Ombline le Lasseur : digitale et militante

Ombline le Lasseur: digitale et militante

Mars 2010 : Ombline le Lasseur lance, avec son mari Vincent Ricordeau et son cousin Adrien Aumont, Kisskissbankbank. Au départ, cette plateforme de crowdfunding s’adresse aux musiciens et leur permet de solliciter les internautes afin de mener à bien leurs projets.

Quelques années plus tard, l’entreprise revendique 54 millions d’euros collectés pour plus de 22000 projets et a élargi son spectre d’activités. Echanges avec une cofondatrice convaincue des bienfaits sociétaux du numérique.

Comment vous est venue l’idée de Kisskissbankbank?

Ombline le Lasseur : Avant de me lancer dans l’entrepreneuriat, j’ai travaillé dans l’industrie musicale pendant une dizaine d’années. A travers cette expérience, j’ai compris que les réseaux sociaux constituaient des intermédiaires idéaux pour constituer des communautés, entrer en contact avec ses artistes favoris…

Parallèlement, le secteur était dans une mauvaise passe, en pleine remise en question de son modèle, fortement ébranlé par le numérique. C’est un peu grâce à ce double constat que tout a démarré. J’ai senti le besoin d’un outil qui permettrait à la fois aux artistes d’être au contact direct avec leur public et de faciliter la réalisation de leurs albums, leurs clips etc.

La mise en place du projet Kisskissbankbank a été assez longue. Nous avons eu la chance que Kickstarter, plateforme de crowdfunding américaine, soit lancée Outre-Atlantique juste avant nous. Son succès nous a aidés à convaincre nos investisseurs !

Comment votre plateforme Kisskissbankbank a-t-elle été accueillie par les professionnels de l’industrie musicale?

Ombline le Lasseur : La réaction a été ambivalente. Au départ, le projet a attisé la curiosité de certains professionnels qui observaient un peu tout ce qui se passait sur le digital, en quête d’une solution idéale et viable pour réussir la mue du secteur.

Néanmoins, mes associés et moi avons dû expliquer longuement que Kisskissbankbank ne représentait pas un manque à gagner pour l’industrie musicale, mais que, au contraire, cet outil permettait aux artistes d’établir une relation plus intéressante et renouvelée avec leur fans. Par ailleurs, notre plateforme permet de financer des projets spéciaux, qui ne sont pas ceux que les labels ont l’habitude de produire.

Kisskissbankbank et MyMajorCompany bousculent le secteur musical en même temps qu’elles le renouvellent. Comme dans beaucoup d’autres secteurs, les innovations ne viennent pas des acteurs installés…

Ombline le Lasseur : Effectivement, ce constat est propre un grand nombre de domaines d’activité. Avec le développement de nouveaux services peer to peer, Internet a permis aux particuliers de s’entraider sans les intermédiaires du passé. Dans le même temps, les acteurs installés mettent trop de temps à s’adapter à ces nouveaux modèles. D’où ce constat: n’importe quelle start-up, avec une idée très simple, peut potentiellement remettre en question, de manière assez profonde, les systèmes établis. C’est une bonne chose!

Vous ne vous limitez plus aux projets musicaux. Vous avez notamment lancé Lendopolis, un site permettant aux TPE et PME d’emprunter de l’argent à des particuliers, et HelloMerci, proposant de financer des projets personnels et entrepreneuriaux sans taux d’intérêt. Quelle est la part de militantisme dans votre démarche?

Ombline le Lasseur : Après nous être focalisés sur des industries culturelles et artistiques, nous avons pensé qu’il était nécessaire d’aller plus loin, en constatant par exemple un déficit de prêts aux PME de la part des banques. Mes associés et moi voulons permettre à plus de personnes de développer leurs projets, favoriser un changement positif de société.

Cet aspect est important, ne serait-ce que dans la nature des projets que nous sélectionnons et acceptons sur nos plateformes. Les paramètres d’éthique et de responsabilité doivent toujours être présents.

Concernant votre propre parcours: vous êtes passée du salariat à l’entrepreneuriat. Pourquoi?

Ombline le Lasseur : J’avais envie d’action. Cela fait partie de mon caractère: j’aime beaucoup remettre les choses en question. Etre son propre patron permet de prendre des risques, de faire des choix plus librement. Je trouve cela passionnant ! Puis, le peer to peer permet de créer des systèmes plus sains car les utilisateurs sont informés, communiquent, s’entraident… Bref, ils vont très loin dans les rapports humains.

Le numérique est à un nouveau monde à conquérir, à dompter. Cela est particulièrement  intéressant pour les jeunes femmes: tout reste à créer et cela pourrait leur permettre d’évoluer dans des secteurs plus égalitaires.

Vous vous êtes lancée dans l’aventure Kisskissbankbank avec votre mari et votre cousin. N’est pas compliqué d’entreprendre en famille?

Ombline le Lasseur : Au contraire, je trouve cela passionnant! Premièrement, la confiance envers ses associés est immédiatement très grande, ce qui est crucial. Puis, en ce qui nous concerne, l’entrepreneuriat est réellement un mode de vie, tant notre engagement et notre militantisme sont importants.

Par ailleurs, cette situation force à régler les conflits de manière immédiate et rapide. Cela sert à la fois dans la vie professionnelle… et personnelle!

Claire Bauchart

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