Le nouveau management ? Des collaborateurs plus autonomes !

autonomie collaborateurs

Julien Dreher, co-fondateur de Ground, une structure qui accompagne les entreprises vers l’auto-organisation, est également spécialiste des nouveaux modes de travail. Il vient de publier aux éditions Eyrolles « Tous managers ! », un livre dans lequel il plaide pour l’autonomie des collaborateurs. Entretien.

Dans votre ouvrage « Tous managers ! », vous dénoncez la subordination qui existe encore dans bon nombre d’entreprises. En quoi le management hiérarchique a-t-il a montré ses limites ?

Aujourd’hui, on applique un modèle de management qui prend sa source dans la révolution industrielle et qui date d’il y a plus de cent ans. C’est le management hiérarchique, l’organisation pyramidale, ce que l’on appelle le modèle « command and control ». Les managers y sont responsables et commandent des équipes, leur donnent des ordres sur la manière de travailler, le rythme, les méthodes utilisées, les sujets, les priorités etc. Mais le monde a complètement changé notamment depuis la révolution numérique. Le rythme s’est accéléré. Les clients ont un lien direct avec les entreprises. Il y a une très grosse pression qui pèse sur les organisations. Et finalement ce modèle pyramidal qui ronronnait n’est plus du tout adapté parce qu’on demande énormément de réactivité et de coopération transversale aux collaborateurs.

Quelles répercussions ce modèle pyramidal a-t-il sur les collaborateurs ?

Avec ce modèle, le lien de subordination ralentit les échanges, les prises de décisions et les collaborateurs y ont trop peu d’autonomie. Ça engendre de la frustration, du stress, des arrêts maladie, de l’épuisement émotionnel, un besoin de se désengager de ce travail anxiogène. Il y a une désynchronisation entre l’exigence des marchés, des parties prenantes, des collègues et la vitesse de réactivité de toute la ligne managériale dont dépend le salarié au quotidien.

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Les managers sont touchés eux aussi par les limites de ce modèle…

Oui, du point de vue du manager, c’est aussi un problème. Manager devient de moins en moins facile car on concentre un nombre de tâches, de responsabilités incroyables et une demande de réactivité très forte. Il n’est pas étonnant que le burn-out touche aussi très fortement les managers.

Quel a été l’impact de la crise sanitaire sur le management ?

Je ne pense pas qu’elle l’est vraiment impacté. Elle a plutôt révélé qu’une alternative était possible. Le manager est responsable du cadre de travail au quotidien. Sa fonction est extrêmement liée à la proximité, au fait de voir ses collaborateurs. Avant la crise sanitaire, les entreprises rechignaient à faire du télétravail car inconsciemment elles pensaient que leurs salariés avaient besoin des managers pour se sortir de la complexité de leurs tâches. Du jour au lendemain, il a fallu faire confiance aux collaborateurs et on s’est aperçus qu’ils arrivaient très bien à coopérer avec d’autres métiers, à être efficaces, à s’organiser, à gérer leur cadre de travail malgré un contexte qui n’était pas simple. Les managers se sont parfois retrouvés mis à nus et sentis inutiles.

La nouvelle organisation selon vous c’est donc la coopération ?

Oui. On peut définir le management comme l’ensemble des éléments qui favorisent le travail collectif et le parcours de chaque salarié. L’enjeu c’est de mettre les collaborateurs dans les meilleures conditions d’autonomie, de pertinence par rapport à leur missions. Il n’y a plus besoin d’avoir un manager unique. C’est très bien pour le contrôle mais un collaborateur peut avoir des besoins multiples et hétérogènes. Il faut un management qui repose sur les pairs, les collègues, des expertises, des méthodes de travail. Il faut aussi que le salarié soit son propre manager pour mieux répondre à ses besoins. Chacun doit se manager, s’entraider et s’impliquer dans le collectif.

Quels sont les avantages à manager autrement pour les collaborateurs ?

C’est à la fois que les collaborateurs retrouvent de l’autonomie, et qu’ils n’aient pas besoin de demander la permission. Comme on est proche du terrain, des métiers, on a des intuitions, des idées plus pertinentes car on connaît bien l’environnement. On retire aussi cette frustration. Lorsque je travaille avec des équipes autonomes, je constate qu’elles sont beaucoup plus motivées et impliquées car elles ne sont pas tributaires de décisions externes qu’elles ne comprennent pas ou qui ne font pas sens pour elles. Et puis, quand on est salarié, on a des besoins sur ses expertises, son savoir-faire, son savoir-être, son évolution de carrière. Aujourd’hui, on estime qu’un seul manager peut répondre à l’ensemble de ces problématiques mais c’est faux. Dans ce nouveau modèle de management, le salarié peut se constituer son réseau de management de pairs, de collègues en fonction de ses besoins.

Et pour l’entreprise, en quoi est-ce un gain ?

Elles vont avoir des équipes beaucoup plus motivées et impliquées, c’est le gros sujet du moment surtout quand les entreprises ont de gros défis d’innovation, de renouvellement, de remise en cause, de transformation à relever. Ça permet aussi de favoriser les coopérations transverses. C’est également un moyen d’économiser des structures managériales lourdes et coûteuses.

Peut-on vraiment tous être managers ? Certains employés aiment être dirigés, avoir une feuille de route clairement définie…

C’est vrai que ce n’est pas simple pour tout le monde. On a des couches culturelles, éducatives, historiques qui se sont accumulées pendant des années. Ces transformations culturelles prennent du temps.

Comment faire pour passer de ce modèle pyramidal à celui de la coopération ?

Ça demande beaucoup d’expérimentations car chaque entreprise doit créer son propre modèle. L’avantage du modèle pyramidal c’est qu’il est réplicable un peu partout : on a des lignes hiérarchiques, des managers qui prennent des décisions, des comités qui permettent de valider celles-ci… Ces processus sont standardisés. Là, il faut créer un modèle en fonction de sa taille, de son historique, son marché, ses métiers, sa croissance… Les entreprises et équipes qui basculent sur ce modèle sont dans une logique de « test and learn » c’est-à-dire de tester un modèle et de le faire évoluer en continu. La co-construction est l’autre point important. Ce n’est pas un modèle qui s’applique par le haut, il faut impliquer les collaborateurs dans sa construction car ils seront au cœur de celui-ci.

Dorothée Blancheton

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