Docteur en médecine spécialisée en psychiatrie, Marine Colombel a découvert la méditation au début de sa carrière. Elle s’est révélée un atout clé pour écouter nos émotions et apprendre à les réguler. Et c’est naturellement qu’elle a eu l’idée d’y consacrer son dernier ouvrage, Ecoute tes émotions pour te libérer. Pour apprendre à vivre avec et ce, quelle que soit la nature de l’émotion.
En quoi nos émotions sont des guides ?
On sait que les émotions sont présentes même chez le fœtus, qui est capable de ressentir les émotions de sa mère. Le fait que les émotions arrivent si précocement dans notre développement est la preuve qu’elles jouent un rôle fondamental dans notre survie. Ce sont elles qui vont nous donner des informations sur ce que l’on doit faire ou pas, et nous donner ainsi une grille de lecture du monde qui soit sécurisante.
Ces émotions vont se manifester à travers des réactions physiques qui agissent comme des signaux certes, mais qui parfois nous submergent…
Oui, et le souci avec les émotions n’est pas leur nature. Mais le fait que l’on refuse leur présence et qu’on les refoule. Pour se faire écouter, les émotions vont alors devoir monter en intensité. Jusqu’à devenir incontrôlable. Elles vont prendre alors commande sur nous en nous faisant en quelque sorte passer un message de force. C’est là où cela nous amène à des comportements que l’on va regretter ; s’énerver contre la mauvaise personne, se mettre en danger, se réfugier dans la nourriture…
Vous donnez dans votre livre beaucoup de petits exercices de respiration et méditation pour les réguler : quand faut-il les faire ?
On peut les faire à deux moments. Dans un premier temps, je conseille de s’entraîner dans des contextes faciles, c’est-à-dire au calme. Il faut travailler en amont pour conserver un regard neutre et bienveillant quand les émotions deviennent de plus en plus intenses. Une fois qu’on les maîtrise, on peut aussi les utiliser dans des moments plus difficiles. C’est ce qu’on appelle la méditation sur le champ de bataille. Ainsi, dans le monde du travail par exemple, le simple fait d’observer sa respiration, va être crucial à des moments où il y a des vrais enjeux : prendre la parole, faire passer une idée… Écouter nos émotions – mais aussi la perception des émotions d’autrui – va devenir un outil de travail précieux.
Justement, avez-vous un exercice favori à nous préconiser pour gérer ses émotions en situation de stress ?
La méditation flash. Elle consiste à prendre trois grandes respirations. Dans un premier temps, on respire profondément par le nez en se demandant : « Quelles sensations dans mon corps » ? A la deuxième respiration, on s’interroge : « Comment est ma respiration ? ». Enfin, pour la troisième et dernière respiration, on se demande : « Qu’est-ce qui est bon pour moi ? » On n’essaye pas forcément d’y répondre, on laisse simplement cette question résonner en nous. Le simple fait de formuler ces trois questions, va nous permettre de nous recentrer sur le moment présent, sur nous et sur ce qui est important à nos yeux. On reprend ainsi les commandes de notre corps et de nos pensées.
Dans votre livre, vous évoquez les émotions primaires (peur, tristesse, colère, joie). Lesquelles vont s’avérer pertinentes pour développer notre entreprise ?
Toutes, finalement ! La tristesse, par exemple, peut nous donner des informations sur des choses qu’on ne devrait pas accepter. L’écouter va nous aider à changer notre comportement. Eprouver un sentiment de dégoût, peut signifier que l’on est allé à l’encontre d’une de nos valeurs. Toutes ces émotions sont vécues négativement, en tout cas douloureusement. Pourtant, elles vont être utiles lors des prises de décisions. Lorsqu’on monte une entreprise, tout n’est pas rose, on doit affronter beaucoup d’obstacles. Ces émotions difficiles vont donc nous donner des informations précoces sur les difficultés que l’on peut rencontrer.
Et qu’en est-il de la peur ?
Elle a bien sûr sa place. Déjà parce qu’on ne peut jamais savoir si la réussite nous attend : il peut avoir un échec. Il est donc légitime d’avoir peur. D’ailleurs, si on ne l’éprouvait pas, on prendrait des risques inconsidérés par rapport aux bénéfices. La peur nous sert de régulateur et nous aide à poser nos limites. Si l’on ne l’écoute pas, on risque d’aller à l’échec avec notre entreprise en allant vers des directions qui s’avéreront non viables.
Ecoute tes émotions pour te libérer, Marine Colombel, éditions Marabout
Vanina Denizot