« Juste et honnête », telle est la promesse de Coline et Dorothée, les fondatrices de la marque de tampons et protections hygiéniques « Jho ». Deux nantaises engagées qui viennent de remporter le prix Fundtruck. Interview.
L’idée de Jho a-t-elle émergé pendant le scandale des chocs toxiques liés aux tampons ?
Dorothée Barth : C’est l’histoire d’une rencontre. A la base, je suis journaliste santé et suis donc sensibilisée à ces sujets. Je suis partie vivre à Nantes où j’ai proposé mes services de communicante pour un incubateur créé par un entrepreneur de la Silicon Valley. C’est lui qui m’a parlé d’un concept de protections hygiéniques bio par abonnement qui existait déjà aux USA. Il m’a dit : « est-ce que ça te dirait de monter une boîte comme ça en France ?». J’ai alors appelé Coline qui travaillait en marketing digital dans une grosse boîte. Elle a tout quitté en trois jours pour se lancer avec moi.
Qu’est-ce que vos expériences passées vous ont apporté dans cette aventure entrepreneuriale ?
Dorothée Barth : En fait, je ne l’imaginais pas mais quand on est journaliste, on sait faire plein de trucs, à commencer par appeler des gens, enquêter, insister. Entre temps, j’avais aussi monté un one woman show que j’ai joué pendant un an et demi : autant dire que je n’avais plus peur de prendre la parole en public. Quant à Coline, elle a un parcours plutôt traditionnel, et en France, on a vite fait de mettre les gens dans des cases. Or, elle s’est complètement révélée en tant qu’entrepreneure. Je pense que quand on a confiance et qu’on est bien entouré, on peut tout faire. On s’éclate vraiment toutes les deux (j’ai 41 ans et Coline 31), l’humour a une grande place dans notre quotidien.
Depuis le scandale des chocs toxiques, les grandes marques ont-elles fait leur examen de conscience ?
Dorothée Barth : Il y a toujours un grand vide dans la réglementation. L’ANSES a simplement demandé de diminuer les ingrédients toxiques. Pourtant, il n’y a pas que la question du choc toxique, mais aussi celle des perturbateurs endocriniens qui pourraient être responsables d’infertilité ou de cancers.
Vos produits semblent assurer un confort égal aux modèles traditionnels ce qui n’est pas toujours le cas avec les solutions écologiques…
Dorothée Barth : Oui, les tampons de la marque « Jho » assurent des protections équivalentes. Pour rassurer nos clientes sur notre efficacité, nous envoyons gratuitement une boîte pour qu’elles puissent tester nos produits avant de confirmer leur abonnement. La différence se joue au niveau des marges puisque les industriels utilisent de la cellulose et nous du coton bio, donc nos tampons coûtent 20 à 30% plus cher. En revanche, nous devons améliorer nos serviettes pour les flux abondants. N’utilisant pas de produits à base de pétrole comme dans les supermarchés, nous n’assurons pour l’instant pas la même absorption.
Ce surplus financier fait que vous vous adressez à une niche ?
Dorothée Barth : C’est ce que nous pensions mais en réalité nous sommes loin de ne toucher que des CSP+. Nous avons beaucoup de jeunes étudiantes qui sont prêtes à dépenser un peu plus pour leur santé. Nous avons aussi des papas qui achètent pour leurs filles car ils s’inquiètent. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons conçu des mini tampons avec applicateurs pour les plus jeunes.
Où sont produits vos tampons ?
Dorothée Barth : Nous travaillons avec une usine familiale espagnole qui travaillait déjà avec une startup américaine. Quant au coton bio, il est produit en Inde, Turquie et au Pakistan. Notre marque « Jho » possède les certifications GOT et IGA. Nous allons aussi partir toutes les deux en Inde en 2019 pour voir de nos propres yeux comment cela se passe. Nous soutenons également des ONG pour que les femmes aient accès à des produits d’hygiène mensuelle, mais aussi briser les tabous. Il faut savoir qu’une fille sur quatre au Cameroun ne va pas à l’école quand elle a ses règles.
Votre marketing est également très important : vous avez réussi à créer un environnement visuel plaisant…
Dorothée Barth : Nous voulions casser les codes et aller à l’encontre des packagings fluo pour que l’on n’ait plus honte d’exposer sa boîte de tampons dans les toilettes. Pour cela, nous avons respecté les codes des produits de beauté.
Visez-vous la grande distribution ?
Dorothée Barth : Nous avons déjà été approchées mais de nombreux entrepreneurs nous ont mises en garde. En général tout se passe bien la première année, puis il faut avoir les épaules très solides pour suivre.
Vous venez de remporter le concours national Fundtruck remis par Rachel Delacour cette année : une surprise pour vous ?
Dorothée Barth : Oui car nous nous sommes lancées il y a seulement 7 mois, et cela est une vraie récompense pour nous. Les premiers contacts que nous avions eus avec les fonds étaient qu’ils investissaient plutôt dans la tech qu’ils considèrent moins risquée et qui garantie de plus grosses marges. Même pour les fonds dits à impact, cela n’a pas été facile pour nous. Ce concours nous a permis de créer du désir chez les investisseurs, et de rencontrer des Business Angels compétents et engagés qui vont beaucoup nous apporter.
Qu’est-ce qui a fait la différence selon vous ?
Dorothée Barth : Nous montrons une belle courbe de croissance : nous avions prévu 20% par mois et nous en sommes à 80% avec notre marque « Jho ». Seulement 10% des clientes qui testent nos produits se désabonnent. Cela prouve que le concept fait ses preuves.
Vous êtes donc en pleine levée de fonds ?
Dorothée Barth : Nous sommes en discussion avec des Business Angels entrepreneurs pour lever entre 800 000 et 1 million d’euros. Cela va nous servir à recruter et accélérer le marketing. Aujourd’hui, nous ne sommes que deux pour 8000 clientes ! Heureusement, nous avons directement fait appel à un prestataire logistique. Il était hors de question de commencer depuis notre cuisine comme certains nous le conseillaient.
Nantes a vraiment la cote actuellement auprès des entrepreneurs. Comment décririez-vous l’écosystème ?
Dorothée Barth : Top ! Tout va très vite. Ici, en 10 minutes de vélo on retrouve d’autres entrepreneurs pour discuter quand à Paris, on annule au dernier moment un déjeuner calé trois semaines plus tôt. Nous avons besoin de conseils et l’écosystème nantais est très solidaire et bienveillant. Sans oublier que nous avons une super qualité de vie comme aller à la plage les week-ends avec nos familles.
Quels seraient vos conseils pour nos lectrices ?
Dorothée Barth : Qu’elles soient passionnées et persuadées de leur idée. Qu’elles ne se laissent pas enfermer dans une case. Qu’elles prennent beaucoup de conseils et surtout, qu’elles suivent leur feeling. De notre côté, dès que nous ne sentons pas une personne humainement, quand bien même elle serait compétente, nous ne partons pas avec elle. Comme dit Coline : quand il y a un doute, il n’y a pas de doute !
@Paojdo
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