Entreprise : quelles sont les règles (cachées) pour évoluer ?

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Évoluer et creuser son sillon au bureau suppose de maîtriser un certain nombre de compétences comportementales, rarement enseignées. Alors que la loi Rixain impose, d’ici mars 2026, 30% de femmes dans les instances dirigeantes des entreprises d’au moins mille employés, tour d’horizon de quelques bonnes pratiques indispensables pour qu’enfin, les salariées prennent la place qui leur revient légitimement dans le monde professionnel.

Se connecter à ses besoins

Se connaître, savoir ce qui nous motive, ce que nous recherchons dans notre vie professionnelle : nous pouvons avoir tendance à l’oublier, mais cela constitue le socle de la réussite, pointe Gisèle Szczyglak, executive coach et notamment auteure de Subversives, l’art subtil de n’être jamais là où l’on vous attend (Payot, 2021). « Il est essentiel de se connecter à ses besoins, d’identifier ses atouts, ses différences, ses talents. En d’autres termes, de prendre rendez-vous avec soi-même afin de fixer ses propres priorités en sortant du cadre imposé par l’extérieur. Il s’agit de s’autoriser à créer un égoïsme positif » détaille cette experte ; également docteure en philosophie.

Viser la perfection ? Pas forcément.

Une fois cette base essentielle posée, place à l’action… et à la constitution d’un réseau, à la fois interne mais aussi externe à l’entreprise. Objectif : générer du lien avec les autres, se faire reconnaître et être reconnue. « Les femmes surinvestissent dans l’excellence opérationnelle au détriment d’un savoir-être indispensable : la communication, la mise en avant de ce qu’elles font » commente Gisèle Szczyglak. Il ne suffit pas d’être bon pour évoluer : la réussite passe par le fait d’être visible, valorisée, et la capacité à s’entourer. « On l’apprend souvent à ses dépens, une fois que l’on est dans le besoin et que l’on doit faire appel à un réseau que l’on n’a pas pris le temps de constituer… », déplore la coach.

Mini Guide Leader

Bâtir son succès en s’inspirant de Netflix

Être visible passe bien évidemment par le fait de communiquer, « à la manière de Netflix », s’amuse Gisèle Szczyglak. Cette experte conseille de feuilletonner sur ses tâches plutôt que d’attendre leur réalisation pour en parler. « L’exécutante évoque le projet à la fin, la leader tout au long du processus », argue Gisèle Szczyglak. « Il faut faire du reporting même quand on ne vous le demande pas, en mettant les bonnes personnes en copie, en indiquant où en est la mission, quelles difficultés ont été surmontées, etc... Ou bien communiquer de manière informelle à la machine à café par exemple. » Un comportement à l’efficacité double : « d’une part, plus les autres savent ce que vous faites, moins vous avez de risque de vous faire piquer un dossier. D’autre part, la légitimité est largement fonction de la visibilité. »

Communiquer sur rien

La communication, le nerf de la guerre donc pour acquérir un statut de leader et évoluer : « naturellement, être dans la lumière nous rend attractifs », insiste Gisèle Szczyglak. Au point de conseiller de « communiquer sur rien ». « Je recommande de ne pas s’enfermer dans le travail et de tisser des liens avec ses collègues au moment du déjeuner, dans les couloirs, de formuler quelques blagues, de parler d’une exposition d’un film, d’un livre… ». Autant d’opportunités de consolider son réseau interne.

Maîtriser sa parole

Prendre sa place en entreprise passe également par la maîtrise de ses mots… et donc par le fait de rattraper ses idées si on en est dépossédé. La réunion constitue parfois un théâtre cocasse en la matière. Concrètement, si quelqu’un se réapproprie l’une de vos suggestions, Gisèle Szczyglak a bien quelques phrases types à conseiller telles : « Cher Jacques, je suis ravie que vous souligniez ce point que je venais d’évoquer et de l’importance que vous y accordez. »

Oser s’affirmer, un autre moyen d’évoluer et d’atteindre le statut de leader. « Mais charge à l’entreprise, aussi, de créer les conditions pour que les supérieurs hiérarchiques identifient ce type de micro-agressions » ajoute de son côté Patrick Scharnitzky, directeur associé du cabinet Alternego ; mais également spécialiste des questions d’égalité professionnelle et de performance.

Halte au sexisme bienveillant

Et Patrick Scharnitzky de pointer l’importance de sensibiliser les managers aux questions d’égalité : « dans le conseil, le bonus est lié à la difficulté du dossier. Plus il est compliqué, plus il rapporte des points. Comme ceux qui nécessitent de se rendre à l’étranger, ou de travailler hors les murs pendant un an et demi. Souvent, les dirigeants, en réfléchissant à qui envoyer, font du sexisme bienveillant : ils ne retiennent pas le profil d’une femme avec deux enfants et préfèrent choisir un homme. Parfois moins qualifié, mais qui se retrouve sur une mission plus valorisante. »

Du coup, quelle conséquence ? La collaboratrice se dit qu’elle n’a pas été staffée parce qu’elle est moins bonne, elle internalise cette idée, la poussant notamment, à ne pas demander d’augmentation. Or, pour cet expert, le mieux est d’éviter d’anticiper les réponses des salariées qui auront peut-être des solutions de garde. « Même si la femme refuse, elle saura qu’on a pensé à elle. Ce qui alimentera moins l’autocensure » souligne Patrick Scharnitzky rappelant que « les femmes font des enfants avec des hommes à qui l’on ne pose jamais ce genre de questions. »

Former les managers

Côté entreprise, former les leaders à ce type de biais s’avère donc incontournable : leur expliquer comment mener un entretien équitable sans tomber dans des questions stéréotypées, gérer un conflit en réunion ou encore sanctionner un comportement pouvant être jugé harcelant. « Je conseille également de les « incentiver ». Par exemple, que leurs actions en faveur de ces questions soient intégrées au calcul de leur prime annuelle. Que leurs employés aient accès à des sessions sur la prise de parole, à du coaching, etc… »

Autre point indispensable selon cet expert, afin que les hommes adhèrent à ces initiatives : faire en sorte qu’ils en bénéficient eux-mêmes… Pourquoi leur restreindre, entre autres, la participation à des formations sur l’assertivité ou à la lutte contre l’autocensure ?

Donner des perspectives

Ces initiatives contribueraient à attirer des CVs féminins, à condition de communiquer de manière adéquate. « Au moment du recrutement, le wording de la fiche de poste revêt une importance particulière », assure Gisèle Szczyglak. « Les éléments de langage doivent être féminisés afin de permettre une projection des candidates. Par ailleurs, les engagements de l’entreprise en matière de mixité et d’inclusion doivent être soulignés. Notamment tout ce qui relève de la parentalité et de la flexibilité. »

L’éducation depuis la petite enfance

En clair, pour évoluer, les entreprises, comme les femmes elles-mêmes, ont leur part à jouer. Restent cependant des paramètres extérieurs, inhérents à la société dans son ensemble et plus particulièrement à notre système éducatif. « Afin d’appréhender la mixité à tous les âges, intéressons-nous déjà à celle du corps enseignant, composé notamment de beaucoup plus de maîtresses que de maîtres », martèle Patrick Scharnitzky.

Pour lui, ces phénomènes qui naissent dès l’enfance ont des répercussions à l’âge adulte. Professeur à l’ESCP Europe, cet expert a d’ailleurs relevé que les étudiantes « étaient plus nombreuses à en sortir avec une spécialisation dans les métiers supports là où leurs homologues masculins s’orientent plus volontiers vers la finance. Conséquence ? Avec le même diplôme, les écarts à l’embauche peuvent atteindre 30%. »

Soyons positifs : les choses avancent !

Pour Gisèle Szczyglak, comme pour Patrick Scharnitzky, malgré les embûches qui persistent encore aujourd’hui, la situation tend à s’améliorer et à évoluer. « Même si les confinements successifs et le télétravail ont renforcé certaines inégalités de genre, il n’en reste pas moins qu’ils ont introduit une plus grande flexibilité dans l’organisation des agendas des femmes… et des hommes », assure Gisèle Szczyglak. « Pour moi, deux échelles sont à considérer : celles du temps sociétal et de la carrière. Dans le premier cas, l’accélération sur le plan de l’égalité entre les femmes et les hommes est phénoménale. Notamment grâce à la législation. Ainsi, la loi Copé-Zimmermann imposant des quotas de femmes dans les conseils d’administration a fait évoluer les pratiques extrêmement rapidement. » Même si, concède-t-il, sur le plan individuel de la carrière, les femmes peuvent estimer que les choses n’avancent pas encore assez vite.

Claire Bauchart

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