Comment dépasser ses préjugés ?

Marie-Agnès Chauvin,

Qui n’a jamais émis un jugement un peu hâtif sur une personne et pensé du mal d’elle ? Un sentiment dont l’on est rarement fière. Pourtant, selon la psychologue Marie-Agnès Chauvin, ces critiques révèlent des manques chez nous et pourraient nous aider à changer pour dépasser ses préjugés. Explications.

Quand on croise une personne, on se fait très rapidement une idée sur celle-ci. Cet avis peut être positif comme négatif, même si cela n’est jamais très agréable à admettre. Anne-Lise, 33 ans, chef de produit à Toulouse, le reconnaît. « Quand ma nouvelle collègue est arrivée et qu’elle m’a demandé dès le premier jour comment ça se passait pour les congés et les RTT, j’ai tout de suite pensé qu’elle devait être fainéante et plus intéressée par les avantages de la boîte que par le poste en lui-même.

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Ca ne me regarde pas mais je n’ai pas pu m’empêcher de la juger », confie la jeune femme. Cette tendance à avoir des préjugés sur autrui serait propre à l’être humain et même nécessaire. « La critique est une caractéristique de la pensée humaine. L’homme est capable de penser qu’il pense. Il est donc capable de porter un regard sur ce qu’il vit et sur les autres aussi. Il sait que les pensées négatives sont mal perçues par la morale et s’en veut. Mais c’est un processus naturel et vital », assure Marie-Agnès Chauvin, psychologue clinicienne, hypnothérapeute et auteure de « Continuons à penser du mal des autres ! » récemment paru aux éditions Eyrolles. 

Comment dépasser ses préjugés ?

Une mesure de protection

Dans son livre au titre provocateur, elle explique que, pour survivre dans un environnement, l’être humain s’adapte en mettant en place un mode de comportement. Ainsi, s’il habite dans un pays nordique, par exemple, il marchera sur le trottoir ensoleillé. A l’inverse, s’il vit dans un pays chaud, il marchera à l’ombre. Sa nature lui interdit de changer pour ne pas se mettre en danger. Cela l’amène donc à considérer que celui qui agit différemment de lui est dans l’erreur. « Il y a un processus de projection qui fait qu’on s’imagine à la place de l’autre. Mais notre système de valeur joue un rôle d’alerte et s’éveille.

Pour ne pas se mettre en danger en changeant de comportement, on diabolise alors celui qui agit différemment », ajoute la psychologue. En ayant un préjugé sur l’autre, on tente également de se rassurer sur sa propre valeur.
L’experte conseille de ne pas refouler ces pensées réflexes de protection au nom de la moralité, ni de culpabiliser. Mieux vaut s’interroger sur ce qui les anime pour se connaître davantage et progresser.

Comprendre ce qui nous manque

Ainsi, plus le préjugé nous insupporte, plus il est révélateur d’un manque chez soi. Il y a quelque chose à gratter pour découvrir ce que c’est. « Le voisin est peut-être effectivement irresponsable mais l’intérêt c’est de comprendre pourquoi ça nous met dans cet état et qu’est-ce qu’on en fait », recommande Marie-Agnès Chauvin. Si l’on pense que son conjoint est égoïste, par exemple, n’est-ce pas le signe que l’on aimerait bien prendre davantage de temps pour soi ? Si telle amie semble lâche, peut-être est-ce parce que l’on devrait prendre plus de distance par moments avec certains événements. Et si l’on pense que sa collègue est une profiteuse, c’est probablement parce que dans notre système de valeur on fait tout par soi-même. A la fin on s’épuise, et on finit par en vouloir à ceux qui jouissent de ce qui nous ferait du bien. 

Un plan d’action pour dépasser ses préjugés

Une fois ce travail fait, on essaye d’aller un peu dans la direction que l’on critique. Et tous les soirs, on note dans un cahier cinq choses anodines qui prouvent que l’on a pensé à soi, que l’on a pris le temps de se faire plaisir, que l’on n’a pas couru devant le danger, que l’on a osé déléguer des tâches, demander de l’aide aux autres… « L’idée, c’est de s’observer avec beaucoup de bienveillance et de voir comment on peut faire un pas dans l’autre direction », précise Marie-Agnès Chauvin. On tente donc de copier un peu ce comportement que l’on critique pour trouver un certain équilibre en soi et dans sa vie. 

Dorothée Blancheton

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