Recruteur : l’art de choisir les bons talents

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Recruter n’est pas qu’une question de feeling ou d’intuition : c’est un métier à part entière qui requiert rigueur, méthodologie et vision. Dans Permis de recruter, Elise Moron explore les codes et les enjeux d’un processus souvent sous-estimé. Elle nous explique le choix de ce titre audacieux et revient sur les grandes idées de son livre, à l’heure où attirer et retenir les meilleurs talents devient un défi stratégique.

Votre livre s’intitule “Permis de recruter”. Pourquoi avoir choisi ce titre et quelle est la philosophie qui sous-tend cet ouvrage ?

Elise Moron : On a eu l’idée de ce titre en débattant pendant un évènement recrutement. L’idée que toute personne devrait avoir un permis de recruter nous a beaucoup plu. Elle sous-entend qu’il faut se former avant d’exercer ce métier. Malheureusement beaucoup de managers, dirigeants recrutent sans expertise ni compétence sur ce sujet pensant avoir affaire à une discipline facile puisque « c’est de l’humain ». Or le recrutement répond à des codes, des techniques, des méthodologies bien précises. Le recrutement n’est pas un art mais une science. Elle n’est pas exacte mais elle reste néanmoins une science. 

Le terme « License to hire » est d’ailleurs très utilisé aux Etats-Unis. Il s’agit souvent du fameux sésame que certaines entreprises délivrent à leurs managers après une formation obligatoire. Dans de nombreuses entreprises, même en France, les managers ne peuvent pas recruter le moindre salarié sans être passé par cette formation. Je pense notamment à des sociétés comme Doctolib ou Engie.

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Quels sont les points de rupture ou d’innovation en termes de méthodes de recrutement ?

Elise Moron : Le vrai point de rupture est mental. Le but est de prendre conscience que client et candidat, c’est le même combat. Ils ont tous les deux le même cerveau, ce sont donc les mêmes mécanismes, outils, techniques à adopter pour les séduire, les attirer, les convaincre, les chouchouter, les closer, les onboarder, les fidéliser. À ceci près qu’un candidat, en plus de tout ça, on doit aussi l’évaluer. 

Il faut donc se donner les moyens de ses ambitions. Pour rendre le recrutement efficient, il ne faut pas hésiter à appliquer des techniques empruntées à la vente, au marketing, au produit, à la data, à la psychologie. 

Quelles qualités recherchez vous chez un candidat ?

Elise Moron : Je ne recherche pas de qualités intrinsèques dans l’absolu chez un candidat. Une personne peut être un bon candidat pour une entreprise A et un mauvais candidat pour une entreprise B. Le contexte, l’environnement, le secteur, le métier influent énormément sur les qualités que l’on va rechercher. 

Ces qualités vont d’ailleurs directement découler du kick-off meeting ou brief que l’on fait avec l’opérationnel. Cela permet d’avoir une liste de hard skills, soft skills, comportements acceptés et non acceptés à rechercher parmi les candidats que l’on va évaluer.

Cela dit, on peut toujours tenter de rechercher les 6 qualités qui – selon une étude Linkedin – indiquent la présence d’un potentiel chez un talent. On regardera ainsi l’adaptabilité, la collaboration, la priorisation, le potentiel de croissance, le leadership, le culture add.

Les entreprises doivent encore plus qu’avant travailler leur marque employeur pour attirer les talents. Quels sont vos conseils ?

Elise Moron : La marque employeur est un vaste sujet que l’on traite dans plusieurs chapitres de notre livre. Il faut comprendre qu’aujourd’hui que le nerf de la guerre n’est plus de trouver les bonnes personnes. C’est de les séduire et de les convaincre à nous rejoindre. Pour ce faire, il ne faut pas hésiter à prendre la parole sur les réseaux sociaux notamment via des programmes d’ambassadorat pour faire rayonner la marque employeur à travers les salariés mais aussi soigner l’expérience candidat. En effet, cette dernière peut soit faire décoller votre attractivité ou la plomber. Si l’expérience candidat est mauvaise, les candidats ont tendance à en parler sur les réseaux, la marque employeur est impactée, l’attractivité candidat également ce qui impacte la capacité de la société à délivrer auprès des clients et donc in fine, le chiffre d’affaires. 

Vous écrivez dans un contexte où la question de la diversité et de l’égalité femmes-hommes est primordiale dans les entreprises. Comment le recrutement peut-il contribuer à une meilleure représentativité de ces enjeux ?

Elise Moron : Les recruteurs ont les moyens de rétablir l’inégalité sociale en faisant entrer dans le process de recrutement des profils issus d’une diversité de genre, d’origine, cognitive, de background culturel, socio-économique. Malheureusement, ils sont parfois pieds et poings liés par des opérationnels / managers qui ont des idées préconçues, des clichés notamment sur les diplômes, les écoles. Si le rôle du manager doit être d’ouvrir ses chakras et d’accepter la différence, celui des recruteurs et recruteuses doit être de d’assurer que sur la ligne de départ, en début de process, on donne sa chance à tout le monde. Et tout le monde doit aussi agir pour des annonces inclusives, une représentation plus forte des “role model”. C’est tout ce que l’on aborde dans notre chapitre 4.

De nombreux secteurs, notamment la tech, peinent encore à attirer des femmes dans leurs rangs. Comment les entreprises peuvent-elles ajuster leurs pratiques de recrutement pour répondre à ce défi ?

Elise Moron : Il y a de plus en plus d’initiatives de sociétés qui ont compris que cette attractivité se joue dès l’éducation des jeunes. C’est pourquoi ils organisent des événements auprès des étudiantes pour expliquer leur métier et casser les clichés. L’entreprise VO2, acteur international de conseil dans la tech, a notamment fait une action coup de poing via une campagne presse et digitale pour avoir plus de femmes dans la tech avec des slogans comme « Les femmes dans la tech, ce n’est pas que la voix dans votre GPS ».

Quelles sont les erreurs les plus fréquentes que vous avez observées dans le recrutement au cours de vos expériences respectives ?

Elise Moron : L’une des grandes erreurs est l’absence de préparation du recrutement. Définir efficacement et précisément qui on cherche ou plutôt quelles compétences on cherche pour faire le job est capital. Souvent le brief est fait à la va vite, est tronqué ou bancal et ça finit toujours par une erreur de recrutement. L’alignement des attentes sur le profil recherché entre les différentes parties prenantes du process de recrutement est sine qua non pour sa réussite. 

Une autre erreur assez courante est de croire que l’on peut attirer les candidats naturellement sans rien faire. Aujourd’hui sur un marché compétitif avec des profils en pénurie, on est obligé de faire des efforts, d’investir sur des actions de séduction ou d’investir sur sa marque employeur pour attirer et faire en sorte que les candidats postulent. C’est ce que l’on appelle de l’inbound recruitment. Il y a une multitude de techniques pour l’activer efficacement que l’on traite dans la partie 2 de notre livre qui aborde notamment la marque employeur, le site carrière, les annonces d’emploi, l’employee advocacy, la marque personnelle ou personal branding.

Selon vous, quelles sont les compétences clés d’un recruteur moderne, face aux défis actuels du marché du travail ?

Elise Moron : Le recruteur d’aujourd’hui se doit être curieux, agile et proactif. 

Curieux de toutes les techniques qui sont annexes et connexes au recrutement et qui permettent d’être encore plus efficient au quotidien. Il se doit également d’être agile pour pouvoir se mettre dans les baskets des candidats pour créer une expérience différentiante et impactante mais aussi comprendre les freins des managers pour les délier et créer une collaboration vertueuse au quotidien.

Le recruteur d’aujourd’hui se doit également d’être proactif pour non pas s’adapter mais initier véritablement le changement et prendre le lead sur les sujets recrutement. Cela passe nécessairement par un changement de posture vis à vis des managers. Le but du recruteur est aussi d’évangéliser les bonnes pratiques auprès des managers pour avoir une harmonisation des process et pratique du recrutement, gage d’efficience. In fine, et c’est l’ouverture de notre livre, pour que le recruteur réussisse à embarquer toutes les parties prenantes sur cette montée en compétence, il se doit d’acquérir des compétences en conduite du changement.

Quels rôles peuvent jouer les recruteurs pour accélérer la progression des femmes vers des postes de direction et de leadership ?

Elise Moron : Le rôle des équipes de recrutement est pluriel ici. Dans un premier temps, dès la préparation d’un recrutement, on doit s’assurer que le job n’est pas discriminant. On va remplacer un intitulé d’annonce de “Directeur commercial” par “Directrice / Directeur commercial” par exemple. Par ailleurs, c’est le devoir des personnes qui recrute d’avoir un panel diversifié sur la ligne de départ. Cela est vrai dans une démarche de recrutement à l’externe mais aussi en interne. Une étude citée dans le livre montrer qu’une femme seule dans une short list avec 3 hommes n’a quasiment aucune chance d’être recrutée. La parité doit être une obligation de moyen en fin de process mais une obligation de résultat au début.

Par ailleurs, il faut faire rayonner les femmes qui ont eu des carrières exemplaires et qui ont obtenu des postes à responsabilité pour inspirer les salariés et leur donner envie d’y aller !

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