La relation qui nous lie à notre supérieur hiérarchique n’est pas toujours un long fleuve tranquille. Incompétent, tyrannique, caractériel… notre boss peut parfois nous mettre les nerfs à rude épreuve. Comment faire pour gérer au mieux la situation ? Quand faut-il prendre ses clics et ses clacs ? Témoignage et regard expert.
Très investie dans son travail au sein d’une collectivité territoriale, Marie a de plus en plus de mal à composer avec ses deux supérieurs hiérarchiques. Le premier, pour son incompétence et son attitude enfantine. « Il ne supporte plus que j’émette des critiques sur son travail alors qu’il me demande lui-même de le relire et multiplie les aberrations. Il est du genre à partir en boudant comme un gamin, et me dit que je travaille trop !
En clair, il me tire en permanence vers le bas. J’ai du mal à le considérer comme mon responsable », raconte-t-elle. Pour ne rien gâcher, il s’illustre aussi auprès de la gent féminine par des réflexions sexistes. Quant au second, « il s’évertue à donner des règles qu’il ne suit jamais. En permanence insatisfait par le travail fourni, il pinaille sur des détails et s’attache plus au fond qu’à la forme », regrette Marie.
Une relation hautement symbolique
La situation vécue par Marie renvoie à de nombreuses difficultés rencontrées par une myriade d’autres employés et cadres éreintés. Si cette relation nous impacte autant, c’est qu’elle revêt une haute part de symbolique. « Elle est destinée à donner des repères, à fournir des limites, et à être dépositaire de l’origine de la relation. Ces trois dimensions sont très sollicitées car la relation de boss à employé se rapproche qu’on le veuille ou non de la relation paternelle. Non pas que l’on voit son père partout, mais elle va réactiver des attentes très fortes », explique Roland Guinchard, psychologue clinicien, psychanalyste et directeur du cabinet Montgolfière Management.
Pour ce spécialiste des personnalités difficiles au travail, ce constat se retrouve dans le témoignage de Marie. Un supérieur devrait dans la logique des choses détenir un surplus de compétences, même s’il est plus jeune, ce qui n’est pas le cas dans son expérience. Une personne qui ne propose pas non plus un discours cohérent ne sait pas animer le travail et ne peut pas jouir d’une autorité équilibrée.
Ne pas tenir sa parole, le début du harcèlement
S’ils peuvent parfois se montrer « filous », les bons chefs ne doivent en revanche jamais déroger à leur parole. L’exemplarité provient donc avant tout de la cohérence entre le discours et les actes. « Si un chef ne tient pas sa parole, même sans autre action spécifique de harcèlement comme une attaque de l’identité ou des phrases lancées pour nuire, on peut dire que l’on se trouve déjà dans une situation de pré-harcèlement », estime le spécialiste, auteur de nombreux ouvrages sur la question*. Voilà pourquoi une parole non tenue peut s’avérer être fortement dévastatrice.
Des chefs guidés par la peur
En dehors des profils pathologiques tels que le pervers, le paranoïaque ou encore le harceleur sexuel qui considère avant tout l’autre comme un objet et non un sujet, on retrouve souvent un même profil parmi les mauvais managers. Il s’agit de personnes qui sont avant tout gouvernées par la peur. Peur de leur propre poste car elles se sentent illégitimes : « ces personnes vont alors essayer de masquer cette peur par des conduites injustes ou secrètes, en s’appropriant par exemple le travail des autres », soutient l’expert. Certains, tricheurs par nature, ont également peur de se faire coincer. Ces personnalités, qui rejettent en bloc cette peur et ne veulent pas admettre leur incompétence, « sont souvent les plus insupportables ».
Se prendre en main pour ne pas sombrer
Si vous faîtes face à des personnalités pathologiques, ne restez jamais seul face à la situation. Alertez votre N+2 ou +3, allez voir votre médecin du travail, retrouvez d’autres collègues qui ont vécu la même chose, ou encore allez toquer à la porte d’une association qui vous expliquera la marche à suivre.
S’il s’agit de personnalités difficiles et non pas dangereuses, essayez d’entamer un travail sur vous-même, en vous aidant par exemple de la psychothérapie. « Essayez de réfléchir et de vous poser vos propres règles. C’est essentiel pour ne pas plonger dans le doute, surtout face à une personne qui ment sans cesse. Si vous attendez toujours des autres qu’ils vous disent ce que vous devez faire, vous serez détruit par la situation », soutient-il.
Identifiez donc ce qui vous a aidé à forger votre morale et vos règles, car il est extrêmement rassurant de le trouver en vous. « Sachez ensuite pardonner quand vous ne trouvez pas ce que vous attendez chez les autres et que vous sentez tout de même un minimum de sincérité », poursuit Roland Guinchard. Il est essentiel d’être sûr de soi pour ne pas se laisser envahir par le doute. « Lorsque l’on fait face à un pervers, c’est en premier lieu notre confiance en nous qui disparaît », atteste le spécialiste. Voilà pourquoi muscler son estime de soi et sa confiance est le premier des remparts contre les personnalités difficiles au travail.
*Les personnalités difficiles ou dangereuses au travail, Roland Guinchard, éditions Elsevier Masson, 2013
@Paojdo
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