A tout âge, il demeure possible d’apprendre et de renforcer sa créativité. Comment ? La
réponse avec le neuropsychologue Bernard Anselem, auteur, conférencier et spécialiste
des sciences cognitives.
Vous avez dit plasticité cérébrale ?
Vous avez certainement déjà entendu parler de plasticité cérébrale. Mais de quoi s’agit-il exactement ? Pour faire simple, lorsque vous utilisez une compétence, vous allez stimuler certains neurones. Dans le même temps, ces neurones vont renforcer leur communication entre eux. Cela signifie que vous allez donc améliorer vos compétences en les travaillant grâce à ces connexions renforcées. « Les gens pensent que tout est fixé à la naissance, mais en réalité, quel que soit le niveau de compétence au départ dans un domaine, on peut toujours l’améliorer. Il est vrai que ces connexions se créent plus facilement durant l’enfance, mais la marge de progression chez un adulte est considérable. Par exemple, des études ont prouvé que des séniors pouvaient apprendre à jongler », explique le Dr Bernard Anselem.
Cela signifie qu’il est possible d’apprendre une langue étrangère, même si cela sera plus lent que chez un enfant de moins de 7 ans pour qui cette langue deviendra maternelle. En revanche, si elles ne sont pas stimulées durant le jeune âge, certaines compétences sensorielles ne pourront pas être rattrapées. Il s’agit par exemple d’enfants qui n’ont pas pu être stimulés au niveau visuel, langagier ou encore auditif.
Quel est le lien entre cette plasticité cérébrale et la créativité ?
La créativité dépend de notre intuition et de notre imagination. Dans notre cerveau, nous disposons d’une énorme bibliothèque en mémoire. « Mais le cerveau n’est pas un ordinateur composé de dossiers auxquels on peut accéder directement. Pour des questions de survie, le cerveau se concentre sur quelques fonctions. Et tout ce qui est en mémoire n’est pas directement accessible. Or, l’intuition, c’est justement lorsqu’une situation extérieure va fournir des indices et nous donner accès à des informations stockées en mémoire. Il peut s’agir d’un vêtement qui nous rappelle une personne aimée, d’une chanson, d’une odeur », poursuit le neuropsychologue.
La créativité, c’est donc cette capacité du cerveau à créer des connexions entre différents souvenirs qui sont liés. « Je prends souvent cette image d’un incendie dans la forêt. Certains arbres préchauffés vont prendre plus vite feu. Et bien, c’est pareil avec certains neurones qui vont être préchauffés par des souvenirs spécifiques, qui vont ensuite se diffuser à tout le cerveau », illustre le Dr Ansellem.
Alors, quelles sont les pistes pour augmenter sa créativité ?
- Aborder toutes les questions sous un maximum d’angles différents pour collecter le plus de souvenirs associés. « En récupérant un maximum de souvenirs différents, on a plus de chances de créer des liens utiles pour atteindre notre objectif», conseille le Dr Anselem.
- Lire, encore et encore, se renseigner, pour enrichir sa bibliothèque. « Si par exemple, vous voulez être écrivain, il y a peu de chances pour que vous soyez créatif si vous ne lisez jamais», affirme le neuropsychologue.
- Discuter au maximum avec les autres, car chacun possède ses propres références. « De cette manière, on accède à la bibliothèque de souvenirs de l’autre, et on enrichit donc ses sources», poursuit notre expert.
- Favoriser le vagabondage mental, la relaxation, la pleine conscience, la marche, le rire, la musique, la danse, les sorties dans la nature… « Le vagabondage mental permet de laisser libre cours à son imagination. A l’inverse, lorsque l’on est stressé, les fonctions exécutives du cerveau sont concentrées sur un but précis. Les grandes découvertes ont été faites dans des moments de relaxation comme Archimède dans son bain, ou Isaac Newton lors d’une sieste sous un pommier », illustre le Dr Anselem.
- Profiter des discussions informelles, et noter les idées au fur et à mesure. « Les étincelles se produisent souvent lors de discussions non dirigées. La réflexion d’une autre personne va nous amener sur des terrains qu’on n’avait pas prévu au départ. C’est en switchant d’un sujet à un autre que l’on va emprunter de nouveaux chemins de pensée », estime le neuropsychologue.
- Éviter les process et les routines pour privilégier les solutions originales et divergentes. « Si l’on s’enferme dans les mêmes schémas mentaux, on arrive toujours à la même destination. C’est pour cela qu’il est toujours bénéfique pour une entreprise d’embaucher de nouveaux profils afin que chacun soit bousculé dans ses certitudes», affirme le spécialiste.
- Enfin, identifiez ce qui vous passionne, vous fait vibrer, vous enthousiasme, développez vos sensations et puisez dans cette énergie vitale ! « A partir du moment où l’on aime quelque chose, on retient mieux, et on va donc être plus créatif. Dans notre cerveau, les réseaux de la récompense et de la motivation sont fondamentaux et priorisent l’information. La créativité n’est pas un éclair de génie. Il y a derrière beaucoup de travail et de passion», conclut le médecin.
Paulina Jonquères d’Oriola
