Aude Barral : CodinGame, le CV nouvelle génération des geeks

CodinGame

Aude Barral est co-fondatrice et CMO de CodinGame, une plateforme de jeux vidéos en ligne permettant à chacun de s’exercer au code de façon ludique, mais aussi de dénicher les talents de demain. L’entreprise montpelliéraine vient de lever 1,5 millions d’euros auprès d’ISAI, le fonds d’investissement qui a récemment changé le destin de BlablaCar.

Vous avez fait vos études à Sciences Po, votre intérêt pour la tech est-il venu plus tard ?

Aude Barral : En réalité, j’ai eu mon premier ordinateur très tôt, j’ai toujours adoré les jeux vidéos, alors c’est vrai que j’aurais pu tout de suite évoluer dans la tech. Mais la question de l’orientation a été fondamentale : les femmes dans la tech ne représentent que 15% des effectifs. Au lycée, j’étais plutôt douée en français et en expression, et avais un petit complexe par rapport aux matières scientifiques car je n’étais pas exceptionnelle en maths. Je me suis moi-même mis des freins et ai atterri en ES. J’ai ensuite choisi Sciences Po pour ne surtout pas me fermer de portes. 

Avant CodinGame, vous êtes passée par les collectivités territoriales ?

Aude Barral : Après Sciences Po j’ai fait un passage à Oxford. J’avais un intérêt pour l’environnement et les ONG alors je me suis dirigée vers le secteur public. J’ai travaillé en collectivité territoriale dans le secteur de la formation professionnelle en Languedoc Roussillon. Au bout de 4 ans, j’ai tout stoppé pour prendre une année sabbatique et faire un tour de l’Atlantique avec Frédéric Desmoulins, actuel CEO de CodinGame. Cela m’a permis de prendre du recul et de réellement savoir ce que j’avais au fond des tripes. Frédéric avait l’envie de monter une boîte, tandis que je m’interrogeais vraiment sur mon envie de poursuivre dans les collectivités dont je trouvais le fonctionnement trop peu souple et créatif. Le projet s’est structuré, puis nous avons eu un troisième associé, Nicolas Antoniazzi (actuel CTO), avec qui nous étions à Oxford. J’ai vu l’entrepreneuriat comme un nouveau souffle, un nouveau sens. J’étais la seule des trois à ne pas avoir de background dans la tech car tous deux étaient ingénieurs en informatique. Venant plutôt du monde de l’éducation et de l’emploi, j’ai pu faire le lien avec cette envie que nous avions de rendre le code accessible à tous à travers le jeu. Le jeu développe une mécanique efficace pour progresser et avoir envie d’avancer.

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Que propose exactement votre société CodinGame ?

Aude Barral : CodinGame est une plateforme de jeu pour les programmeurs, entre jeu vidéo classique et interface de code pour interagir avec le jeu. Les manettes sont ainsi remplacées par des lignes de codes et des armées s’affrontent. Plus on monte de niveau, plus on interagit avec le jeu. CodinGame est gratuit et propose 23 langages de programmation, ce qui permet aussi d’apprendre de nouveaux langages. Nous comptons environ 300 000 programmeurs dans plus de 160 pays différents. Certains sont en poste, d’autres étudiants ou carrément lycéens.

CodinGame permet ainsi de découvrir de jeunes talents ?

Aude Barral : En effet, le jeu permet aux développeurs de montrer sur ce qu’ils savent faire. La programmation informatique, ce n’est pas qu’un parcours académique, c’est avant tout une passion. Certains autodidactes sont très doués, nous avons envie de permettre à des talents d’éclore, qu’ils se trouvent à Madagascar ou en Sibérie. Notre Business Plan consiste justement à organiser des contest durant lesquels on propose aux joueurs de venir participer quelques heures. Ils pourront ainsi entrer en contact avec les entreprises qui sponsorisent les événements. Nous cherchons vraiment de belles références et avons déjà travaillé avec Amadeus, Dassault System, Nintendo, Ubisoft, Blablacar…  Nous collaborons aussi avec des startups. Le concours est anonyme, les participants codent et en découle un classement. Leurs codes sources sont publics du coup les sociétés peuvent entrer en contact avec eux autrement que sur la base d’un CV.

Vous venez de lever 1,5 millions d’euros auprès d’ISAI, financeur de BlablaCar, aux côtés des investisseurs historiques Seed4Soft et Venist Invest. Pensez-vous qu’il est plus difficile de lever des fonds en France ?

Aude Barral : Ce qui est difficile, c’est de parvenir à identifier un interlocuteur qui va être capable de partager votre vision. Cela a été le cas avec ISAI et nous avons eu beaucoup de chance. Ce que nous faisons est assez disruptif et il est plus dur de convaincre avec un programme de B to C.  

En revanche, il est vrai qu’il y a une différence au niveau de la structure des acteurs du monde du capital risque. En France, on est sur des critères peut-être plus classiques, certaines activités vont être privilégiées, et un chiffre d’affaires minimum va être demandé. Aux US, il est peut-être plus facile de lever des fonds, en revanche, les conditions peuvent aussi être plus dures par la suite.

Il n’est pas non plus forcément obligatoire de lever d’énormes sommes pour pouvoir avancer ?

Aude Barral : Le montant levé nous permet de nous accompagner au stade où nous en sommes. Notre R&D a mis deux ans, nous avons pris du temps pour nous positionner en termes de stratégie mais à présent, nous avons une croissance exponentielle de nos utilisateurs. Nous sommes 15, nous prévoyons 10 recrutements dans les 12 à 18 mois à venir. Notre chiffre d’affaires progresse, nous avons plein de pistes pour des actes de monétisation dans le respect de notre communauté. Nous voulons demeurer totalement gratuits pour nos utilisateurs.

Vous avez encore peu de femmes dans vos équipes, à quoi cela est-il dû ?

Aude Barral : Notre équipe technique est exceptionnelle, mais malheureusement, il est encore dur de trouver des jeunes femmes dans le domaine. Je lance un appel : nous vous accueillons à bras ouverts !

@Paojdo

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