Entrepreneuriat à impact : « C’est un véritable challenge de concurrencer ce qui est facile »

Entrepreneuriat à impact
A la tête de La Ruche depuis 2017, Sophie Vannier œuvre au quotidien en faveur de l’entrepreneuriat à impact et de l’égalité des chances. Acteur engagé, le réseau La Ruche représente 10 espaces de coworking répartis sur tout le territoire, y compris en zone rurale, mais aussi des incubateurs pour propulser dans l’entrepreneuriat des publics sous représentés.

En 2020, La Ruche a accompagné 700 entrepreneurs à impact. Quel fil rouge retrouvez-vous dans leur parcours ?

Sophie Vannier : Au sein de La Ruche, les profils sont extrêmement variés. Impossible de dresser un portrait-robot, et c’est bien ce que nous recherchons. Nous accompagnons un Syrien qui monte un réseau de revalorisation des métaux lourds, ou encore des doctorantes qui lancent un programme dans la tech for good.

En revanche, on retrouve souvent des événements plus ou moins personnels dans leurs parcours de vie qui ont créé une certaine révolte. Mais aussi une forme de conscience collective et volonté de travailler en écosystème pour bouleverser nos modes de consommation.

Quelles sont les grandes tendances que vous voyez émerger en 2021 ?

Sophie Vannier : Avec le confinement, 1 français sur 2 dit vouloir consommer plus responsable et local.  L’enjeu sera donc d’aller sur ce terrain tout en trouvant un modèle économique pérenne, comme cela a été le cas pour la marque 1083 qui a remonté toute la filière du jean en France. Par exemple, au sein de La Ruche, nous accompagnons actuellement le projet Hopen qui entend relancer le houblon made in France.

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Par-delà, je pense que les entreprises qui vont exploser en 2021 sont celles qui vont faciliter la consommation responsable. Qu’il s’agisse de recycler ses vieilles chaussettes ou d’utiliser un shampoing solide, consommer responsable ne doit plus demander d’effort supplémentaire : en quelques clics, le changement doit être là et les promesses tenues. C’est un véritable challenge de venir concurrencer ce qui est facile.

Quant aux secteurs, face à la montée de l’e-commerce, nous observons que les alternatives aux cartons et autres emballages engendrent beaucoup d’innovations à l’image de Pandobac pour les acteurs du food ou encore  de Opopop, le premier colis réutilisable. La réglementation autour de la fin du plastique est également source d’innovation à l’instar de Koovee qui a conçu des couverts comestibles.

Pensez-vous qu’avec la pandémie, ces sujets vont enfin occuper durablement le devant de la scène ?

Sophie Vannier : Je suis optimiste. Je pense que la conscience collective est bien là, et depuis longtemps. Maintenant, le Gouvernement doit s’engager pour rendre plus faciles les gestes écologiques au quotidien. Pour cela, il faut qu’il se détache des lobbyings industriels. A quand les premières campagnes publiques autour de l’environnement ?

Croyez-vous en la possibilité d’une croissance verte ?

Sophie Vannier : Si je parle au nom de La Ruche, je suis persuadée que l’on peut trouver des solutions générant moins d’externalités négatives. On part quand même de très loin et nous pouvons clairement aller vers une consommation plus sobre et une croissance plus raisonnable.

A titre personnel, en tant que mère de famille et militante, je me dis qu’il faut tout changer. D’ailleurs, beaucoup d’entrepreneurs sociaux sont des révolutionnaires. Mais le paradigme actuel est basé sur la croissance. Je pense qu’à ce stade, il faut donc s’accrocher aux petits pas. Il existe de très nombreuses initiatives positives comme le rapportent les actualités de l’ESS que je recommande, et les dernières municipales prouvent que les choses bougent dans le bon sens.

Sophie Vannier co-dirige La Ruche depuis 2017
Les équipes de la Ruche

Voyez-vous émerger de plus en plus de modèles économiques hybrides pour porter ces projets à impact ?

Sophie Vannier : On observe effectivement l’émergence de nombreux modèles hybrides comme la Joint-Venture Sociale : un grand groupe fusionne avec une association ou une entreprise sociale dans le but de créer une offre de services et un modèle économique hybrides. SocialCObizz est une association qui permet d’accélérer les Joint-Ventures Sociales, et elle a porté de nombreux projets dernièrement.

Avec La Ruche, vous accompagnez les entrepreneurs dans tout l’hexagone. Constatez-vous une forte vitalité en dehors de Paris ?

Sophie Vannier : On constate une réelle émulation autour de villes déjà structurées comme Nantes, Bordeaux, Marseille, Lyon… Nous avons une ruche à Saint-Nazaire qui fonctionne très bien et travaille notamment avec la French Tech Tremplin. Nous allons bientôt y monter un incubateur pour entrepreneurs réfugiés. Actuellement, on assiste à une réelle décentralisation, c’est pourquoi nous digitalisons nos formations et les travaillons pour qu’elles soient ludiques et inclusives. Nous n’allons pas monter d’incubateurs partout, mais il faut que les porteurs de projet, où qu’ils soient, aient accès aux mêmes outils.

Plus que jamais, nous avons besoin des entrepreneurs à impact et des citoyens pour retrouver du courage dans nos actions.

Propos recueillis par Paulina Jonquères d’Oriola

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