Quel a été votre parcours avant de cofounder Meet my Mama ?
Donia Souad Amamra : J’ai fait mes études à Sciences Po Paris. Pendant mon année de césure à l’étranger, je suis partie aux États-Unis, où j’ai fait du bénévolat pour la première fois, dans un refuge accueillant des femmes victimes de violences domestiques et des enfants. J’ai également participé à un voyage humanitaire de dix jours à La Nouvelle-Orléans. En rentrant, j’ai intégré le master affaires publiques de Sciences Po. Je savais déjà que je voulais avoir un impact, sans forcément travailler pour une association.
Je rêvais de trouver une structure qui me permette de gagner de l’argent tout en étant utile. Pour moi, ces deux objectifs n’étaient pas antinomiques. J’ai fait un premier stage dans le secteur public, au sein de la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement, puis un deuxième chez PwC, en marketing business development. C’est là que j’ai rencontré Loubna. Je lui parlais sans cesse de ma passion pour les cuisines du monde, je l’emmenais découvrir mes restaurants préférés.
Le film The Lunchbox m’a aussi beaucoup inspirée. J’ai fini par dire à Loubna : « On connaît énormément de femmes qui ont un talent pour la cuisine et qui n’ont pas forcément les moyens d’en vivre. Si on essayait de trouver une solution pour les aider ? » C’est comme cela qu’on a lancé Mama Cook’in, un projet devant permettre à des femmes au foyer des quatre coins du monde de bénéficier d’un revenu mensuel supplémentaire en s’épanouissant dans la cuisine.
On a commencé à organiser des petits événements en parallèle de notre stage. On a également pris part à un Start-Up Week-End avec Dauphine, pendant lequel on a pu tester notre concept « grandeur nature ». Juste après, je suis rentrée en master 2. Étant en alternance à la SNCF, j’avais moins de temps à consacrer au projet. Mais on a tout de même monté des événements par-ci, par-là tout au long de l’année. À la fin de l’été, après un nouveau voyage humanitaire à l’étranger, j’ai commencé un job dans le premier cabinet de conseil en stratégie labellisé ESS, Tenzing. Une semaine plus tard, Loubna et moi recevions un message d’un certain Youssef, qui avait un projet similaire au nôtre et souhaitait nous rencontrer. Depuis, nous ne nous sommes plus quittés !
Concrètement, quels services offrez-vous ?
Donia Souad Amamra : Nous avons créé une plateforme qui regroupe les femmes chefs traiteurs du monde et les met en relation avec les entreprises. Nous proposons à nos clients des voyages culinaires sous forme de cocktails, banquets, petits déjeuners, lunchbox… Il s’agit toujours de recettes authentiques, faites maison, par des mamas venant des quatre coins du monde. Nous déployons toute une scénographie pour immerger les convives dans le pays choisi. Et lorsque l’entreprise le souhaite, les mamas peuvent prendre part à l’événement, pour délivrer un pitch inspirant aux collaborateurs, leur raconter leur histoire, leur parcours. Aujourd’hui, sur la partie traiteur, nous faisons travailler une quarantaine de femmes qui ont toutes les certifications nécessaires.
En parallèle, pour accompagner nos mamas, nous avons fondé une association : Empower my Mama, dirigée par Fatima Bouhadjeb et constituée de plusieurs piliers. Avec le média Inspire my Mama, nous voulons valoriser et diffuser des parcours inspirants de femmes dans la gastronomie. La Mama Academy est destinée à les professionnaliser, avec des certifications à la clé. On les forme, entre autres, au design culinaire, au numérique avec Google, à l’hygiène et à la sécurité alimentaires avec notre directrice Qualité Sarah Benchahba…
Avec la Mama Success Box, nous leur fournissons tout un éventail d’outils pour favoriser le lancement de leur activité. Nous avons, par exemple, établi une liste de toutes les cuisines certifiées de Paris. Enfin, le volet Place my Mama doit leur permettre de trouver des opportunités professionnelles dans la restauration. Une centaine de femmes évoluent dans le spectre Empower my Mama actuellement. Notre ambition est de leur donner les clés pour accéder à l’indépendance, l’autonomie. D’autant que quand on « empower » une mama, c’est toute sa famille qui en bénéficie.
Comment les recrutez-vous ?
Donia Souad Amamra : Il faut évidemment qu’elles aient un talent culinaire, mais aussi une envie de partager. Ce sont souvent elles qui viennent à nous, parfois poussées par leur mari, leurs enfants. De la rencontre au démarrage de l’entreprise, il y a tout un processus d’onboarding, auquel se consacre une personne dédiée. Nos mamas, issues des cinq continents, sont immigrées, réfugiées, expatriées. Certaines étaient déjà restauratrices ou traiteurs dans leur pays d’origine.
D’autres ont appris en autodidactes et sont devenues entrepreneures en France. D’autres encore n’ont jamais travaillé. Or, on choisit parfois d’être femme au foyer, mais on ne choisit pas de le rester. Souvent, la société ne leur donne aucun moyen de s’extraire de cette situation et elles cumulent les obstacles : le fait d’être une femme dans un secteur où 90 % des chefs sont des hommes, le manque de confiance en soi, les difficultés financières…
L’aventure Meet my Mama a-t-elle été un tremplin pour certaines ?
Donia Souad Amamra : Absolument. Originaire d’Algérie, avec un parcours de vie difficile, mama Soraya était sans emploi et élevait seule ses enfants quand nous l’avons rencontrée. Un an après, elle a assuré plus de 100 prestations et est à la tête de sa propre entreprise de traiteur. Nitha, réfugiée sri lankaise, ne parlait à personne lorsqu’elle est arrivée. Aujourd’hui, elle va commencer une formation dans la boulangerie et a pu inscrire sa fille au conservatoire. On apprend tellement à leurs côtés ! Le courage, la détermination, l’envie de toujours se dépasser, la générosité… Ces femmes ont traversé des choses éprouvantes, mais elles gardent toujours le sourire et donnent énormément. Le fait de rencontrer des femmes du monde entier nous permet également de voyager en un clin d’œil !
En plus de la partie traiteur, vous intervenez à la Cantine du Monde…
Donia Souad Amamra : Il y a quatre mois, Danone a frappé à notre porte. Ils lançaient une gamme de yaourts du monde et avaient besoin d’aide pour la communication. Ils ont demandé à nos mamas d’être leurs ambassadrices. Parallèlement, ils ont ouvert la Cantine du Monde à République, dans le IIIe arrondissement de Paris, et nous ont proposé de participer à la programmation. Nous organisons un dîner tous les mercredis soir et un brunch les dimanches. Ce lieu éphémère, qui devait fermer fin juillet mais restera finalement ouvert jusqu’à fin décembre, est devenu la cantine des mamas, un espace de rencontres, de voyages, de découvertes.
Emmanuel Faber, le PDG de Danone, et Anne Thevenet, à l’initiative des projets innovants de l’entreprise, ont eu l’idée de nous en confier la gestion. Nous allons y dévoiler prochainement une programmation autour des pays dont sont originaires nos mamas, avec plein d’événements sur la culture, l’histoire, l’art, la détente, le sport…, le tout supervisé par la responsable Kenza Rezali.
Quelles sont les prochaines étapes de votre développement ?
Donia Souad Amamra : Nous sommes incubés à la Station F depuis un an et suivis par de nombreuses structures : The Family, La Ruche Factory, Entreprendre et Plus, la fondation Carrefour, Accenture, etc. Nous sommes désormais presque 10 dans l’entreprise. Nos objectifs sont multiples : finaliser et continuer à structurer notre offre parisienne, lever des fonds pour la partie Meet my Mama afin de recruter les meilleurs profils et de développer notre business dans des conditions optimales, enrichir le catalogue de formations de la Mama Academy, trouver de nouvelles opportunités professionnelles pour nos mamas, et développer le volet média, Inspire my Mama.
@manondampierre