Ces entrepreneures qui reviennent au salariat

retourner vers le salariat

La création d’entreprise a le vent en poupe. Entre 2023 et 2024, ce sont plus d’1,1 millions d’entreprises (y compris les micro-entreprises) qui ont vu le jour en France, d’après l’Insee. Un chiffre qui a presque doublé en l’espace de dix ans (582,7 milliers d’entreprises créées en 2014). Si les Français tentent l’aventure entrepreneuriale, c’est avant tout pour trois raisons : « être son propre patron, ne plus être salarié », « réaliser un rêve » et « exercer une activité conforme à ses valeurs », d’après les données de l’indice entrepreneurial français publié par Bpifrance et Ifop en 2023. Pourtant, certains chefs d’entreprise font marche arrière et choisissent de retourner vers le salariat. 

L’entrepreneuriat, entre isolement et insécurité

C’est ce qui est arrivé à Julia Cantaragiu. La jeune femme s’est lancée dans l’entrepreneuriat fin 2021 alors qu’elle était encore étudiante. « Je voulais être libre, agir selon mes propres règles et ne pas travailler pour un patron. Je voulais créer mon entreprise assez tôt pour qu’elle soit solide avant la fin de mes études. Autour de moi, je voyais des salariés qui avaient fait des burn-out. L’entrepreneuriat me semblait être la seule voie pour être épanouie », se souvient-elle.

Elle débute son activité de coaching sur LinkedIn et parvient assez rapidement à se verser un salaire. Julia Cantaragiu obtient même le prix du meilleur entrepreneur roumain en France. Mais les difficultés se font aussi sentir : pression pour générer un chiffre d’affaires suffisant, solitude due à l’absence de collègues, nécessité de tout faire soi-même (marketing, comptabilité, communication…) etc. « On apprend beaucoup en étant freelance mais si on n’a pas les moyens de déléguer ces tâches, ça crée une charge de travail supplémentaire », reconnaît la jeune femme. 

Mini Guide Entrepreneuriat

Mettre son ego de côté

Ainsi à la fin de sa formation en alternance chez RamenTaFraise, quand Nina Ramen, la fondatrice, lui propose un CDI de coach LinkedIn et personal branding, elle accepte et cesse son activité de freelance. « Je n’étais pas heureuse de faire plein de choses dans tous les sens. J’avais envie de m’attacher à un projet d’envergure, d’être entourée pour prendre des décisions, de pouvoir déléguer à des personnes qui savent faire. Là on vit une aventure ensemble, c’est plus épanouissant », estime-t-elle. Avec ce CDI, elle retrouve plus de sécurité et d’assurance. Mais faire une croix sur l’entrepreneuriat n’a pas été chose facile pour autant.

Pour certains, rejoindre le salariat est perçu comme un retour en arrière, un échec. « Ça a été un long travail pour moi car il y avait beaucoup d’égo dans ce choix. Mais j’ai réalisé qu’il n’y avait pas de honte à être salariée ni de gloire à être entrepreneure. Le statut juridique n’a pas d’importance par rapport à ce que l’on vit au quotidien, au plaisir des missions, et au fait d’être plus heureuse », confie-t-elle.

Des tâtonnements pour mieux se trouver

Nora Hamma, elle, est à la veille de ses 40 ans quand elle décide de changer de vie. « J’avais envie d’un projet, de monter ma boîte », dit-elle. Elle opte pour une reprise d’activité dans le marketing terrain et développe sa société NH Events de 2008 à 2013. « À l’époque, il n’y avait pas autant d’aides, pas tous les réseaux sociaux professionnels… », se rappelle-t-elle.

Cela ne l’empêche pas de réussir. « Je suis passée d’une entreprise de trois salariés à 120 ! Ça a été une grosse aventure mais j’étais seule. Je n’ai pas trouvé de partenaires qui veuille porter ces charges avec moi, s’impliquer. En cinq ans, je n’ai pris que deux ou trois semaines de vacances. J’étais au bout du rouleau », se souvient-elle. Elle revend une partie de son entreprise et cesse l’autre partie de l’activité. Elle décide alors de se former à la PNL et crée son auto-entreprise en tant que coach.

Même si les enjeux et la charge de travail sont moindres, cette nouvelle expérience ne la convainc pas. « Je ne me suis pas sentie à ma place. Il me fallait plus de monde », glisse-t-elle. Elle cesse l’activité après deux ans et enchaîne avec des contrats et du consulting en freelance jusqu’à ce qu’elle réalise que cela ne lui convient plus. Elle souhaite davantage mettre ses compétences au services des autres, les aider… C’est ainsi qu’elle se reconvertit en tant qu’office manager, un métier polyvalent dont l’objectif est d’assister et de soutenir les dirigeants d’entreprise dans diverses tâches. 

Tester l’entrepreneuriat : « ça enlève des fantasmes »

Deux CDD lui ont permis de s’assurer que cette voie lui plaisait. Désormais, elle cherche un CDI. « À 55 ans, j’aspire à plus de stabilité même si ça réduit mon train de vie. Je ne veux plus penser sans arrêt à mon travail. Quand on est entrepreneure, ça fait partie du quotidien, on est tout le temps dedans. Il y a les factures, les prospections, c’est épuisant. Sans parler des clients qui, bien qu’ils génèrent des millions, veulent toujours payer moins », déplore Nora Hamma. Pour elle, retourner vers le salariat ce n’est pas renier la liberté, c’est s’offrir plus de moments de partage, de convivialité au sein d’une équipe. « L’activité d’office manager est très diversifiée. Je m’y sens utile et je suis remerciée toute la journée. C’est vraiment agréable », remarque-t-elle. Son parcours riche, ponctué d’une belle réussite dans l’entrepreneuriat, devrait lui ouvrir des portes.

De son côté, Julia Cantaragiu ne regrette pas non plus d’avoir connu l’entrepreneuriat… ni de l’avoir quitté. « Je suis très contente d’avoir vu par moi-même ce qu’est l’entrepreneuriat. Ça enlève des fantasmes. Cette expérience m’a permis d’avoir une vision plus nuancée sur l’entrepreneuriat et le salariat et de réaliser qu’il existe aussi des boîtes où des salariés sont épanouis », conclut-elle. Finalement, l’enjeu n’est pas de déterminer laquelle de ces deux voies est la meilleure mais de suivre son cœur, de tenir compte de ses aspirations et de sa situation sur le moment, de ne rien s’interdire pour s’épanouir. 

Dorothée Blancheton

Vous aimerez aussi :

Salariat versus travail indépendant : quand le télétravail rebat les cartes

La clé de soi : quand les objectifs deviennent un chemin de connaissance de soi

Trouvez votre profil pour en finir avec l’autosabotage

0
    0
    Votre panier
    Votre panier est vide