Avec Bloum, Florence Servan-Schreiber démystifie le processus d’écriture

Florence Servan-Schreiber, autrice et spécialiste de la psychologie positive, a publié début juin son neuvième livre, Bloum. Un ouvrage sur la pratique de l'écriture qui décomplexe, déculpabilise et motive.

Un livre déculpabilisant et motivant 

Après Power Patate et 3 kifs par jour, Florence Servan-Schreiber continue de démocratiser la psychologie positive à travers ses écrits. Son dernier ouvrage, Bloum, est né à la suite d’un « échec cuisant » lors d’une tentative d’écriture de roman. L’autrice nous raconte avec franchise qu’elle n’arrivait pas « à tenir le fil d’une scène », à créer des personnages cohérents. Ce passage difficile et désagréable l’a poussée à se tourner vers des travaux concernant la pratique de l’écriture et à tester « toutes sortes de techniques. »

Finalement, elle décide d’écrire un livre sur son propre processus de création et sur les échecs qu’elle a rencontrés. Cela va donner Bloum, un titre tiré d’un mélange entre le mot anglais « bloom » qui signifie « fleurir » et de l’onomatopée « boum » qui représente pour l’autrice le cœur qui bat. À travers ce titre et cet ouvrage, Florence Servan-Schreiber prône « le droit de jouer avec les mots et avec l’orthographe » et déculpabilise les lecteurs et lectrices quant aux qualités nécessaires pour se lancer dans l’écriture.

L’écriture comme processus thérapeutique 

Bloum nous rappelle aussi que l’écriture peut être utilisée comme un outil thérapeutique. La psychologue clinicienne Nayla Chidiac a par exemple introduit des ateliers d’écriture dans le cadre des thérapies à l’hôpital psychiatrique Sainte-Anne et 80% des patients y participent. Cela va permettre de « recréer un psychisme plus régulier » chez les gens qui ont subi un trauma. Mais cette caractéristique thérapeutique ne s’applique pas seulement à des cas graves et tout le monde peut finalement se sentir libéré par « la contrainte d’écrire ».

« L’écriture la plus puissante est certainement l’écriture intime, celle que l’on ne montre à personne», explique Florence Servan-SchreiberParfois, nous ne pouvons pas avouer ou exprimer certaines choses même à nos amies les plus proches ou à notre famille.  Alors que dans un journal intime « on peut tout dire, tout raconter, se moquer, se soulager. » Cela permet aussi de garder une trace de sa vie et de retrouver un peu de paix d’esprit en se débarrassant de certaines pensées répétitives.

Il peut aussi s’agir d’une écriture non-littéraire comme par exemple d’une liste. L’écriture créative, elle, nous permet de « nous sortir de nous-même, de nous grandir. » La spécialiste en psychologie positive rappelle qu’être créative « ce  n’est pas être artiste », cela signifie simplement qu’on « réussit à tirer une idée d’une contrainte ou d’une consigne. » Pour l’autrice, ce processus nous comble car  « le bonheur se trouve souvent dans l’effort. »

Se réapproprier l’écriture

Mauvaises notes en dictée, absence d’encouragements, critiques venant des professeurs, manque d’ateliers d’écriture créative à l’école : beaucoup de français et françaises ont fait un rejet de l’écriture dans leur enfance et ne veulent donc pas renouer avec ce trauma à l’âge adulte. Florence Servan-Schreiber raconte qu’elle-même n’a pas écrit une seule ligne avant l’âge de 40 ans. Pour elle, le complexe le plus commun reste l’orthographe.

Elle voit la langue française comme une langue « sadique » et nous rappelle que tout ce que nous lisons a été corrigé au préalable, par des éditeurs ou des correcteurs en ligne, un peu comme Photoshop pour les photos. Son approche nous permet de nous décomplexer et de nous sentir légitime à écrire même si on ne maîtrise pas toutes les règles orthographiques et grammaticales. 

La peur de la page blanche fait aussi partie des freins au processus de création. L’autrice de Bloum a rédigé sa première phrase lors d’une période de sa vie où elle s’ennuyait profondément. Elle a simplement commencé à écrire ce qu’elle ressentait. Selon elle, les gens  « ont peur de souiller quelque chose avec un propos ou des mots qui n’en vaudraient pas la peine. » 

Pour se lancer, elle conseille donc de faire appel à la technique de l’écriture automatique qui consiste à écouter « cette petite voix qui nous parle constamment » et « retranscrire ce qu’elle nous dit. » Il faut surtout « prendre le risque de ne pas être tout à fait prête »  et vaincre ce mélange de peur, paresse et procrastination qui nous bloque.  

Prendre des habitudes

Lors de ses études en psychologie positive, Florence Servan-Schreiber apprend qu’écrire régulièrement dans un journal peut être un moyen d’apaiser des angoisses ou même de vaincre une dépression. Elle tente l’expérience dans un contexte de recherche dans un premier temps, se force à mettre en place ce mécanisme dans un but pédagogique. L’autrice réalise rapidement les bénéfices de cette pratique qui demande de se fixer « des rendez-vous réguliers avec soi-même. » Aujourd’hui, elle consacre une journée par semaine à l’écriture. Pour se motiver à maintenir un rythme régulier, elle conseille de « ritualiser et théâtraliser la façon dont on va écrire » en choisissant un lieu, un carnet spécifique, un modèle d’ordinateur. C’est finalement le geste d’écrire « qui va apporter des bénéfices plus que le résultat. »

Redéfinir sa relation à soi à travers l’écriture

Souvent, lorsque l’on écrit, nous avons tendance à nous juger et à nous autocensurer. Même l’écriture d’un journal intime nous paralyse, on  se demande si notre vie ou nos expériences ont vraiment tant de valeurs que ça. Florence Servan-Schreiber nous invite à dépasser ce sentiment et à écrire pour se défouler ou pour se souvenir. En tant que femme tout particulièrement, « l’écriture nous permet d’avoir un jardin secret, un temps à soi. » L’autrice voit l’écriture comme une manière de développer « une relation intime avec nous-même. » 

Elle explique qu’ « écrire et s’écrire permet de repérer des choses chez soi et même d’en rire! » L’écriture, surtout intime, nous apprend à avoir de l’amitié pour nous-même, à nous féliciter, à « se retrouver victorieuse de quelque chose que l’on a fait par le passé.» Écrire c’est aussi prendre du recul sur soi et sur sa vie et cela nous permet de voir les choses différemment, à travers d’autres perspectives. 

Bloum, un atelier d’écriture en ligne 

Ce qui a inspiré Florence Servan-Schreiber pour l’écriture de son livre, c’est aussi la création d’un atelier d’écriture en ligne, intitulé lui aussi Bloum. C’est une expérience d’écriture unique, qui dure plusieurs mois, où chacun et chacune reçoit une consigne par semaine et a la possibilité d’être lu.e.s. Pour la fondatrice du concept, « un texte qui est lu prend vie. » L’atelier réunit plus de 600 personnes qui écrivent, lisent et commentent des textes à l’unisson.

Bloum permet aux apprentis écrivains d’essayer toutes sorte de techniques, seul.e ou au sein d’un groupe. Chacun.e peut choisir son degré d’implication. L’autrice voit dans cet atelier une manière pour les gens de se stabiliser et se rassurer durant cette période incertaine de post-confinement, « où l’on doit retrouver des repères que nous n’avons plus. » Durant cette expérience, Florence Servan-Schreiber a réalisé qu’il y avait « un facteur humain aussi important que l’écriture.» Finalement, « l’écriture n’est qu’un véhicule. » Cet atelier permet donc de rentrer dans l’intimité de chacun.e à travers leurs productions écrites tout en restant à distance.

Écrire des textes qui nous ressemblent et avoir une intention  

Qu’est ce qui fait qu’un texte nous touche plus qu’un autre ? Comment évaluer la qualité d’un texte ? L’autrice trouve qu’il y a « quelque chose d’extrêmement personnel dans la façon d’écrire des gens » et pense qu’un bon texte est « un texte qui ressemble à la personne qui vient de l’écrire. » L’émotion est aussi un élément important et il est parfois crucial que l’on se reconnaisse dans un texte. Il faut aussi se demander à qui l’on écrit.  

Florence Servan-Schreiber a écrit chacun de ses livres en s’adressant à une seule personne: une amie, un membre de sa famille et parfois à elle-même. Elle a par exemple écrit 3 kifs par jour pour se rappeler de tout ce qu’elle avait appris. “Je n’ai cherché à convaincre personne”, explique-t-elle, “et finalement c’est cela qui l’a rendu universel. » L’important c’est  donc d’avoir une intention. L’autrice conseille aussi de rédiger des écrits « courts, vrais, justes et qui nous ressemblent » pour les rendre percutant. Elle nous invite surtout à nous « offrir le luxe de créer quelque chose à partir de rien. »

Amélie Tresfels

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