Deux Français sur trois n’auraient pas une vie professionnelle épanouissante selon IPSOS. Pourtant, allier travail et bonheur ne relève pas du mythe. Daniel Porot, auteur de « Comment trouver une situation… et décrocher le job de rêve ? » (Solar) en est persuadé. Ce professeur à HEC, Standford ou encore Columbia nous livre ses conseils pour transformer notre passion en métier.
1/ Mettre ses talents à profit
J’ai mené une enquête auprès de quelques 5000 individus reçus en séminaires. Une personne exerçant un métier qu’elle apprécie moyennement utilise seulement 52% de son potentiel. Ce taux grimpe à 86 % lorsqu’elle parvient à faire ce qu’elle aime. Il y a donc un potentiel inexploité chez les individus peu enthousiasmés par leur travail.
Cela nous amène à poser cette question : qu’est-ce qu’un travail épanouissant ? Je répondrais qu’il s’agit d’un job où l’on a le sentiment d’être utile, d’exploiter ses talents. Dit autrement, c’est occuper un poste qui ne nous donne pas l’impression de travailler, ne jamais avoir assez de temps pour faire ce que l’on veut, avoir de l’énergie quand des difficultés se présentent et vouloir les surmonter.
Pour y parvenir, il convient d’arriver à définir nos intérêts vocationnels: je ne parle là ni du savoir, ni du savoir-faire ou du savoir-être mais de choses beaucoup plus profondes qui nous inspirent parfois de manière irrationnelles.
2/ Adapter ses aspirations au marché
Une fois ses intérêts vocationnels clairement définis, il y a toujours une équation à faire : à court-terme, lorsque l’on est désespérément à la recherche d’un emploi, on a tendance à chercher un job alimentaire.
Néanmoins, pour ce qui est du long-terme, gardons à l’esprit que l’on a la chance en Europe d’être dans une économie variée : si l’on se donne du mal, on peut trouver le job idéal. Ce-dernier restera malgré tout un semi-compromis : une partie des tâches à accomplir relèveront de nos domaines d’expertise et de maîtrise sans forcément susciter notre enthousiasme alors que d’autres aspect de ce travail nous raviront. L’idéal est bien entendu le mariage des deux.
3/ Ne pas avoir peur du vide
Un individu en recherche d’emploi est en zone risque : il est stressé et va ainsi avoir tendance à se tourner vers des attitudes conventionnelles. Résultat : il va chercher un travail dans lequel il a une très bonne maîtrise mais qui aura tendance à l’ennuyer profondément.
Typiquement, cette personne va répondre à des annonces, déjà abreuvées de réponses et des candidatures, se persuader que certaines de ses caractéristiques sont des handicaps lourds pour trouver en emploi : le fait d’être vieux, d’être une femme, d’avoir des enfants etc. Inconsciemment, il va tellement s’angoisser qu’il va communiquer son appréhension à d’éventuels employeurs.
4/ Provoquer des rencontres
Lorsque l’on recherche un emploi ou que l’on veut se réorienter, il faut avant tout définir clairement ce que l’on a envie de faire. Voici comment procéder : on met nos idées sur papier, puis l’on fait des recherches sur Internet afin d’évaluer si ces pistes nous inspirent.
Une fois un secteur particulier défini, place au réseautage : l’idéal est de rencontrer 3 à 5 personnes exerçant un travail qui potentiellement pourrait nous plaire. Il ne faut surtout pas dire à ces professionnels que l’on est en recherche d’emploi, mais seulement que l’on est en quête d’information.
L’objectif est de leur poser les six questions suivantes : « comment êtes-vous arrivés dans ce domaine ? », « qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre activité ? », « qu’est-ce qui vous plaît le moins ? » , « quelles sont les tâches clés de votre fonction ? », « quelles compétences faut-il avoir pour réussir », et enfin « pourriez-vous m’indiquer deux ou trois personnes qui pourraient me donner des renseignements supplémentaires ? » A partir de ce moment-là, la machine est en route pour trouver un poste correspondant à vos aspirations.
Gardons bien en mémoire qu’il y a plusieurs marchés de l’emploi : le marché ouvert, celui des annonces, représentant 15% des offres et où la concurrence est effrénée. Puis, il y a un marché caché auquel on accède en approchant spontanément les entreprises ou les décideurs.
D’une manière générale, envoyer des CVs n’est pas la meilleure solution: cela vous colle une étiquette de demandeur d’emploi sur le front. Le mieux est de demander des rendez-vous, provoquer des rencontres. Dès que l’on paraît en demande, c’est mauvais. Pour trouver un job idéal, il faut être visible et… flirter !
5/ De l’art de mettre en avant ses talents relatifs
Beaucoup de personnes disposent de talents relatifs : des capacités banales dans un secteur, prisées et inhabituelles dans d’autres.
J’ai le souvenir d’un contact professionnel qui, il y a quelques années, est devenu président d’un orchestre philharmonique après avoir dirigé une société de traitement en eaux usées. Fortement attiré par le secteur de la musique classique, il a fait des recherches dans ce domaine, tout en gardant par sécurité son poste de directeur d’entreprise. En arrivant à la tête de l’orchestre, il a découvert que ses connaissances en gestion le rendaient exceptionnel dans cet univers artistique rempli certes de très bons musiciens mais aussi de mauvais gestionnaires.
Lorsque l’on se réoriente dans un univers où, a priori, on fait figure d’extraterrestre, on a souvent des talents relatifs : des capacités communes dans le domaine que l’on a quitté, uniques dans le milieu que l’on a rejoint, correspondant plus à nos centres d’intérêts.
6/ Un ciblage idéal
Que faire lorsque l’on hésite entre plusieurs propositions de jobs ? Premier constat : si l’on est indécis, c’est plutôt bon signe ! Le mieux est de faire un tableau à colonnes, chacune correspondant à l’un des postes possibles. On note dans chaque colonne ce qu’il peut nous arriver de pire d’ici trois ans si l’on opte pour le poste concerné. Naturellement, dans 85% des cas, une réponse se dessine.
7/ Le life work planning : une recette efficace
Dans nos cultures, une femme a deux métiers : son travail et le management du foyer. Certains maris affirment être coopératifs, reste que dans 70% des cas, les tâches domestiques retombent sur les épaules de leurs conjointes.
D’où l’importance du life work planning, théorisé par le gourou du genre aux Etats-Unis, Richard Bolles. Prenons l’exemple d’un femme dont le travail lui plaît énormément : épanouie dans sa vie professionnelle, elle passera peut-être moins d’heures avec sa famille que d’autres mais ce sera du temps de qualité. Si cette même femme a un poste épouvantable, uniquement alimentaire, avec un responsable hiérarchique imbécile, elle rentrera sûrement plus tôt chez elle, mais sera aigrie et reversera tout son stress sur sa famille. La même démonstration est valable pour les hommes également bien entendu !
8/ De l’importance du faire-savoir pour une meilleure reconnaissance
Se rendre visible au travail est une capacité cruciale. En général, les hommes sont plutôt mauvais car ils sont tendance à mal se mettre en avant, ou à le faire de façon trop bruyante. Les femmes sont loin d’être meilleures, mais pour des raisons très différentes : 70% d’entre elles ne se rendent pas visibles ou alors le font de façon trop discrètes.
Comment « faire-savoir » efficacement ? Mettons en œuvre la technique PIV. « P» pour proximité : il s’agit de décrire une activité que l’on a menée dans l’univers de la personne que l’on a envie de convaincre. « I » pour inhabituel : l’idéal est que ce que l’on décrit ait un caractère inhabituel aux yeux de notre interlocuteur. Enfin « V » pour « valeur » : le gain que l’on représente pour l’autre. Telle est la méthode PIV, remarquons qu’à l’envers cela donne VIP.
9/ Ne pas se laisser emporter par sa passion
Lorsqu’une personne se met à son compte, dans 8 cas sur 10, c’est pour choisir un domaine inspirant. Mais gare aux vocations dangereuses : les gens qui, par exemple, ouvrent un bed and breakfast ne se rendent pas forcément compte des difficultés inhérentes à ce business et se retrouvent sur le tapis deux ans plus tard. Sans oublier que le ratio salariat entrepreneuriat est un ratio 4 à 1 : on travaille deux fois plus pour gagner deux fois moins.
En résumé, les deux difficultés auxquelles fait face un jeune entrepreneur sont l’acquisition de clientèle et la rentabilité. Certains sont tellement passionnés par leur produit qu’ils en perdent une partie de leur sens critique.
10/ Savoir trouver des jobs alternatifs
Pour finir, ayons conscience de l’existence de talents transférables. J’ai rencontré un comédien récemment : il écume les petites troupes et les salles sans spectateurs. Le nombre d’élus est ridiculement faible dans son secteur. Mais s’il prend un peu de recul et décompose les éléments qui le font vibrer dans le théâtre, il peut les transférer dans un autre domaine : la formation par exemple, où l’on parle aussi debout face à des gens, le droit etc.
A partir du moment où nous analysons les situations, nous pouvons trouver des jobs alternatifs mettant en avant nos talents.
@clairebauchart
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