Après quelques mois éloignée du monde de l’entreprise, des projets en cours, des changements au sein des équipes, le retour de congé maternité peut être délicat. Quelques conseils de RH pour faciliter cette reprise.
Le retour au travail après un congé maternité peut être source d’appréhension. Quel sera l’accueil réservé ? Que s’est-il passé pendant ces quelques mois d’absence ? L’ambiance a-t-elle changé ? Va-t-on facilement reprendre le rythme ? « À ces interrogations se joignent parfois celles liées à son enfant (faudra-t-il le sevrer rapidement, va-t-il se plaire à la crèche ou chez son assistante maternelle…), il y a aussi la double culpabilité de devoir laisser son bébé et celle de ne pas être pleinement disponible pour son travail », ajoute Tiphaine Mayolle, consultante en parentalité et équilibre des vies en entreprise, et auteure de « La parentalité en entreprise expliquée à mon boss », paru aux éditions Kawa.
Retour de congé maternité : Dépasser les mesures légales pour mieux accueillir la jeune mère
Le code du travail prévoit diverses mesures pour accompagner cette reprise. À l’issue de son congé maternité, la salariée doit ainsi retrouver l’emploi qu’elle occupait ou un poste équivalent sans diminution de salaire possible. Elle ne peut pas se voir confier des missions temporaires avec moins de fonctions qu’auparavant, et cela même si sa rémunération reste identique. Une visite médicale doit avoir lieu dans les huit jours suivant le retour dans l’entreprise pour s’assurer que l’emploi occupé correspond toujours à son état de santé, bien que dans les faits 55% des femmes déclarent ne pas en avoir bénéficié (enquête menée par ISSENCE, 2021, auprès de 700 femmes). L’employeur doit également prévoir un entretien professionnel pour discuter des perspectives d’évolution ou des besoins en formation. Mais l’accompagnement doit dépasser ce strict cadre légal.
D’après le baromètre 2020 de la perception des discriminations dans l’emploi du Défenseur des Droits, une femme sur deux estime que son entreprise ou son manager n’a pas été assez à l’écoute ou compréhensif à son retour de congé maternité. « Il ne s’agit pas simplement d’appliquer de façon froide ce que prévoit le code du travail mais de rester humain, de ne pas traiter la femme comme du personnel mais comme une personne », insiste Patricia Wendling, ex directrice juridique et Directrice des Ressources Humaines, fondatrice du cabinet H/F Human Factor et auteure de « Télétravail – Mode d’emploi ». Cette bienveillance doit exister avant même le congé maternité.
Anticiper le retour de congé maternité
L’annonce de la grossesse n’est pas toujours bien accueillie par l’employeur et l’équipe. Mais si la femme est félicitée et qu’elle n’est pas exclue des réunions et projets avant son départ, elle aura moins d’appréhensions à revenir. Après l’accouchement, l’entreprise peut maintenir le lien et son soutien en envoyant ses félicitations et un cadeau pour cette naissance. Si elle dispose d’une newsletter papier, Patricia Wendling suggère que l’entreprise l’envoie à la jeune mère pour qu’elle ait des nouvelles sans que ce soit trop intrusif.
Juste avant la reprise, le manager et son équipe peuvent se réunir pour anticiper ce retour. C’est l’occasion de faire un point sur les nouvelles missions en cours, les nouveaux collègues, les changements d’organisation, d’organigramme, d’outils… Le DRH peut aussi rappeler au manager les valeurs de l’entreprise pour qu’il accueille la salariée en faisant preuve d’écoute et d’empathie.
Favoriser le retour dans l’équipe
Le retour auprès des collègues peut se faire de manière conviviale et informelle autour d’un petit- déjeuner. « Cette reprise ne doit pas s’apparenter à un simple retour de vacances ; ce petit-déjeuner d’équipe permet de valoriser ce que la femme a vécu, de prendre de ses nouvelles, de montrer que l’on est contents de la retrouver. Et ce type d’initiative, simple à organiser, reste accessible financièrement », argumente Tiphaine Mayolle. En complément, Patricia Wendling propose d’envoyer à la salariée un e-mail ou de lui laisser un papier sur son bureau pour lui souhaiter un bon retour et lui dire que l’on espère que son bébé se porte bien. Ces petites attentions font un pont entre la vie personnelle et professionnelle et montrent que l’équipe et la hiérarchie reconnaissent qu’elle a vécu quelque chose d’unique.
Faire un point en tête-à-tête manager-salariée
Si au retour du congé maternité, le code du travail prévoit un entretien professionnel axé sur les perspectives de carrière, Patricia Wendling met aussi en place un entretien de reprise en trois parties :
« Il est d’abord centré sur la femme qui revient de son congé maternité. L’idée est de lui demander comme elle va, comment elle vit la coupure avec son bébé et la reprise du travail, quel est le mode de garde trouvé, est-ce qu’il lui convient, est-ce qu’elle a besoin d’un aménagement d’horaires… Il s’agit de créer un terrain bienveillant pour la laisser parler et qu’elle voit qu’on est prêt à envisager des solutions pour l’aider. Le deuxième temps consiste à évoquer ce qui a changé dans l’entreprise (mission, outils, projets en cours…). Et le troisième temps vise à lui proposer une mini formation avec un collègue ou le manager pour se mettre à jour sur certains process », détaille Patricia Wendling. Le manager doit se montrer rassurant, encourageant et valoriser la salariée de retour pour qu’elle reprenne confiance en elle et en ses compétences.
Prévoir une passation avec la personne qui l’a remplacée
Pendant son congé maternité, la femme a sans doute été remplacée par une personne. Il est important de prévoir une période de chevauchement pour que celle-ci puisse lui faire part de ce qui s’est passé en son absence, lui indique où elle en est dans ses missions. Pendant quelques jours ou semaines, elles peuvent assurer à deux la charge de travail tout en faisant ce point. La jeune mère peut ainsi reprendre les rennes progressivement sans avoir tous les dossiers à traiter à son retour.
Diverses mesures pour un retour progressif
Certaines entreprises proposent des retours progressifs avec divers aménagements et services. « Le bébé qui arrive dans une crèche bénéficie d’une période d’adaptation mais c’est rarement le cas pour le parent qui retourne au travail. Or les deux doivent s’adapter. Quand les jeunes parents subissent moins de pression professionnelle, c’est bénéfique pour toute la famille et ils seront plus sereins. Des entreprises œuvrent en ce sens. Wavestone, par exemple, propose un retour de congé progressif : les collaborateurs à temps plein peuvent travailler à 4/5ème pendant les deux semaines suivant leur retour, avec une rémunération maintenue à 100% », relate Tiphaine Mayolle.
Certaines sociétés proposent des jours de télétravail ou des journées de travail plus courtes pour favoriser ce retour en douceur. C’est le cas par exemple d’Abbvie qui met en place des horaires de travail flexibles, du télétravail, un service de conciergerie et une salle de repos et des réfrigérateurs à la disposition des femmes souhaitant tirer leur lait. Mediabrands offre aussi 7 heures de coaching aux jeunes parents pour les aider à trouver un équilibre entre vie pro et perso. SC Johnson propose un service similaire ainsi que la livraison de courses à domicile et une allocation de garde d’enfant de 250€ par mois. Abylon met à disposition de ses employés des places en crèche etc. Toutes ces mesures n’ont pas le même coût mais offrent un vaste panel d’aides dans lequel piocher.
Le pouvoir d’une parole bienveillante
Même si l’entreprise n’a pas les moyens d’offrir tous ces services, le simple fait qu’un manager dise que c’est normal d’avoir besoin de temps pour reprendre ses marques et trouver un nouvel équilibre, que lui et/ou les RH sont à l’écoute de la jeune mère, c’est très soulageant et rassurant. Offrir du temps à la salariée de retour de congé maternité lui permet de reprendre ses marques à son rythme.
Pour autant, ce n’est pas une perte de temps ni d’argent pour l’entreprise. « C’est un cadeau pour la femme qui va se sentir pousser des ailes. Elle voudra donner le meilleur d’elle-même face à cette empathie. Elle ne demande pas la lune mais un regard, une attention et ça change déjà beaucoup de choses », constate Patricia Wendling. Un avis partagé par Tiphaine Mayolle pour qui la parole bienveillante a beaucoup de bienfaits. « Elle va renforcer les liens entre l’entreprise et la salariée qui se sentira comprise et ne sera pas tentée de chercher son équilibre dans une autre société », conclut-elle.
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Dorothée Blancheton
