« Le poisson est un animal susceptible : en présence du pêcheur, il prend facilement la mouche. » – Noctuel.
Pas facile d’interagir avec quelqu’un qui se vexe pour un rien, ni de fonctionner correctement dans un environnement « irritant ». Si vous faites partie de ceux qui réagissent au quart de tour lorsqu’on remet en cause leur expertise, si la moindre remarque vous hérisse, ou si vous côtoyez ce genre de profils… Alors cette chronique est pour vous ! Comment gagner en sérénité et surtout s’économiser dans ce genre de situation ?
Tout d’abord il convient de comprendre que les émotions sont rarement « pures ». Elles sont le plus souvent le fruit d’une réaction en chaîne qui s’autoalimente. Une émotion primaire va créer des émotions secondaires qui vont s’entretenir jusqu’à épuisement du carburant (évacuation via un exutoire, sortie du contexte). Si l’émotion initiale n’est jamais traitée alors, telle une blessure non cicatrisée, elle créera une surenchère émotionnelle à chaque fois qu’un déclencheur se manifestera. Par exemple, par le passé vous avez vécu une situation de quasi harcèlement moral par le micro-management. Dans votre nouveau job, à chaque fois que l’on vous donne une indication vous le prenez très mal, vous avez envie de pleurer ou vous répondez sèchement.
« Si vous ne soignez pas vos blessures, vous saignerez sur ceux qui ne vous ont pas heurté. »
Vous l’aurez compris, la clé est de déterminer l’élément déclencheur de la surenchère émotionnelle, c’est-à-dire « le pêcheur » de notre première citation (et non pas l’appât !). L’analyse du ressenti désactivera le processus émotionnel nocif (il s’agit de « tuer l’émotion » comme nous le suggère Jean Loup Sieff).
La première urgence est d’éliminer les émotions secondaires « polluantes » qui empêchent l’émotion primaire de s’exprimer directement. Pour vous aider, forcez un changement de contexte (sortie de la pièce, arrêt de l’interaction) et créez un environnement où vous vous sentez en sécurité et confiance. Prenez le temps de mener le questionnement suivant :
- Qu’est-ce qu’il vous arrive (symptômes physiques et mentaux) ?
- Quelle(s) émotion(s) vous identifiez (précisément et sans jugement) ?
- Pourquoi sont-elles présentes ?
Cette attitude d’écoute de vous-même ou de l’autre vous permettra de faire le tri et d’arriver petit à petit à l’émotion « primaire » et donc à son déclencheur.
Cela étant fait, lancez la procédure de soins. Que faire en présence du « pêcheur » ? Déterminez plusieurs stratégies de refroidissement pour que l’émotion primaire puisse s’évacuer :
- Cadrer en Fonction,
- Clarifier le sous-texte de l’échange,
- Exprimer son sentiment en tant que professionnel…
- Et. surtout, cadrez dans quelles conditions « prendre la mouche » est acceptable pour ne plus simplement réagir mais décider.
« La blessure cicatrisée, on oublie la douleur » – Proverbe chinois.
À faire
• Mettre la Fonction en avant
Très souvent, la susceptibilité est le résultat d’un côté Personne ou Expert trop mis en avant, la Fonction étant rarement à fleur de peau. Cadrez en Fonction, rappelez le process et surtout clarifiez ce que vous avez compris de la position émotionnelle de l’Expert ou de la Personne. Pour s’évacuer, une émotion doit être entendue…
• Verbaliser, clarifier
C’est la clé de la gestion émotionnelle, car si « les mots manquent aux émotions » (Victor Hugo), leur en donner les calme. Balisez vos cheminements émotionnels, identifiez ce qui vous énerve facilement et ce qui vous modère pour créer des stratégies d’apaisement. Cela fonctionne aussi avec vos interlocuteurs…
• Apprendre à se connaître
Une réaction émotionnelle toute disproportionnée qu’elle soit, n’en reste pas moins légitime étant donné le vécu de la personne qui la manifeste. Il est important de se respecter et respecter les autres, et donc d’accepter et écouter les émotions. Cette connaissance vous permettra d’anticiper les réactions et mieux gérer l’énergie dépensée.
À éviter
• Être surpris(e) de ses réactions
Pas facile de confronter les « pêcheurs » qui essaient de nous « faire prendre la mouche ». Cela demande beaucoup de sang-froid. Alors dans ce genre d’entreprise, mieux vaut être dans un environnement sécurisé et dénué de pollution externe. Respirez et analysez ce qu’il vous est arrivé pour ne plus vous retrouver surpris(e).
• Camper sur ses positions
Vous risqueriez de faire subir à votre entourage professionnel des réactions émotionnelles injustes ou incompréhensibles pour lui. De plus, cela vous rendra prévisible, et il suffira d’agiter la bonne mouche devant votre nez pour vous décrédibiliser. Osez vous remettre en question et pratiquez une dose saine de doute cartésien.
• Tout garder à l’intérieur
Une autre réaction classique est de garder son émotion pour soi, la comprimer et éviter à tout prix de la manifester. Cela a un coût énorme à moyen-long terme, et surtout c’est un signe de non-respect de soi. Déterminez l’émotion primaire qui alimente votre centrale nucléaire quand elle s’emballe et traitez-la avec le détachement d’un médecin : symptômes, traitement, guérison.
Vous aimerez aussi :
La communication non violente, comment ça marche ?
Les émotions “négatives” stimulent notre créativité
Un exercice simple de respiration pour réguler ses émotions
Éléna et Diane Fourès, expertes en leadership et multiculturalité du cabinet IDEM PER IDEM