plus se lancer sans formation, d’autant plus que ce sont des métiers très exigeants du fait qu’ils entrent souvent en contradiction avec les objectifs à court terme des entreprises ». Elle insiste d’ailleurs sur l’importance pour les écoles de commerce et d’ingénieurs de livrer des modules de base aux étudiants, ce qui est encore trop peu fréquent, en dehors de certains établissements plus avancés sur le sujet comme Kedge (Master en Finance Durable), Audencia (Mastère Spécialisé Acteur pour la Transition Energétique) ou les Mines Paris Tech. En ce qui concerne la formation continue, la fondatrice de Birdeo recommande le Master Développement durable et organisations de Paris Dauphine pour les personnes en reconversion (éligible au CPF), ou encore des formations en ligne comme celle d’Eco-learn ou les cours en e-learning de Cambridge.
Bref, vous l’aurez compris : si vous êtes intéressée par ces thématiques RSE, c’est le moment de vous lancer. Mais surtout, formez-vous au préalable, et soyez consciente que si vous espérez une évolution au sein même de votre entreprise, sans création de poste, le chemin sera plus ardu. Dernier conseil pour la route : pour prétendre mettre en place des actions concrètes, assurez-vous que le PDG ou CEO de l’entreprise soit aussi engagé(e) sur la question !
Paulina Jonquères d’Oriola
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