Comment vivre positivement la solitude ?

la solitude

Le sentiment de solitude toucherait près de 5,5 millions de personnes en France*. Pour la psychologue Monique de Kermadec, il s’agit carrément d’un fléau dans notre société. Pour autant, la spécialiste le martèle : il existe aussi une solitude positive ! Explications.

Dans un monde où la réussite sociale de chacun se doit d’être livrée sur les réseaux sociaux, il est plus que jamais difficile d’admettre que l’on souffre d’un sentiment de solitude. Car qu’on se le dise, la solitude est avant tout vécue de manière subjective : on peut être en couple, entouré de sa famille, et se sentir profondément seul. « Cette solitude est très culpabilisante pour les individus car elle est perçue comme une forme d’exclusion. Il est rare que mes patients me parlent de leur difficulté à créer du lien lors du premier rendez-vous », confie Monique de Kermadec, auteure de l’ouvrage Un sentiment de solitude (Albin Michel).  Bien souvent, la solitude se cache derrière le masque de la dépression, des douleurs inexpliquées ou des manifestations physiques de l’angoisse. Elle confère un sentiment d’inutilité, de perte de sens.

La solitude des femmes

Guide Dev Persot

Au sein de la population féminine, la solitude est encore plus criante, notamment chez les mères célibataires. Accaparées par leur travail et leurs enfants, éloignées physiquement de leurs familles, elles ne disposent plus du temps nécessaire pour consolider des liens profonds ou s’impliquer dans un groupe de soutien externe, avec à la clef, la sensation de vivre à l’extérieur de la société. Plus tard, lorsque les enfants quittent le nid, cette absence pourra être encore plus difficile à combler, surtout si le couple bat de l’aile.

Et puis il y a le cas des femmes surdouées, et plus généralement des femmes qui réussissent dans la sphère professionnelle : « plus on monte dans les strates de la société, plus on est seul, et cela est d’autant plus vrai pour les femmes. Les hommes pourront se montrer plus frileux à établir des liens avec elles », souligne Monique de Kermadec.

Une société atomisée

Si l’on souffre de solitude, c’est aussi parce que la société est de plus en plus atomisée. « Dans les grandes villes, nous ne parlons plus avec le boulanger ou le postier. Certaines personnes passent des journées entières sans échange humain. Alors, elles comblent le vide avec la télé – les acteurs des séries deviennent des amis- ou encore elles surfent sur les réseaux sociaux », poursuit la spécialiste. Certes, ces réseaux sociaux n’ont pas que des défauts, mais ils ne nous permettent pas de cultiver des amitiés profondes, nous incitant à ne montrer que la face superficielle de nos êtres, puisque chacun essaie de s’y montrer sous son meilleur jour.

Enfin, il y a les injonctions paradoxales, à l’image de la culture de la différence. « On nous dit sois différent, mais intègre-toi bien. Or, dans la réalité, si l’on est trop singulier, on demeure exclu », pointe Monique de Kermadec. Sans oublier que les enfants d’aujourd’hui sont élevés dans la culture de la compétition, classés dès leur plus jeune âge !

La solitude choisie

Certes, le tableau semble noir, mais le soleil pointe sur l’autre versant de la solitude. Le silence dans lequel se compose les plus brillantes symphonies. La retraite dans laquelle germent les plus flamboyantes idées. La solitude où l’on apprend à se reconnecter à soi, celle où l’on fait fleurir sa créativité et son imaginaire. « Nous avons besoin de temps seuls pour nous retrouver et puiser dans nos ressources. Ces moments sont notre plus grande richesse. Ils sont essentiels pour nous questionner sur ce que nous voulons pour nous-même, plutôt que d’être toujours dans le faire », affirme la psychologue.

Apprendre à être seul

Les personnes qui savent jouir de cette solitude ont appris très jeunes à garder en eux la présence de la personne aimée même lorsqu’ils sont seuls. A l’inverse, ceux qui n’ont pas acquis cette capacité vont immédiatement être plongés dans le vide et auront besoin d’une présence physique. « La solitude s’apprend avec la présence de l’autre. Petit à petit, l’enfant est invité à se livrer à des activités personnelles dans son coin pendant que ses parents s’affairent dans la cuisine ou le salon. Lorsque l’on interagit en permanence avec un enfant, ce dernier dépend de nous pour être stimulé. Or, comme je le disais précédemment, il faut savoir par moment puiser dans nos propres ressources », martèle Monique de Kermadec.

S’interroger sur soi

Pour combattre la solitude, la psychologue nous invite d’abord à nous interroger sur nous-mêmes. « Dans une relation, nous sommes deux. Parfois, nous ne sommes pas conscients de ce qui nous a plongés dans cette solitude. Lorsqu’un enfant ne parvient pas à se faire des amis, peut-être est-ce parce qu’il n’a pas reçu les bonnes clefs : ne pas imposer aux autres ses idées, sa façon de faire, prendre le temps d’écouter l’autre, chercher à le comprendre, plutôt que l’aborder comme un autre nous-mêmes, comme s’il avait les mêmes attentes », explique la spécialiste.

Apprendre de ses échecs

Se sortir des griffes de la solitude n’est pas toujours aisé. Parfois, les tentatives de connexion aux autres se soldent par un échec. Pour autant, pas question de baisser les bras. « Il ne faut pas avoir peur si cela ne marche pas du premier coup. Un adulte qui a vécu plusieurs années dans la solitude pense être rejeté par le monde extérieur. Alors qu’en réalité, c’est simplement que l’autre n’est peut-être pas dans une attente aussi forte, ce qui ne signifie pas qu’il nous rejette », souligne Monique de Kermadec.

Pour l’experte, le sentiment de solitude négative n’est en rien une fatalité. Ainsi, cette dernière voit défiler dans son cabinet des trentenaires célibataires, qui, après avoir cherché en vain un compagnon, sont finalement parfaitement bien dans leur peau, ce qui n’exclue pas une rencontre à l’avenir. De plus, se mettre en couple à tout prix n’est pas forcément la solution pour combattre la solitude, car encore faut-il choisir la bonne personne. Dans tous les cas, les rencontres seront d’autant plus belles et éclairées que l’individu aura développé sa capacité à apprécier le temps passé seul.

10 conseils pour combattre la solitude

Pour les adultes :

  • S’astreindre à maintenir des liens réels avec les autres : téléphoner plutôt que d’adresser des SMS ; s’astreindre aux small talks dans la vie de tous les jours avec ses commerçants, qu’on préférera, autant que faire se peut, aux grandes surfaces ;
  • Perdre l’habitude de tout centrer sur soi, de se faire passer en premier ;
  • Prendre de son temps pour organiser des dîners avec ses amis authentiques et célébrer les fêtes de famille traditionnelles ; – S’interdire l’omniprésence de la télévision ;
  • S’ouvrir spirituellement à des matières qui nourrissent l’esprit, et comblent le vide que creuse une société matérialiste à l’extrême : musique, littérature, théologie, mathématiques ;
  • Ne pas redouter de succomber à la mode des grandes randonnées. La marche permet de retrouver son rythme personnel, d’entrer dans son temps propre, et de réfléchir aux rapports entre l’être et l’avoir ;
  • S’obliger à faire la liste de ce dont on a réellement besoin matériellement. Et de ce à quoi on a consacré des sommes extravagantes au lieu d’un tête‑à-tête avec amis, enfants, conjoint, famille ;

Pour les parents :

  • Reconsidérez le mode de communication avec vos enfants. Ne vous présentez pas seul face à eux. Investissez-vous de l’autorité parentale, et présentez un front uni, père et mère. Il est très préjudiciable de se mettre en compétition devant l’enfant, d’instaurer une rivalité d’affection, d’autorité. Tentez de le faire en accord avec l’autorité professorale ;
  • Cessez de désolidariser les enfants dans leur fratrie ;
  • Apprenez-lui dès le plus jeune âge à ne pas se référer uniquement à lui-même, mais à réfléchir à ceux qui l’entourent, avec lesquels vous lui enseignerez à partager son temps, à travers le jeu ;
  • Réduisez l’exposition aux écrans. Ce n’est pas un hasard si les chercheurs de la Silicon Valley interdisent totalement les écrans aux enfants de moins de 2 ans ;
  • Incitez vos enfants aux jeux de société et aux sorties au grand air. Proposez-leur une exposition sensorielle : lumière, ciel, fleurs, nature ;
  • Exigez qu’ils fassent un effort pour retrouver leurs copains : qu’ils se déplacent, téléphonent, projettent des sorties dont ils auront l’idée et l’initiative ;

*Etude de la Fondation de France, 2016.

@Paojdo

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