Marine Barnérias, plus forte que la maladie : “C’est dans les failles que l’on se construit”

Marine Barnérias

En 2015, Marine Barnérias, jeune étudiante en école de commerce, apprend qu’elle est atteinte de sclérose en plaques. Quelques mois après, elle décide de partir en expédition, sans médicaments. Elle articule son voyage autour de trois piliers : éprouver son corps en Nouvelle-Zélande, se reconnecter à son esprit en Birmanie, et finir peut-être par rencontrer son âme en Mongolie. Une quête de soi qu’elle raconte avec force dans son premier documentaire, Rosy.

Interview de Marine Barnérias

Vous avez récemment confié que sans la sclérose en plaques, vous seriez passée à côté de votre vie. Que vouliez-vous dire par là ? 

Marine Barnérias : Ce que je voulais dire, ce n’était pas que j’avais changé – je demeure la même personne – mais cette maladie m’a nécessairement forgée. Nous sommes le fruit d’une construction. Tous les échecs, imprévus et aléas qui parsèment notre chemin sont là pour nous façonner. Qu’il s’agisse d’une maladie comme la sclérose en plaques, un divorce, une reconversion ou un décès, nous devenons forcément une autre personne.  

Quand vous avez découvert votre maladie, vous étiez en école de commerce. Depuis, vous avez pris une trajectoire toute autre en devenant animatrice et en montant votre société de production. Quel est le fil rouge de ce parcours professionnel ?   

Marine Barnérias : À partir du moment où l’on est convaincu de ce que l’on fait, que l’on est bien dans ses pompes, on ne va pas “chercher” son travail, la vie nous met sur le bon chemin. En ce qui me concerne, je n’avais jamais pensé être présentatrice. Il s’est avéré que cette opportunité s’est présentée. Cette expérience m’a ensuite amenée à monter ma société de production qui me permet de créer des projets télévisuels, cinématographiques, événementiels… Je n’avais absolument pas prédit que tout cela serait ma route. J’ai juste confiance en ma petite voix intérieure, je ne me précipite pas. Ce qui m’importe, c’est d’être à la bonne place, au bon moment.

Vous avez mis toutes vos tripes dans ce documentaire. Maintenant, vous allez raconter l’histoire des autres ?

M-B : Oui, je ne suis pas l’égérie de la sclérose en plaques. Avec Rosy, j’ai voulu raconter mon histoire avec toute ma sincérité, vulnérabilité et fragilité. Car j’en suis convaincue : c’est dans la fragilité et dans les failles que l’on arrive à se construire. Mais maintenant, j’ai effectivement envie de raconter l’histoire des autres, avec l’objectif de créer mon émission. Je vais également continuer à présenter “Littoral” sur France 3, et j’ai des projets cinématographiques pour le cinéma très différents, puisqu’il s’agit d’humour. Pour chaque projet, j’avance au jour le jour et essaie de m’entourer de gens meilleurs que moi. 

Marine Barnérias - Rosy

En découvrant votre parcours et votre force de vie, on est tenté de vous ériger comme une incarnation de la résilience.  Vous vous sentez à l’aise avec cette association ? 

M-B : Non, car je pense que la résilience n’est jamais acquise. Personne ne peut être identifié à la résilience. Elle est éphémère. On l’a à un instant T, puis elle s’évapore. La magie de la vie, c’est de l’entretenir. Pour ma part, elle a fait partie de ma vie à un moment. A un moment donné, j’ai juste appris à cohabiter avec mes peurs. J’aime me présenter comme une personne avec ses failles, ses joies, et qui a juste un amour inconditionnel pour la vie. Je parle donc plus d’ode à la vie que de résilience. La vie est plus forte que la mort. L’envie est plus forte que le doute.  Bref, je suis juste Marine, atteinte de sclérose en plaques. Une jeune femme qui a transformé le nom de cette maladie terrifiante en rose, Rosy. Mais dans 2 jours, 6 mois, un an, je ferai face à d’autres problématiques de femme, indépendamment de ma maladie. Et ce n’est pas parce que j’arrive à cohabiter avec Rosy que j’arriverai à cohabiter avec autre chose. Arrêtons d’admirer les gens, inspirons-nous d’eux. L’admiration nous cloue au sol. 

Dans cette ode à la vie, quel rapport entretenez-vous avec la beauté, et notamment la beauté de la nature qui semble vous avoir tant transportée pendant votre voyage ?

M-B : Avant, j’étais quelqu’un qui engloutissait son assiette sans regarder ce qu’il y avait dedans. Ou alors je regardais l’assiette des autres. Mais à un moment, j’ai levé les yeux, observé ce qu’il y avait autour de moi, et je ne me suis recentrée. C’est là que j’ai pu jouir de la beauté de la nature. La nature est un miroir de nous-mêmes. On peut y voir nos doutes et nos failles. C’est elle qui nous guide, nous forme, nous fait trébucher, nous relever. La nature est le meilleur médicament si l’on apprend à s’observer de l’intérieur. Elle m’a fait découvrir à quel point j’avais besoin de changer les choses en moi. 

Dans Rosy, on vous observe dans votre apprentissage de la solitude. Cette peur de se retrouver face à soi-même est très partagée…

M-B :  Avec ce voyage, j’ai compris que ma maison, peu importe où je me trouvais sur le globe, c’était mon corps. Car en réalité, la plus grande solitude, c’est avec soi-même. On peut se sentir extrêmement seul tout en étant très entouré. Alors depuis, j’entretiens cette solitude. Elle est devenue un autre de mes médicaments. Je serais incapable de gérer ma société si je ne partais pas en expédition seule, si je n’allais pas marcher en forêt et me receuillir. Réussir à prendre du temps pour soi, c’est le challenge le plus dur d’une vie ! 

Depuis ce voyage “initiatique”, vous avez intégré la méditation dans votre quotidien. Qu’avez-vous appris de cette pratique ?

M-B : La méditation, ce n’est pas de la relaxation. C’est avant tout un travail sur soi, quelque chose d’intense. Dans notre monde, nous sommes toujours en train d’agir et de réagir de manière automatique. Avec la méditation, nous déprogrammons ces automatismes. Cela nous permet d’avoir davantage d’impact dans notre existence. J’essaie de méditer de manière régulière mais je n’arrive pas forcément à avoir une pratique quotidienne, surtout quand je suis à Paris. Il y a eu des périodes de ma vie où je méditais beaucoup plus. Ce n’est pas parfait, mais comme vous l’aurez compris, j’aime l’imperfection. Il faut être tolérant et comprendre que chaque pratique que nous implémentons dans notre vie demande du temps pour être bien maîtrisée. Pour en revenir à la méditation, ce que j’en ai retenu, c’est l’impermanence de toute chose, du bonheur comme de la douleur. Cela m’a permis de ne plus avoir peur de la maladie. 

Paulina Jonquères d’Oriola

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