.Il est l’objet de bien des spéculations, l’identité de son créateur est mystérieuse, ses opposants l’accusent de tous les maux… et pourtant le bitcoin n’en finit plus de séduire. Décryptage d’un phénomène qui pourrait bien bouleverser profondément la donne monétaire.
Le bitcoin, qu’est-ce exactement ?
« Le bitcoin a une particularité phare : il est basé sur un réseau décentralisé, » résume l’économiste Philippe Herlin, auteur de plusieurs livres sur le sujet, dont Apple, Bitcoin, Paypal, Google : la fin des banques ? (Eyrolles). « Il n’est pas contrôlé, comme les monnaies traditionnelles, par une banque. ».
Créé en 2009, la star des monnaies virtuelles, ou crypto-monnaies, a un cours découlant du jeu de l’offre et de la demande. Contrairement aux autres devises, le nombre d’unités disponibles est limité. Il n’y aura jamais plus de 21 millions de bitcoins en circulation. Ainsi en a décidé Satoshi Nakamoto, pseudonyme du fondateur anonyme de cette monnaie. « C’est pour cela que le bitcoin peut, à mon sens, être comparé à de l’or numérique, » commente Philippe Herlin.
Pour l’heure, quelque 16 millions de bitcoins sont déjà en circulation. Ils sont fabriqués par des « mineurs » : des informaticiens dont les ordinateurs participent à la résolution d’équations à l’origine de la création de monnaie. Les fermes de « minages », très consommatrices en électricité, se multiplient aux quatre coins du globe.
Afin d’assurer à la fois la crédibilité et la sécurité du bitcoin, ses développeurs l’ont basé sur la blockchain : une base de données contenant l’historique de tous les échanges effectués entre utilisateurs. Une sorte de registre décentralisé, mis à jour en temps réel. « Ces datas sont publiques et anonymes, rattachées aux numéros de comptes des utilisateurs. Pour pouvoir en prendre connaissance, il suffit d’aller sur le site blockchain.info », précise Philippe Herlin.
Comment cela fonctionne-t-il ?
Le cours du bitcoin ne cesse de s’envoler : dépassant actuellement les 6.800 euros, il était d’un peu plus de 3000 euros en août dernier, de 2000 euros au mois de juillet, d’environ 800 euros en décembre 2016… De quoi faire lorgner investisseurs et épargnants…
Et ce d’autant qu’acquérir des bitcoins est chose relativement aisée : « il faut se constituer un portefeuille électronique et, pour cela, existent des applications à télécharger sur votre smartphone, » explique Philippe Herlin. Jaxx, notamment, pour les utilisateurs d’iPhone.
« Puis, pour acheter, il faut passer par une place de marché transformant les euros en bitcoins, et effectuant le transfert vers votre portefeuille électronique. Ceux qui préfèrent se déplacer physiquement peuvent se rendre à La Maison du Bitcoin à Paris ». Une option facile pour ceux qui habitent la capitale. Seul hic : l’établissement prend 10% de commission sur chaque transaction. Afin de payer des frais moindres, voire nuls, l’économiste recommande de passer par des plateformes. « Parmi les plus crédibles du moment figurent Kraken ou Paymium ».
Les arguments des détracteurs
Blanchiment d’argent, outil pour les terroristes… Les opposants au bitcoin pointent régulièrement les points faibles de la monnaie. « Ces discours sont en réalité la plupart du temps tenus par des institutions financières, des banques, où, par ailleurs, l’argent sale circule depuis toujours », souligne Philippe Herlin. « D’autre part, avec la technologie du bitcoin, toutes les informations sont tracées ». Autre élément : lorsque vous transformez des bitcoins en euros, vous réceptionnez l’argent sur votre compte.
Tout passe donc par votre banque. « Pas évident, dans ces conditions, de faire du black ! », ironise Philippe Herlin. « En septembre 2013, le FBI a fermé Silk Road, un site de vente de drogue où il était possible de payer en bitcoins. Cette fermeture n’a pas entraîné de chute du cours ». Une preuve parmi d’autres, selon l’économiste, que les trafics illicites ne représentent qu’une infime minorité des transactions.
Quid des autres crypto-monnaies
Référence dans le secteur, le bitcoin est néanmoins loin d’être la seule cryptomonnaie. Plus de mille sont en effet en circulation. Si le potentiel de beaucoup d’entre elles reste à désirer, quelques unes pourraient, à terme, se faire une place aux côtés du bitcoin. Deuxième sur le marché, l’ethereum, lancé en 2015, connaît ainsi une croissance qui n’est pas sans rappeler celle de sa grande sœur. « A terme, elle constitue même une candidate sérieuse pour supplanter le bitcoin,» anticipe Philippe Herlin.
Faut-il investir?
« Je conseille toujours d’acheter un peu de bitcoin ou d’ethereum car nous ne sommes qu’au tout début de la révolution blockchain,» assure Philippe Herlin. « Des estimations tablent sur un cours à 10.000 dollars du bitcoin d’ici quelques mois. Mais, d’ici 2 ou 3 ans, il peut très bien atteindre 60.000 dollars ».
Pour lui, le bitcoin et l’ethereum peuvent constituer des leviers pour faire fructifier nos économies, surtout à une époque où l’épargne ne rapporte quasiment plus rien. « Gardez néanmoins en tête deux éléments : il y a toujours un risque de perdre une partie de l’argent que vous avez placé ».
Un risque néanmoins minime : de plus en plus d’entreprises, voire d’institutions financières, ont recours au bitcoin, accentuant de fait sa crédibilité. Ainsi, la bourse de Chicago a prévu de lancer, d’ici la fin de l’année, ses premiers contrats à terme en bitcoins. « Deuxièmement, conclut Philippe Herlin, n’investissez que de l’argent dont vous n’avez pas besoin : le mieux est d’attendre trois à cinq ans pour que ce placement soit réellement bénéfique ».
Claire Bauchart