(Télé)travail et enfants à la maison : on gère comment ?

La situation inédite du confinement mis en place par le gouvernement pour limiter la propagation du coronavirus Covid-19 nous conduit à télé-travailler tout en devant garder les enfants et faire l’école à la maison. Une mission délicate qui incite à s’adapter, comme nous le confient les mères que nous avons interrogées.

Depuis lundi matin, les écoles sont fermées et les enfants restent à la maison. Le confinement, annoncé par le gouvernement pour freiner la propagation du Coronavirus Covid-19, amène beaucoup de parents à télétravailler. Pas évident dans ces conditions d’assurer à la fois la garde de ses enfants, leur scolarité et son travail dans un environnement restreint et pas toujours adapté. Marie, assistante pédagogique dans une école de l’Inseec et mère de trois enfants de 4, 7 et 9 ans, s’y frotte avec difficulté. Son époux, ostéopathe à Paris, a fermé son cabinet mais continue de télétravailler à mi-temps pour une école. Chacun a donc du trouver un endroit dans le logement pour exercer son activité. Si son époux utilise l’ordinateur du travail, Marie a pris celui de la maison. Et il manque un poste pour permettre aux enfants d’accéder aux contenus mis en ligne par les professeurs. Les dernières grèves ont tout de même permis à l’employeur de Marie d’anticiper et d’élargir l’accès au travail à distance, en changeant les licences, en déployant le VPN (virtual private network, réseau privé virtuel)…

Travailler tôt le matin et tard le soir

Mais les enfants réclament de l’attention. « On est constamment interrompus. Ils voient que nous sommes là mais nous ne sommes pas disponibles pour eux.  C’est vraiment très compliqué. Et puis, les maîtresses leur ont donné beaucoup de travail. Ca part d’un bon sentiment mais on en a au moins pour deux heures par jour pour chaque enfant ! », déplore Marie. Pour optimiser sa journée, elle commence à travailler quand les enfants dorment encore. Le fait de ne plus avoir à préparer et conduire tout le monde à l’école ni à se déplacer pour travailler lui fait gagner du temps. Son fils aîné aide sa sœur à faire ses leçons et Marie corrige ensuite pendant sa pause vers 11h. Pendant qu’ils déjeunent et font un temps calme, elle travaille de nouveau. Puis, elle passe le reste de l’après-midi avec eux avant de se remettre à travailler le soir, parfois jusqu’à minuit. « C’est dur de ne pas être au contact des collègues. Nous avons du mal à être tous disponibles en même temps pour échanger. Le plus difficile pour nous tous, ça va être de tenir sur la durée. Et encore, j’ai la chance d’avoir un extérieur pour les enfants », reconnaît la jeune femme. En attendant, elle compte bien aussi sur son stock de gommettes, cahiers de coloriages et autres activités pour les occuper.

Faire travailler les ados à côté de soi

A Angers, Laëtitia, chargée support technique, goûte déjà au télétravail depuis plus de quinze jours. L’une de ses filles est, en effet, revenue souffrante de Venise. Son employeur a préféré qu’elle travaille depuis son domicile mais le temps lui paraît long. Ses filles sont en 4ème et en 2nde et contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas forcément plus évident. « Il faut les motiver les ados pour les mettre au boulot ! Les profs ont dit qu’ils ne donneraient pas beaucoup de devoirs à ma fille aînée car les Secondes ne sont pas prioritaires. J’ai cherché des supports pour la faire travailler mais je ne suis pas prof et il n’y a pas forcément les réponses dans les manuels. Il faudrait que je sois plus derrière elle mais ça peut vite créer des tensions ! Pour ma cadette, j’ai moins d’inquiétude parce qu’elle a une très bonne moyenne. Elle reçoit régulièrement des cours sur Internet mais le réseau saute et on a du mal à y accéder », explique Laëtitia. Pour elle aussi, la journée de travail débute tôt, à 7h30 dans la pièce de vie principale. Puis, ses filles la rejoignent pour travailler à côté d’elle. Elle essaye alors de répondre aux questions de chacune. Puis, elles s’occupent seules avant que la famille ne se réunisse en fin de journée pour cuisiner ou faire un jeu de société. « J’ai mauvaise conscience mais je ne peux pas être partout à la fois. Heureusement, ma boîte est conciliante et sait bien que la production ne suivra pas autant que d’habitude », confie-t-elle.

Un planning pour rythmer la journée

Anne a repris ses études cette année. Elle est en licence pro et alterne cours à la fac et stage en entreprise. Son mari, dans la fonction publique hospitalière, est mobilisé. A la maison, c’est donc elle qui gère le quotidien en cette période de confinement. Elle y voit une occasion d’innover. Pour cela, elle a mis en place un vrai planning pour son fils Malo, scolarisé en 4ème, et sa fille Rose, en 6ème. Ils commencent la « classe » à 9h et font leurs devoirs et révisions jusqu’à 11h pendant qu’Anne travaille aussi. De 11h à 12h, ils font à manger ensemble. « C’est le moment de leur transmettre des compétences du quotidien, chose qu’on ne fait pas forcément d’habitude », commente Anne. Puis, de 13h à 14h, après avoir déjeuné, ils poursuivent leur travail scolaire. De 14 à 15h, c’est « apprentissage alternatif » : ils regardent un documentaire, un tutoriel pour apprendre à tricoter, à bricoler… De 15h à 18h, c’est temps libre. Pendant ce temps, Anne fait des recherches et rédige ses dossiers. « Quand on est au travail, il y a toujours quelqu’un pour nous déconcentrer. Ca ne change pas beaucoup ici avec les enfants », ajoute Anne. Son planning a créé un vrai rythme dans la journée de la famille. Mais côté formation, elle reconnait que le présentiel permet une interactivité et que les cours s’enrichissent de l’expérience de chacun. Ici, il faut faire sans, mais elle reste positive. « Qu’est-ce que j’y peux ? Finalement, je me demande même si ça ne va pas être dur de retourner travailler pour moi après cette période ! Pour mes enfants, je pense que les copains vont leur manquer quand même ».

Gérer ses priorités et déculpabiliser

Diane Ballonad Rolland, fondatrice du cabinet Temps & équilibre, formatrice et coach professionnelle, estime qu’il faut se donner du temps pour trouver son rythme et accepter, sans culpabiliser, de ne pas pouvoir être aussi efficace que d’habitude. Il faut bien, en effet, dégager plus ou moins du temps pour ses enfants, selon leur âge. « Chacun adapte son rythme comme il le souhaite et le peut. Mais c’est bien de garder une dynamique, de demander aux enfants de s’habiller plutôt que de faire une journée pyjama. Les enfants aiment les routines, ça les rassure. Ca pose un cadre même s’il est assoupli. Pour les plus petits, ça passera peut-être par plusieurs séances courtes de travail scolaire dans la journée en variant les activités », suggère-t-elle. Pour les adultes, c’est avant tout une question de gestion des priorités et l’occasion de réinterroger sa façon de travailler pour développer de nouvelles opportunités. « Moi, j’en profite pour écrire sur mon blog. Et je propose gracieusement, par mail, mon aide et mes conseils aux personnes qui ont du mal à s’organiser en télétravail», explique Diane Ballonad Rolland. De quoi se sentir moins seule.


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