Innover ou agoniser, c’est vous qui voyez !

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Pas de place pour l’immobilisme. Innover ou disparaître, voilà le message sans détour de Philippe Boulanger. Dans son dernier ouvrage “Innover ou agoniser, c’est vous qui voyez !” (Ed. Dunod), il décode les ressorts de l’innovation durable et stratégique. Pour Business O Féminin, il partage sa vision, entre lucidité économique et appel à l’audace entrepreneuriale.

L’innovation est le sujet de votre dernier livre, fruit de votre expérience entrepreneuriale et de consultant. Quels sont les éléments fondamentaux qui favorisent l’innovation en entreprise selon vous ?

Philippe Boulanger : Le maintien de l’innovation en entreprise repose sur un écosystème complexe où la vision et la stratégie donnent la direction, la culture et la sécurité psychologique créent un environnement propice, l’expérimentation et l’apprentissage permettent de progresser, et l’implication des talents, soutenue par une communication efficace et des méthodes appropriées, assure la pérennité de la démarche. La capacité à identifier et à surmonter les freins à l’innovation est également un facteur déterminant.

Quel est la nature des freins à l’innovation en entreprise le plus souvent ?

Philippe Boulanger : La nature des freins à l’innovation en entreprise est souvent une combinaison de facteurs liés à la culture (notamment le manque de sécurité psychologique et la résistance au changement), aux dynamiques de pouvoir internes et au manque d’alignement stratégique, ainsi qu’aux peurs et aux biais cognitifs des individus et des équipes. Les positionnements politiques internes et la culture d’entreprise sont pour moi explicitement des catégories majeures d’obstacles.

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Vous parlez au début du livre de créativité. Cela mène t-il nécessairement à l’innovation ?

Innover ou agoniser, c'est vous qui voyez ! - Philippe Boulanger (Ed. Dunod)
Innover ou agoniser, c’est vous qui voyez ! – Philippe Boulanger (Ed. Dunod)

Philippe Boulanger : Pas forcément. La créativité est une étape potentielle pour initier une invention ou une innovation, mais elle ne suffit pas à elle seule. L’innovation nécessite un processus qui va au-delà de la simple idée, incluant la communication, l’expérimentation et nécessairement la mise en œuvre. Autrement dit, une idée créative laissée dans un tiroir ne deviendra jamais une innovation. Parfois même, une idée trop créative est rejetée. C’est pourquoi la communication et le jeu d’expérimentations pour valider une idée créative deviennent alors critiques pour entrer sur le long chemin qui mène à l’innovation.

Vous avez développé le concept d’intelligence innovationnelle, comment le définiriez-vous ?

Philippe Boulanger : L’intelligence innovationnelle® est une marque déposée qui recouvre l’ensemble de mes activités. Concrètement, il s’agit d’une approche systémique et holistique de l’innovation. Elle met l’accent sur l’humain, son vécu, et les interactions au sein de l’entreprise. mais aussi, elle fournit un cadre structuré et des outils pour comprendre, mesurer et améliorer la capacité d’innovation. Le système vise à structurer et à comprendre l’innovation au sein d’une entreprise. Mon approche est basée sur l’expérience et le vécu des individus et des équipes. En somme, cette approche cherche à réconcilier les collaborateurs, les managers et les dirigeants autour d’une compréhension commune de l’innovation.

La vision stratégique du dirigeant est un des piliers dans votre modèle d’innovation. Comment l’articuler vous avec l’intelligence collective ?

Philippe Boulanger : La vision stratégique du dirigeant, dans le cadre du système intelligence innovationnelle®  (SII), donne la direction et le sens à l’innovation. Cependant, son articulation avec l’intelligence collective se fait par une communication claire et continue. Ainsi que par la mise en œuvre de la stratégie par les équipes, par l’intégration des retours d’expérience et des idées issues de l’expérimentation, et par la création d’un environnement de sécurité psychologique qui encourage l’expression et la contribution de tous.

Le quotient intelligence innovationnelle® (QII) permet de mesurer le sentiment collectif et d’identifier les points d’amélioration pour renforcer cette articulation. La vision n’est donc pas un carcan. Mais un cadre qui permet à l’intelligence collective de s’exprimer et de propulser l’innovation dans une direction cohérente avec les objectifs de l’entreprise.

Vous avez voyagé à travers le monde. Ya-t-il des pays qui « nourrissent » plus l’innovation et comment l’expliquez-vous ?

Philippe Boulanger : Les différences culturelles dans l’approche de l’échec et de l’apprentissage est un premier élément de réponse : je dois mentionner la différence fondamentale entre l’approche française (“essai-erreur”) et l’approche anglo-saxonne (“test and learn”). Cette distinction dans l’état d’esprit face à l’expérimentation et à l’échec influence la manière dont l’innovation est abordée et encouragée dans ces cultures. De même, l’importance d’une “culture de la résilience qui prend en compte l’échec” est préférable à une simple “culture de l’échec”.

Un deuxième élément de réponse est l’importance de la diversité et de l’inclusion : chez Apple dans la Silicon Valley, où mon équipe était composée de personnes de différentes nationalités et origines, cette diversité a permis de créer un “creuset d’idées et de pratiques”. J’ai confirmé cette approche en construisant une équipe très diverse chez Sony en Europe. Les pays ou zones géographiques qui permettent une grande liberté d’accueillir cette diversité sont favorisés.

Vous abordez l’IA à la fin du livre. Comment et sous quelles conditions peut-elle nourrir l’innovation ?

Philippe Boulanger : L’IA peut nourrir l’innovation sous certaines conditions et de deux manières principales.

D’une part, en tant qu’innovation de produit ou de service : Si une entreprise crée et commercialise une IA, cela constitue en soi une innovation de produit ou de service. Dans ce cas, tous les processus et méthodes d’innovation habituels s’appliquent.

D’autre part, en tant qu’innovation de procédé : Pour la majorité des entreprises qui utilisent des IA existantes, principalement des IA génératives, celles-ci transforment la manière de réaliser les activités professionnelles et non professionnelles. Si l’IA permet de faire les choses différemment, il s’agit clairement d’une innovation de procédé. L’IA est ainsi vue comme une opportunité majeure de défier le statu quo et de réaliser des innovations de procédé.

Pour que l’IA puisse nourrir l’innovation de manière optimale, j’ai défini l’application des principes du”système intelligence innovationnelle® (SII)” en cinq étapes :
1. Définir l’influence de l’IA sur la vision et la stratégie de l’entreprise.

2. Communiquer clairement et efficacement sur la stratégie IA

3. Créer une équipe d’exploration chargée d’étudier les IA disponibles

4. Déployer et exécuter les solutions IA validées

5. Et finalement mesurer le sentiment des collaborateurs face à l’arrivée de l’IA dans l’organisation.

En suivant ces étapes basées sur le SII, les entreprises peuvent encadrer l’adoption de l’IA de manière à ce qu’elle devienne un véritable moteur d’innovation de procédé. Le tout en gérant les craintes et en favorisant l’engagement des collaborateurs. L’approche itérative, avec une mesure continue du sentiment, permet un apprentissage et une adaptation constants.

Vous êtes conférencier professionnel depuis de nombreuses années et avez fait votre baptême du feu chez Apple en tant que speaker pour une présentation de votre entreprise Easylink dans les années 90. Quels sont vos conseils pour maximiser l’impact auprès du public ?

Philippe Boulanger : Parler en public peut être considéré comme un talent inné par certains. J’ai acquis la conviction que ce talent sans travail de fond est un diamant brut, terne et prêt à prendre de la valeur une fois le travail de coupe réalisé. On ne s’improvise pas conférencier, c’est un vrai métier qu’il faut apprendre. Il faut connaître son public et savoir se mettre à sa portée pour être compris. En tant que conférencier spécialisé sur l’innovation, j’ai choisi d’être congruent, aligné avec mon message. Donc de faire des conférences innovantes.

J’utilise des expérimentations avec le public pour maximiser mon impact et pour ancrer mes messages dans l’esprit des participants. Le meilleur indicateur de l’impact de mes interventions est que mes clients, et les participants de mes conférences, me recommandent systématiquement autour d’eux.

Pour toutes les personnes qui veulent parler en public sans être des professionnels, je recommande d’abord un storytelling bien structuré qui permet aux participants de se projeter dans une histoire bien conçue. Justement, j’ai consacré un chapitre entier de mon livre à cet enjeu : comment construire une présentation qui aide à prendre des décisions.

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