Amour et confinement

amour et confinement
par Anne-Sophie Lesage

« Dans la santé et la maladie ».  Je me rappelle très bien ces mots prononcés lors de notre mariage.

Comprenez-moi. Je suis une femme de parole !

De tout temps.

Mais en situation de confinement ? Le doute m’habite.

Un soir de montée d’angoisse, je me suis précipitée pour relire avec attention les termes de notre contrat de mariage. Nulle part, dans les petits ni dans les gros caractères, il était écrit le mot « confinement ». Nulle part, il était inscrit que du fait d’un méchant virus, nous serions contraints de cohabiter H24 dans 53,5M2 (cave comprise) aux côtés du fruit de notre amour, une tornade à boucles de deux ans.

Premier constat. Les notaires qui rédigent les contrats de mariage, ne regardent pas les téléfilms de catastrophe diffusés le samedi après-midi sur les chaines de la TNT.

Pourtant c’est un joli mot « confinement ». Mais comment assumer que derrière ce mot désormais si présent dans notre quotidien, ce qui m’effraye, ce n’est pas tant le fait de ne pas jouir de ma liberté – cancaner en terrasse avec mes consœurs autour d’un verre de blanc – mais plutôt l’idée de me retrouver liée avec les membres de la famille que j’ai construite. Et je ne peux pas m’en prendre à quelqu’un d’autre, ces deux-là qui partagent ma vie, je les ai choisis.

Quand j’y pense, sous prétexte « d’un rythme de folie », d’un téléphone qui happait le reste de notre attention au coucher, nous ne passions finalement que peu de « temps de qualité » tous les trois. Juste assez pour nourrir mon compte Instagram comme il se doit.

Mais voilà, aujourd’hui, il n’y a plus d’exutoire, plus d’échappatoire, plus de chemin de traverse. Il allait falloir s’aimer fort.

Malgré les cris, les coups de mou, les coups de fatigues, il allait falloir continuer à danser. Trouver une nouvelle cadence. Définir où était le curseur, le degré de lâcher prise (car oui à J5 de confinement j’avais déjà lâché maquillage et soutien-gorge, quelle serait la prochaine étape ? Le shampoing ? )

Crédit: Jennifer-Sath

Intérieurement cette question qui ne me lâche pas : ce « nouvel » équilibre n’était-il pas censé être le vrai, le seul et l’unique équilibre ? Je pense à ma mère qui avait renoncé à ses libertés pour s’occuper de quatre enfants. Quand je l’ai appelé en larmes, en hurlant que je ne tiendrai jamais « enfermée » H24 avec #meshommes, je n’ai pas senti de jugement de sa part. Cela dit, je la connais assez bien pour interpréter ses silences qui signifiaient que, peut-être, l’univers m’envoyait un message. Celui de revenir à l’essentiel.

Je n’ai pas honte de l’écrire, et peux légitimer cela grâce par un kilomètre d’excuses de « working girl » à la vie chronométrée, mais en une semaine de ce troublant confinement passé aux côtés de mon fils de deux ans, nous avons vécu presque autant de premières fois que pendant une année « normale » écoulée à ses côtés : nous avons peint, main dans la main, au risque de tacher mon si précieux canapé jaune moutarde #lacherprise. Nous avons confectionné chaque gouter au risque d’avaler une ou deux coquilles d’œufs. Nous avons cessé de chronométrer l’heure du bain (avec un verre de vin pour l’une et un biberon pour l’autre). Il m’apprend qu’on peut lire un livre à l’envers. Que ce n’est pas grave. Car le terme « grave » a pris bien d’autres dimensions.  Ce n’est pas grave non plus si la gommette est collée de travers (même si, à vous, je vous l’avoue, très souvent je vais la remettre dans le bon sens, dans son dos).

Et puis on danse, tous les trois, sur une nouvelle cadence.

Je dirais même, on s’apprivoise…

« Mais si tu m’apprivoises, nous aurons besoin l’un de l’autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde ».

Saint Exupéry

Confinement vôtre,

Anne-Sophie Lesage

Co-autrice de « Balance ta cape » et « Celle qui a dit Fuck » ( Ed Solar)

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