Linda Bortoletto : Elle a tout plaqué pour devenir aventurière

Mariée et promise à une carrière confortable, Linda Bortoletto menait une vie qui avait tout pour la rendre heureuse en apparence. Des années durant, elle a étouffé sa petite voix intérieure qui lui soufflait qu’elle n’était pas à sa place, jusqu’au jour où tout son monde a explosé. Depuis, elle parcourt les contrées les plus isolées, et transmet son expérience.

Lorsqu’elle opère son changement de vie, Linda Bortoletto est tout juste âgée de 28 ans. A l’époque, elle occupe un poste à responsabilités au Ministère des Finances. Un job fort intéressant lié aux problématiques d’intelligence économique, mais bien loin de ses rêves d’enfant. Petite-fille, Linda grandit dans la Baie de Somme. Férue de sport depuis son plus jeune âge, elle s’invente des parcours à la Indiana Jones dans son jardin. « Même si j’avais des copines, j’aimais mes moments de solitude en forêt ou en bord de mer pour respirer le grand air », se souvient-elle. Lorsqu’elle n’a que 10 ans, ses parents divorcent et sa mère quitte le foyer. Son père sombre dans la dépression et l’alcoolisme. Dès lors, elle s’interdit de lui donner tout soucis supplémentaire, et endosse la responsabilité de mener une vie parfaite en apparence.

La quête de la perfection

A 15 ans, elle se met en tête de devenir pilote de chasse. Après deux ans de classe préparatoire, elle intègre l’école de l’air de Salon de Provence où elle rencontre son mari. Malheureusement, elle est déclarée inapte au pilotage d’avion de chasse ou d’hélicoptère en raison d’une scoliose. Frustrée à l’idée de ne pas pouvoir accomplir son rêve, elle profite d’une passerelle pour intégrer la gendarmerie. A 23 ans, elle prend un poste de commandement à Roubaix et se retrouve à la tête d’un escadron de 150 gendarmes. « J’ai pris mon poste avec beaucoup d’humilité et d’écoute, et j’ai eu droit à un grand respect mutuel. Je garde un excellent souvenir de ces années », confie-t-elle. C’est donc à la suite de cette expérience qu’elle se retrouve à Bercy.

Linda Bortoletto-5-Zanskar

Le déclic

Puis un événement va faire basculer sa vie : le décès de son père. « Je m’étais toujours dit qu’il fallait qu’il parte en ayant une image parfaite de sa fille. Quand il est mort, tout ce monde que j’avais créé n’avait plus de sens. Même si au fond de moi je sentais un malaise, c’est comme si d’un coup, tout ce que je n’avais pas voulu voir se déversait dans ma conscience », explique-t-elle.

Après une douloureuse phase d’introspection, Linda Bortoletto décide de suivre son intuition et de renouer avec ce qu’elle aimait lorsqu’elle était enfant. Elle quitte son mari et déménage à Montmartre, quartier dans lequel elle discute avec les artistes de rue dont elle admire la liberté d’expression. Ce ne sera pas l’art mais le voyage qui lui permettra de se libérer. Peu à peu, elle apprend à écouter son cœur. « Dans la gendarmerie, on voit tellement d’horreurs que l’on est obligé de taire ses émotions », affirme-t-elle.

Renouer avec le silence

Pour sa première expédition en Alaska, Linda part seule, et apprend à renouer avec le silence. Un silence parfois douloureux que l’on évite dans nos sociétés. Mais pour Linda, c’est une révélation. « Le premier des référentiels, c’est soi et non pas l’extérieur. Une fois passée la première phase des démons, on retrouve de la paix intérieure, on écoute le silence et on renoue avec ses sens », confie-t-elle. D’autres aventures suivront, en Himalaya, où elle partage la vie de nonnes en échange de cours d’anglais, ou encore au Kamchatka.

Linda Bortoletto-10-Zanskar

Dans cette région éloignée en Extrême-Orient russe, elle parvient à prendre contact avec les Tchouktches, un peuple qui réalise chaque année une transhumance avec 2500 rennes jusqu’à la mer de Béring. Après un mois de marche, Linda vit un moment déterminant dans sa vie. « Je me suis levée très tôt le lendemain de notre arrivée. La mer était figée en un gigantesque miroir, je me suis approchée, et j’ai pris conscience que j’étais là où j’avais voulu être, et que si je voulais continuer ma vie, il fallait que je profite de l’instant, et que j’arrête d’être torturée par le passé », se remémore-t-elle.

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Un entraînement intensif

La vie d’aventurière fait rêver, mais elle ne s’improvise pas. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, financer ses expéditions n’est pas le plus difficile grâce à l’aide des sponsors « rassurés » par son expérience antérieure. A titre d’exemple, son voyage en Sibérie de trois mois lui a coûté environ 3500 euros, un budget en grande partie dédié aux billets d’avion. Le plus compliqué étant de pouvoir subvenir à ses besoins de retour dans la civilisation. Lorsqu’elle vivait en Pologne, son camp de base entre les expéditions ces dernières années, Linda travaillait par exemple pour l’alliance française. Aujourd’hui, elle vit à Paris avec son nouveau compagnon, un homme qui a lui-aussi soif d’aventure, et qui l’aide à financer les dépenses quotidiennes.

Linda Bortoletto-20

Les expéditions de Linda Bortoletto mêlent sport et aventure. En Himalaya, la jeune femme a marché 8 à 10H par jour pendant 10 jours, sans croiser âme qui vive et en buvant l’eau des rivières. Une solitude qui demande une grande maîtrise de soi, car « il ne faut pas paniquer quand on se retrouve à 4000 mètres d’altitude ». Aux apprentis-aventuriers, Linda conseille de commencer par de la randonnée et de la course. « Il est essentiel d’apprendre à connaître ses limites physiques, à maîtriser sa respiration », insiste-t-elle. Son entraînement de base consiste en 4 à 5 séances de course par semaine. Depuis peu, Linda court aussi des marathons.

Sa formation militaire lui assure bien entendu une connaissance en matière de survie. Confiante en son physique, Linda estime qu’elle court plus de risques dans une grande ville que seule au milieu de la toundra. « Je croise parfois des gens louches, alors je décide de suivre mon intuition et de ne pas dormir dans cette maison ou de ne pas prendre ce chemin », raconte-t-elle.

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Un besoin de transmission

Après ses différents voyages intérieurs, Linda Bortoletto a eu envie de prendre la plume pour transmettre sa propre expérience. Elle a publié il y a peu « Là où je continuerai d’être » (éditions le Passeur). Elle se forme aussi en neurosciences afin d’appuyer son discours de données scientifiques. Linda donne  des conférences en entreprise sur la question de l’adaptation au changement. « Je ne dis pas aux gens d’envoyer balader leur vie, mais de renouer avec leur part intuitive dans la prise de décisions », rapporte-t-elle.

Au cours de ses différentes expériences, Linda a rencontré d’autres personnes qui avaient elles-aussi choisi de changer de vie. Mais où s’arrête le voyage ? « J’ai rencontré une personne en errance depuis des années, et qui perdait peu à peu la boule. J’ai compris qu’il était important de garder un contact avec le réel, d’avoir un ancrage émotionnel (les proches), ou géographique », affirme-t-elle. En 2014, elle a traversé le Kirghizistan à vélo et en courant avec son compagnon.

Une aventure en duo qui a été une expérience totalement inédite. « Lorsque l’on voyage seul, on est comme un vieux célibataire. Au cours de ce voyage, une complémentarité s’est créée dans notre manière de gérer l’expédition. C’est une formidable façon d’apprendre à mieux se connaître dans le couple », estime-t-elle. Choisir son partenaire d’aventure est très délicat, puisque  les conditions de vie extrêmes révèlent les personnalités.

Aujourd’hui, Linda est à Paris pour communiquer sur son expérience, avant peut-être de s’installer dans les Alpes suisses, françaises ou italiennes, depuis lesquelles elle pourra continuer à écrire, avant de repartir vers d’autres aventures.

@Paojdo

Crédit photo : © Mika Aim – www.facebook.com/mika.aim.photo

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