Argent dans le couple : la fin d’un tabou ?

Argent dans le couple: la fin d'un tabou ?

Dans une société où près d’un mariage sur deux se termine devant les tribunaux, où de nombreuses femmes ont acquis une indépendance financière, l’argent est, plus que jamais, une question au coeur de la dynamique du couple. Comment bien harmoniser ses finances ? Eléments de réponse.

En achetant un appartement avec mon copain, ce qui est terrible, c’est que je suis contrainte de songer à l’éventualité d’une rupture.” Louise, 29 ans, ne pensait pas devoir se poser autant de questions lorsqu’elle a décidé d’investir dans l’immobilier avec son compagnon. “Notre banquier nous a poussés à être très au clair sur l’apport de chacun, histoire de récupérer toutes ses billes en cas de problème. C’est particulier d’envisager une séparation alors que tout va bien!

Le patrimoine, entre amour et désamour

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Pas très romantique en effet mais une manière d’éviter les règlements de compte cinglants à une époque où les couples se font mais surtout se défont: en France, un mariage sur deux dure moins de dix ans. L’année 2013 comptabilise à elle seule quelque 130.000 divorces et 10.000 dissolutions de Pacs. Une tendance que la psychothérapeute Marie-Adèle Claisse, auteure de Dites oui à l’argent (éditions Montorgueil) relève chez une part non négligeable de ses patients: “les disputes concernant les termes d’un divorce, ou découlant de la vente d’un bien sont de plus en plus fréquentes.”

Des affrontements intenses au sein du couple, aux enjeux parfois très conséquents. Pour la grande majorité de couples mariés vivant sous le régime de la communauté, le partage des biens au moment d’une séparation induit l’acquittement d’une taxe de 2,5%, appelée “droit de partage”. Ainsi, dans le cas d’un couple, propriétaire d’une maison de 400.000 euros, cet impôt s’élèvera à 10.000 euros.

L’argent, un symbole mouvant au sein du couple

La question de l’argent semble donc cruciale au crépuscule d’une histoire d’amour, mais également tout au long de la relation. Et ce d’autant que la problématique a mué à mesure que les femmes ont gagné en autonomie financière. “L’argent est un symbole d’indépendance,” commente Marie-Adèle Claisse. “Or, beaucoup d’hommes, y compris parmi les jeunes générations, gardent encore dans leur inconscient la mémoire des époques où ils étaient les chefs de famille, ce qui leur donnait de fait une supériorité dont ils ne disposent plus forcément aujourd’hui.” De quoi commencer à brouiller sensiblement quelques usages traditionnels: en France, la part des couples vivant en séparation de biens est passée de 6,1% en 1992 à 10% en 2010.

Vers de nouvelles règles de séduction?

Les codes de la séduction se trouvent également bousculés. “La fonction de l’argent au sein des règles de courtoisie évolue”, constate Marie-Adèle Claisse. Ainsi, une étude réalisée en mars 2016 par l’institut TNS Sofres révèle que deux Français sur trois affirment avoir été invités par une femme au cours d’un premier rendez-vous. Selon le même sondage, 24% estiment même normal que leur copine paie l’addition. Un taux grimpant à 60% chez les hommes espagnols.

Un début de redéfinition des codes qui, pour Marie-Adèle Claisse, appelle à se recentrer sur l’essentiel: “ce qui est fondamental, ce sont avant tout les valeurs humaines,” insiste-t-elle dénonçant une société où, malgré tout, ne pas gagner d’argent revient à être mis à son ban.

Sexualité et argent : les liaisons dangereuses

Des conventions encore fortement ancrées malgré la précarité économique ambiante et pouvant révéler des tensions au sein d’un couple en cas, par exemple, de chômage.”Psychologiquement, cela créé des blocages, avec souvent un impact sur la sexualité,” assure Marie-Adèle Claisse. Pour cette spécialiste, la perte d’emploi peut générer chez un homme le sentiment d’être atteint dans sa virilité. La femme, quant à elle, peut ne pas supporter de se sentir redevenir redevable, comme l’étaient les générations précédentes.

Et la psychothérapeute de pointer un conflit multiséculaire que les avancées les plus progressistes peinent à combattre. “Le gros problème est que nous avons trop souvent du mal à délimiter clairement la frontière entre les valeurs humaines d’une personne (sa générosité, son affection) et sa valeur marchande. Or, s’il est crucial d’avoir une admiration pour les valeurs humaines de sa moitié, l’estimer sur sa valeur marchande est malsain.

Claire Bauchart

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