A l’heure où la sécurité de l’emploi s’immisce dans l’actualité, coup de projecteur sur un mode de vie qui a largement dépassé le stade du phénomène : les slasheurs. Ces actifs cumulant plusieurs activités professionnelles seraient désormais plus de 2 millions selon l’Insee. Parmi eux, Marielle Barbe.
« Même lorsque j’ai occupé des postes salariés à temps plein, j’avais, en réalité, plusieurs jobs. » Marielle Barbe a longtemps ignoré qu’elle était une slasheuse. « Dans cette société qui prône la mono-activité, j’ai tout de même mis près de cinquante ans à la découvrir », s’amuse-t-elle. Un jour, un collègue la critique ouvertement : « on ne comprend rien à ce que tu fais », lui lance-t-il, devant d’autres. Un déclic pour Marielle Barbe.
Les slasheurs : une révolution plus qu’une mode?
Nous sommes en 2014. Elle décide alors de fonder son site internet et de mettre un nom sur son activité : slasheuse. Le terme vient des Etats-Unis, et fait révérence au signe typographique oblique induisant la notion de choix. Car Marielle ne veut pas choisir : formatrice, consultante, coach, elle est un peu tout cela à la fois. Un statut qu’elle décrypte dans son livre : Profession slasheur : cumuler les jobs, un métier d’avenir (éditions Marabout) et qu’elle revendique jusque sur son profil LinkedIn. « A partir du moment où j’ai décidé de pleinement assumer le fait de ne pas avoir qu’une seule activité, en le disant ouvertement, j’ai été contactée à la fois par des journalistes et des réseaux professionnels pour témoigner. »
Car les slasheurs constituent bien plus qu’une simple tendance. Dans un rapport publié en mai 2015, l’Organisation internationale du travail (OIT) souligne que le travail salarié classique ne concerne plus désormais, à l’échelle du globe, qu’un actif sur deux. « Nous nous adaptons à un monde en mutation », commente Marielle Barbe. « D’ailleurs, je rencontre de plus en plus de personnes dans mon cas. »
Entre choix et adaptation
A ceux qui se demandent si cumuler plusieurs professions ne constituerait pas un choix par défaut, faute de trouver en emploi plus classique en CDI, la slasheuse s’insurge : « cela peut être le cas dans certaines situations. D’ailleurs, cela n’est pas propre à notre époque : il y a toujours eu des gens qui ont cherché à compléter leurs activités par des emplois parallèles. »
Mais aujourd’hui, assure-t-elle, nombreux sont ceux à effectuer le choix de la multi-activité : « de nombreux adultes sont en quête de sens, les envies évoluent. Je précise que certains sont malheureux, en étant en CDI. » De fait, un sondage Ifop de 2014 pointe un mal-être des salariés d’entreprise : 30% souffriraient de bore-out et 40% seulement s’épanouiraient au travail.
L’épineuse question du statut
Un frein, et pas des moindres semblent faire obstacle à cette mutation des modes de travail : le lien, pour l’heure quasi-inextricable, entre couverture sociale et statut professionnel. « C’est vrai qu’il s’agit là d’un énorme casse-tête, » concède Marielle Barbe. « Toute ma vie, j’ai dû jongler entre les différents régimes, » avant de conclure, optimiste : « en ce moment, avec notamment la suppression du RSI, j’ai l’impression que les choses évoluent dans le bon sens. »
Claire Bauchart