Envie d’entreprendre en couple ? L’idée a de quoi séduire mais peut aussi faire peur. Il est légitime de s’interroger sur sa capacité à passer ses nuits et ses jours avec son ou sa partenaire, à distinguer sa vie privée de sa vie professionnelle et les préserver, à faire face financièrement etc… Nous avons interrogé des entrepreneurs qui sont passés par là et rééditent l’expérience. Ils nous confient leurs conseils.
Bien se connaître avant de se lancer
Vincent et Molina Paulin planchent actuellement, à Station F, sur leur nouveau projet d’entreprise « Cocohop », une application collaborative pour aider à concevoir des voyages plus facilement. Le couple s’est connu au travail. Cette première expérience a démontré leur capacité à coopérer et bien s’entendre professionnellement, un préalable essentiel à leurs yeux avant d’entreprendre ensemble, en couple . Pour Vincent et Molina, désormais parents de trois enfants, le fait d’être un couple peut alors être un avantage. « Avec des entrepreneurs qui ne se connaissent pas, c’est un peu le début d’un mariage entre associés. Nous, on a la chance de déjà se connaître dans la vraie vie et finalement ça rassure presque plus, même les banquiers », remarque Vincent Paulin.
Même constat pour Charlotte Chenevier, mère de trois enfants, et en cours de création avec son compagnon Antoine Prenaud, d’une deuxième entreprise nommée « The Fat Broccoli », la première chaîne de restauration rapide 100 % végétale en France. Il y a dix ans, alors qu’ils étaient jeunes diplômés, en journalisme pour l’un et en communication pour l’autre, ils ont fait, pendant un an, un tour du monde à la rencontre d’associations dédiées à l’enfance. L’occasion de tenir un blog, de réaliser une trentaine de reportages vidéo et d’apprendre à travailler ensemble. À leur retour, l’expérience leur plaît tellement qu’ils lancent leur première entreprise. Une agence de brand content, qu’ils revendent en janvier 2024. Là aussi, leur association s’est fait naturellement.
Se répartir les tâches
Pour faire fonctionner au mieux le projet, mieux vaut que chacun se consacre à son domaine de compétences. Cela permet d’exprimer pleinement son potentiel et de faire profiter l’entreprise de sa plus- value. C’est aussi un gain de temps et d’efficacité. La complémentarité, c’est le maître mot. « Comme nous sommes du monde de la tech et que nous nous complétons, Vincent sur le développement et moi et sur la conception-création de produit, ça nous permet d’imaginer pas mal de solutions pour aider certaines personnes, certains professionnels, et ça nous motive à chaque fois », explique Molina Paulin.
Communiquer même sur les sujets désagréables
La communication est un autre point à maîtriser. « On se parle tout le temps, on est assez fusionnels et c’est une clé pour l’entrepreneuriat », lance Vincent Paulin. « On sait comment se parler, on sait qu’on peut tout se dire sans avoir peur du conflit. On se complète sur les hauts et les bas en fonction de nos humeurs. Comme on le gère dans la vie personnelle, c’est un atout dans notre vie professionnelle », acquiesce Molina.
Autre conseil de l’entrepreneure : ne pas oublier la légèreté. Ce n’est pas parce que l’entrepreneuriat est une chose sérieuse qu’il ne faut pas s’accorder des pauses pour souffler, rire… Ça permet de relâcher la pression, de se soutenir, se rassurer mutuellement…
Pour Charlotte Chenevier aussi, la communication au sein du couple est indispensable, même lorsqu’il s’agit d’aborder des points sensibles. « Il ne faut pas accumuler de la rancœur et attendre pour parler. On peut vite accuser l’autre de nos propres égarements mais c’est important d’assumer ses responsabilités », reconnaît-elle.
Garder des moments pour soi, à deux et en famille
Ces entrepreneurs ne dressent pas vraiment de frontières entre les deux univers. Le fait de pouvoir partager cette aventure en commun et d’être souvent ensemble, y compris le soir à la maison, permet d’échanger et de faire avancer l’entreprise plus rapidement. « Quand on est en couple, on forme déjà une équipe. La famille, c’est comme une mini-entreprise : il y a des projets, des voyages à organiser, des achats à gérer… On devrait donc pouvoir travailler ensemble », glisse Charlotte Chenevier. Selon elle, c’est aussi une question de personnalité : aimer passer du temps ensemble ou préférer cloisonner sa carrière et sa vie personnelle. Si elle avoue aimer mélanger vie pro et vie perso, elle garde quand même du temps pour son cours de sport ou pour déjeuner entre copines. Une manière de s’aérer et de se ressourcer.
Pour les deux familles d’entrepreneurs, la coupure se fait naturellement en présence des enfants. « Quand on est parents et qu’on entreprend en couple, c’est une étape de plus. On est obligé de solidifier son couple car c’est la base de tout. Chaque semaine, une baby-sitter vient garder les enfants pour qu’on se fasse un restaurant en amoureux en essayant de ne pas parler du travail », ajoute-t-elle.
Anticiper les risques financiers
Il y a de la sécurité dans le salariat. Les revenus sont fixes et assurés. Créer son entreprise / entreprendre en couple, c’est doubler le risque d’avoir peu ou pas de revenus notamment au début. Charlotte Chenevier conseille de prévoir un filet de sécurité en gardant une activité de freelance à côté, en épargnant suffisamment au préalable ou bien encore en négociant une rupture conventionnelle avec son ancien patron. « Pour notre première entreprise, Antoine touchait le chômage et moi j’avais passé un deal avec mes parents qui me soutenaient financièrement jusqu’à une date limite à partir de laquelle je devais pouvoir vivre de cette activité », se rappelle-t-elle.
S’associer à une personne autre que son partenaire de vie peut être perçu comme une sécurité, une manière de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Mais pour ces couples, partager un maximum de temps ensemble et leur passion pour l’entrepreneuriat est un privilège.
Dorothée Blancheton
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