Anne Valérie Hash: portrait intime

Anne Valérie Hash : portrait intime
Après plus d'une décennie d'activité et une prise de recul, Anne-Valérie Hash revient en tant que designer pour Comptoir des Cotonniers, un nouveau défi qu'elle aborde encore une fois avec talent. Retour sur son parcours.

Déconstruire pour mieux reconstruire, telle est sans doute la définition qui sied le mieux aux créations d’Anne Valérie Hash. En une décennie, elle a su se faire un nom dans le monde très fermé de la mode. Tout en nous donnant quelques clés pour comprendre son univers, elle nous explique pourquoi elle va faire une “pause” dans sa carrière.

Un rêve de petite fille

En apparence, rien ne destinait Anne Valérie Hash à une carrière dans la mode. Son père était informaticien, sa mère « plutôt intello », mais elle concède ” mon père s’habillait assez mode et ma mère achetait peu mais très bien ».

Pourtant, les racines de sa vocation sont à rechercher ailleurs, dans ces années 1980 qui laissaient peu de place à la fantaisie pour les petites filles de son âge : « J’étais très coquette mais nous étions à une époque où il n’y avait pas comme maintenant Zara ou H&M ». Du haut de ses 8 ans, la petite Anne Valérie se préoccupe déjà de son apparence vestimentaire et trouve la mode enfant finalement assez ennuyeuse.

C’est à cette époque qu’elle commence à découper ses looks préférés dans des magazines comme Vogue ou L’Officiel, à “customiser” ses vêtements et à dessiner dans ses cahiers, « un peu comme Guy Degrenne », s’amuse-t-elle.

A nous deux, la mode !

La petite fille devenue adolescente n’a qu’une idée en tête : travailler dans la mode. Elle entre après son bac à l’école Duperré, mais se lasse vite de ces cours généraux. “J’ai rapidement voulu me spécialiser dans la mode », explique-t-elle. Elle choisit d’intégrer la chambre syndicale de la couture parisienne où elle s’épanouit enfin : « J’étais comme un poisson dans l’eau car c’était très axé sur la pratique, et j’étais manuelle à la base. » Après trois années d’apprentissage, elle ressent pourtant l’envie de renouer avec une dimension plus intellectuelle et part aux Etats-Unis, à Philadelphie, apprendre l’anglais et étudier l’histoire de l’art. De cette expérience américaine, elle note : « J’ai acquis une maturité dans la mesure où avant, je n’avais pas le mental pour dire ‘Je veux être créatrice’. J’en rêvais mais tout ne semblait pas possible ».

Les années d’apprentissage

Avant de se lancer dans l’aventure créative, elle débute par des stages et accepte tout : de la manutention chez Dior à la création chez Chanel en passant par l’atelier de retouches chez Nina Ricci, elle ne se met aucune barrière car elle veut tout voir : « Je voulais apprendre comment marchait une maison de couture », toujours dans l’idée de monter la sienne un jour. Elle garde un souvenir parfois amer de ces expériences, certes formatrices mais dures : « Les ateliers sont souvent exclus, c’est un monde ouvrier dans lequel on a parfois l’impression d’être dans du Zola », confie-t-elle. Elle acquiert la conviction, dès cette époque, que « l’atelier doit être au cœur de l’histoire », et c’est ce qu’elle fera plus tard.

Après les stages, l’heure n’est pourtant pas venue pour elle de monter sa propre maison. Elle décide d’ouvrir une boutique Wolford, qu’elle dirigera pendant 4 ans avant de se lancer. Elle n’a jamais parlé de ce passage, mais il est pourtant essentiel tant il lui a permis d’apprendre la gestion d’une entreprise. Pendant ces années, elle n’en oublie pas pour autant la création puisqu’elle aménage un petit atelier en haut de la boutique : « Je faisais des robes de mariée sur-mesure, des robes du soir et très vite, je n’ai plus supporté de descendre dans la boutique. » Elle tiendra cependant deux ans et demi avant de prendre une vendeuse pour se consacrer de plus en plus à sa passion : la création.

La « naissance » d’Anne Valérie Hash

En 2000, alors qu’elle a toujours sa boutique, elle décide, poussée par ses proches, de monter deux défilés pour voir comment ses créations sont perçues. “C’était des défilés de sortie d’école. Si j’avais des commandes, je produisais. J’avais une couturière et faisais le reste », précise-t-elle. Après ces premiers essais, elle finit par se lancer en juillet 2001, au moment des collections haute couture, ce qui lui vaudra quelques explications avec la Fédération française de la couture, qui ne comprend pas son « timing » : « J’ai fait partie de cette première génération qui montrait du prêt-à-porter au moment de la haute couture. »

Un pari gagnant puisqu’elle se fait immédiatement remarquer grâce à son style androgyne et cette manière de « déconstruire » les vêtements, une technique apprise dans les ateliers de Nina Ricci. Quant à la réinterprétation d’un vestiaire d’homme, elle l’analyse aujourd’hui : « C’est tout le vestiaire de mon père, qui avait quitté la maison que j’ai transformé pour moi. C’était une manière de m’approprier ses vêtements, sa vie, de ne pas le quitter. » Sa première collection s’appelle d’ailleurs « fille-mâle », l’histoire d’une petite fille qui se transforme dans des habits d’homme.

Après cette entrée fracassante dans la planète fashion, elle obtient le prix Andam en 2003, qui récompense les nouveaux talents de la mode chaque année : une consécration. Son rêve d’enfant eest enfin exaucé.

La suite, elle l’écrit au rythme de sa vie car, comme elle le dit joliment, « à travers leurs créations, les créateurs racontent très souvent leur propre histoire ». Elle crée ainsi une collection pour les 4-14 ans au moment de la naissance de ses filles, s’amuse à détourner les vêtements de bébé et lance une marque de prêt-à-porter, A.V.H.

Une « pause » pour un nouveau départ

Pourtant, après ces années de conquête, Anne Valérie Hash a désormais envie de faire une « pause » pour se donner le temps d’« écrire une nouvelle histoire ». Ses basiques seront toujours en vente sur son site mais elle veut prendre quelques mois pour repenser son projet car, elle le dit sans ambages, « la mode pour la mode ne m’intéresse plus. Il y a trop de tout ».

L’univers dans lequel elle évolue a aussi beaucoup changé depuis ses débuts : « Sandro, Maje, Zadig & Voltaire sont les nouveaux chantres du luxe », remarque-t-elle. Dans cette configuration, quelle place laisser aux créateurs ? Comment se repositionner dans ce nouveau contexte économique ? Autant de questions que la jeune quadragénaire souhaite aborder pendant cette « pause ».

Elle désire aussi se donner le temps de respirer un peu. « J’étais vraiment essoufflée. Je n’ai jamais lâché et en plus, j’étais dans un schéma d’entreprise très matriarcal. J’étais la maman de tout le monde sauf celle de mes enfants à la maison. » Et d’ajouter : « Avec trois collections à gérer de front, je n’avais plus le temps de penser, même si cela m’arrangeait bien. » Tout est dit.

Dans la nouvelle vie d’Anne Valérie Hash, il y a désormais cette envie de se concentrer sur l’essentiel, « d’être en phase avec ma vie », mais aussi de se sentir libre. Elle cite à cet égard Alaïa : « Il n’est pas rentré dans le moule de la presse, des séries de collections, il faisait ce qu’il voulait. » Ses yeux se perdent en disant cela, elle rêve de cette liberté retrouvée et quand on lui demande comment elle imagine son travail dans le futur, elle reste évasive et dit se laisser six mois pour y réfléchir.

Déconstruire pour mieux reconstruire?  Dans tous les cas, prendre un nouveau départ ici ou ailleurs…

 

Véronique Forge

 

 

 

 

 

 

 

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