La montée en puissance des fonds à impact

investissement, fonds à impact
Obtenir une bonne rentabilité tout en aidant les entreprises à avoir un effet positif sur la société et l’environnement, tel est le crédo des fonds d’investissements à impact. Un secteur en plein essor et qui devrait encore se développer avec la crise du covid-19. Explications avec Fanny Picard, fondatrice du fonds Alter Equity 3P et Mathieu Cornieti, président de la Commission Impact de France Invest, et CEO d’Impact Partners.

Depuis quelques années, les fonds d’investissement à impact se développent en France. Leur spécificité ? Investir dans des entreprises ou projets ayant un effet bénéfique et mesurable sur l’environnement et la société. Ainsi, la Commission Impact de France Invest (l’association des investisseurs pour la croissance) a vu le jour en 2012. Elle comprend aujourd’hui 33 sociétés de gestion françaises qui investissent dans près de 1200 entreprises et gèrent plus de 3 milliards d’euros. Un montant qui a doublé en l’espace de deux ans !
D’après, l’étude France Invest Impact, réalisée par SWEN cp en 2018, les premiers impacts recherchés concernent l’environnement (78%) et l’emploi inclusif (74%), puis la santé (52%), l’éducation et la formation (35%), le logement (35%), le développement local (30%), la dépendance (17%) et la citoyenneté (13%).


Les entreprises doivent répondre à un certain nombre de critères prouvant leur engagement pour être soutenues par ces investisseurs. Mais elles doivent aussi être rentables financièrement. Une condition sine qua non pour avoir un vrai impact. « Quand on parle d’investissement en capital, pour avoir une performance sociale, pour créer des emplois et de la valeur, il faut nécessairement avoir une performance financière », déclare ainsi Mathieu Cornieti, président de la Commission Impact de France Invest, et CEO d’Impact Partners. Ce fonds d’investissement représente 200 millions d’euros sous gestion et encourage les projets entrepreneuriaux à impact social, notamment dans les territoires fragiles (quartiers populaires, zones rurales…). 

Enjeux et motivation de l’investissement d’impact

Selon lui, l’investissement d’impact passe pas trois enjeux : l’intentionalité, c’est-à-dire l’obtention d’une performance financière et un impact ; un accompagnement pluriel de l’entrepreneur (financier mais aussi humain avec un partage d’expériences, de conseils…) ; et un impact concret, mesuré et rapporté au souscripteur à l’aide d’indicateurs.
Alter Equity 3P (People / planet / profit) a réalisé son premier closing en septembre 2013.

Mini Guide Entrepreneuriat

La société de gestion a été pionnière dans le secteur des fonds d’impact « growth » (à forte croissance). Elle conditionne ses investissements à une triple exigence : environnementale (un impact positif sur l’environnement) ; sociale (un impact sur les personnes) et économique. « Le principe est de soutenir l’intérêt général par l’investissement. A cette fin, Alter Equity a développé son propre référentiel de pratiques de gestion responsables comprenant plus de 90 critères quantitatifs. De plus, les entreprises doivent adopter un Business Plan extra Financier comprenant 10 à 15 indicateurs spécifiques », explique Fanny Picard, fondatrice d’Alter Equity. Une manière de s’assurer encore davantage des engagements de ces entreprises en matière de responsabilité sociale et environnementale.


Pour beaucoup d’investisseurs, c’est la quête de sens qui est moteur. « Les milliards gérés ne veulent plus dire grand-chose au bout d’un moment. Les investisseurs ont envie que leur argent retrouve l’économie réelle, qu’il participe à une aventure entrepreneuriale qui servira la société », confie Mathieu Cornieti. 

Des résultats concrets

Les fonds de gestion peuvent aussi bien soutenir les entreprises déjà installées que celles qui se lancent. Impact Partners, par exemple, investit entre 500 000€ et 5 millions d’€ pour aider les entreprises à se développer davantage, parfois à l’échelle européenne. Le fonds accompagne aussi la création de commerces franchisés dans les quartiers populaires, avec des investissements entre 50 000 et 500 000€.

« Sur cinq ans, le fonds Impact partners doit investir 50 millions d’euros, développer 300 commerces et créer 3000 à 4000 emplois », déclare Mathieu Cornieti. De 2010 à 2014, le fonds avait déjà aidé une quinzaine d’entreprises, et il a réalisé en moyenne 3,6 fois la mise sur les sorties ! « Le risque est plus grand quand on investit en capital, avec nos fonds Croissance, et donc le TRI (taux de rendement interne, Ndlr) net attendu doit être plus élevé, à 10-12%.

Quand on investit avec nos fonds Création, l’investissement est plus diversifié, plus proche de la dette, et donc moins risqué. On peut viser 3 ou 4% de TRI net », ajoute le CEO d’Impact Partners. A ce jour, Alter Equity a pour sa part soutenu plus d’une douzaine d’entreprises, dont quatre dirigées par des femmes. Le bilan est, là aussi, très positif puisque ces entreprises ont eu une croissance de l’ordre de 38%. Elles ont également contribué à éviter 1,6 millions de tonnes de CO2. Un engagement gagnant-gagnant.

Vers une prise de conscience avec le covid-19 ?

La crise traversée par bon nombre d’entreprises en raison du covid-19 n’épargne pas pour autant celles à impact. Si certaines, dans le domaine de l’éducation et la santé notamment, s’en sortent bien, d’autres souffrent. Mais Mathieu Cornieti se veut optimiste. « La crise génère un besoin de cohésion sociale et ce positionnement prend encore plus de sens pour les investisseurs. Et pas qu’en France. Dans nos filiales au Danemark, en Espagne, en Allemagne, on perçoit aussi ce besoin d’investissement.

C’est un marché qui grandit, et les entrepreneurs s’y reconnaissent aussi ». Selon Fanny Picard, la finance responsable, qui a déjà séduit beaucoup d’investisseurs, va devenir un élément incontournable de l’économie. Et le covid-19 ne fera que renforcer cette tendance. « Cette crise sanitaire résulte de l’empreinte trop lourde de l’homme sur la nature, et les conséquences économiques et sociales seront extrêmement lourdes. Cela va entrainer inévitablement des changements de modèles économiques. 

Les conséquences, entre autres, seront la prise de conscience et l’accélération des attentes sur les sujets de transition écologique et de dérèglement climatique ; l’augmentation des inégalités et donc une nécessaire répartition ; une conscience accrue des risques liés notamment à la mondialisation et donc le rapatriement de certaines productions ; une digitalisation de la société y compris sur la manière de travailler », analyse-t-elle.  Les entreprises ayant une forte responsabilité sociétale devraient ainsi mieux s’en sortir. Elles auront plus de facilités à attirer et retenir les talents mais aussi les clients devenus plus sensibles à ces sujets…

Dorothee Blancheton

 
0
    0
    Votre panier
    Votre panier est vide