Au cœur de l’Himalaya avec Marianne Chaud

Au cœur de l'Himalaya avec Marianne Chaud

Marianne Chaud s’immerge de longs mois dans les contrées particulièrement isolées de l’Himalaya. Elle a rapporté de ses voyages, de très beaux documentaires sur la vie des populations de cette région. Rencontre avec la réalisatrice et ethnologue.

Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de devenir ethnologue ?

Marianne Chaud : Tout a commencé quand j’étais enfant. Je viens d’un petit village de haute montagne et j’ai toujours eu envie de voir comment les gens vivent éloignés de la civilisation. Je connaissais les villages traditionnels et le bouddhisme grâce à mes lectures et aux photos des magazines comme Géo ou National Geographic. Mais l’Himalaya n’était pour moi rien de plus q’une carte postale. Et j’ai voulu voir ce qui se cachait derrière ces images sur papier glacé.

Quand êtes-vous partie pour la première fois ?

Marianne Chaud : Je suis partie, pendant 6 mois, faire mon mémoire de fin d’études dans le Nord de l’Inde et ce fut une révélation ! Dès mon arrivée et le premier contact avec la population, j’ai eu le sentiment d’être dans mon élément.

Comment se déroulent vos voyages ?

Marianne Chaud : Je pars 3 à 6 mois par an pour mes reportages car j’aime me plonger dans cette culture du Zanskar. Je parle et je pense en ladakhi, la langue locale. Et je préfère voyager seule car le contact avec les gens se fait plus naturellement et plus facilement que lorsque je suis accompagnée.

Et pourquoi avoir choisi la région du Zanskar et les terres himalayennes ? 

Marianne Chaud : Ma thèse porte sur la relation de l’homme à son territoire et l’évolution de celle-ci dans le temps. Et je m’intéresse plus spécifiquement aux changements qui ont lieu dans les régions reculées de l’Himalaya. Ceux-ci s’opèrent souvent de manière brutale, rapide et irréversible.

Une évolution négative selon vous ?

La culture perd beaucoup au passage de la modernité. En même temps, les populations sont tellement contentes d’avoir plus de confort, d’accéder à l’éducation, d’avoir des hôpitaux, des routes… Elles s’en réjouissent et moi aussi !

Racontez-nous la vie au milieu de ces populations. Comment se passe un tournage ?

Marianne Chaud : J’arrive avec ma caméra et je demande aux gens s’ils sont d’accord pour être filmés. Ils refusent d’abord et puis au fil des jours, ils finissent par accepter. En général, je filme une heure par jour et le reste du temps je participe à la vie de la communauté. Je vais chercher l’eau avec les femmes, j’aide à garder les enfants, je travaille au champ. Une relation d’amitié se construit entre nous. Je ne veux pas être juste “la Française” qui vient les filmer. Je cherche à m’intégrer au clan. Et eux me posent aussi beaucoup de questions sur notre culture et nos modes de vie.

Les femmes sont-elles plus accueillantes ?

Marianne Chaud : Oui, les femmes m’ont particulièrement bien acceptée. Elles veulent parler de leur statut de femmes au sein du clan. Car voir une femme voyager seule a aiguisé leur curiosité. Je suis un symbole d’émancipation à leurs yeux, même si elles m’ont confié être terrifiées à l’idée de m’imaginer, ainsi, seule dans mes pérégrinations.

Justement, comment ces femmes vivent-elles au quotidien ?

Marianne Chaud : Elles n’ont généralement pas accès à l’école et travaillent aux champs dès leur plus jeune âge. Elles ne sont pas considérées à leur juste valeur car elles ne ramènent pas d’argent dans le foyer. Contrairement aux hommes qui partent travailler en ville comme menuisier ou peintre pendant l’été. Quand ils sont absents, ce sont pourtant elles qui assurent toutes les tâches !

Quels sont vos souvenirs les plus forts ?

Marianne Chaud : Ce sont mes retrouvailles avec eux, après plusieurs mois ou des années de séparation. Je me souviens d’une dame âgée de 75 ans qui, un jour, m’a dit qu’elle guettait à sa fenêtre mon retour depuis deux ans. J’ai alors réalisé que je n’étais pas la seule à avoir envie de les retrouver. Ce fut un moment fort d’émotion partagée !

Quel est le thème de votre prochain documentaire ? 

Marianne Chaud : Il porte sur la culture des Gitans, Manouches, Tziganes, et des Roms en France. Dans ce projet, j’essaie de comprendre la diversité de leurs modes de vie, tout en retraçant l’histoire de leurs origines communes. C’est un sujet qui m’emmène sur les routes de France, de Roumanie et en Inde, où sont présents les ancêtres de la culture tzigane. Je travaille en ce moment sur ce projet et vous pourrez voir le résultat d’ici un an !

0
    0
    Votre panier
    Votre panier est vide