La Wild Code School, l’oasis des profils atypiques

La Wild Code School

Avec près de 15 campus répartis sur tout le territoire, la Wild Code School a formé plusieurs centaines de développeurs depuis son lancement voilà environ 4 ans. Son ADN ? Une formation courte de 5 mois, pas de notes, et une ouverture à tous, sans condition d’âge ni de diplôme. Rencontre avec sa fondatrice Anna Stepanoff, une vraie militante pour le code au féminin.

Vous avez fondé la Wild Code School il y a quatre ans, à peu près en même temps que l’Ecole 42.

Quelles lacunes constatiez-vous en matière de formation dans cet univers ?

Anna Stepanoff : Nous sommes partis du constat qu’il existait une très forte pénurie dans le domaine technique, non seulement pour le métier de développeur, mais plus généralement pour les nouvelles compétences. En 2015, la Commission Européenne estimait à 900 000 le nombre de professionnels du numérique manquants sur le continent. En France, ce chiffre oscillerait entre 10 000 (offres non pourvues par Pôle Emploi) et 40 000. 

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Votre principal pari est de miser sur des formations courtes de 5 mois (deux cycles/an) puisque les connaissances deviennent rapidement obsolètes dans le monde du numérique.

Vous qui avez fait Harvard et l’ENS, ne pensez-vous cependant pas qu’il est aussi important de former des « têtes bien faites » pour leur inculquer une capacité à raisonner ?

Anna Stepanoff : En réalité, je ne prône pas moins d’études, mais plutôt une meilleure répartition des cycles d’apprentissage tout au long de la vie. Moi-même, j’ai adoré commencer par une formation qui m’a ouvert l’esprit, mais je pense que l’on n’est pas obligé de s’enfermer dans une université pour apprendre. On apprend aussi en travaillant. Il est bon de se confronter à la vie professionnelle pour comprendre comment cela fonctionne, puis de continuer à se former tout au long de sa vie, tous les 5 ans par exemple.

Si l’on étudie pendant 5 ou 10 ans, on n’aura ensuite plus envie de se replonger dans les études. Quant au choix des cycles de 5 mois, c’est que cela coïncide avec l’évolution de ces nouveaux métiers puisque l’on estime que le monde change tous les 6 mois environ. Cela nous permet de remettre en question nos apprentissages en permanence. Les étudiants complètent ensuite leur formation par un stage. En revanche, nous observons que le format Bootcamp, sur 9 à 12 semaines, commence à s’étioler car il est trop court et constitue davantage un complément de formation.

Anna Stepanoff

Pensez-vous qu’un jeune qui vient d’avoir le BAC soit prêt à travailler immédiatement après la fin de son stage ?

Anna Stepanoff : Nous expérimentons justement un nouveau format. Il s’agit d’une prépa numérique sur un an dédiée aux personnes qui ne seraient pas prêtes mentalement à aller sur le marché du travail après 5 mois de formation. Cette prépa leur permet d’acquérir au préalable des compétences de base mais aussi de découvrir plusieurs métiers.

Vous proposez une « pédagogie hybride ». Pensez-vous qu’il faille obligatoirement sortir des modes d’enseignement classiques pour former au code ?

Anna Stepanoff : Oui, car déjà, on va forcément utiliser les outils numériques. Je trouve cela dommage que l’on n’utilise pas davantage ces ressources de manière générale dans l’enseignement. Déjà, d’un point de vue administratif, cela nous fait gagner beaucoup de temps (émargement numérique par exemple). Ensuite, plutôt que de répéter leurs cours devant plusieurs classes, les professeurs les diffusent en amont. De ce fait, lorsque les étudiants viennent en classe, ils peuvent immédiatement poser leurs questions pour approfondir le cours.

Ainsi, nous enseignons en 5 mois ce que l’on apprend d’ordinaire en 2 ans. Tout l’enjeu est de trouver le juste équilibre entre le e-learning et le présentiel. Nous avons aussi mis en place une plateforme pédagogique autour de quêtes, avec une partie gamifiée pour rendre l’apprentissage plus ludique. Les élèves ont un livret d’apprentissage et valident un socle commun. Ils peuvent ensuite personnaliser leur formation. Quant à nos enseignants, il s’agit généralement de salariés passionnés qui ont un réel goût pour la transmission.

Vous ne fonctionnez pas avec un système de notes, comment validez-vous les compétences ?

Anna Stepanoff : Nous avons beaucoup réfléchi à cela. Nous proposons une grille comme à l’école maternelle avec des compétences acquises, en cours d’acquisition, ou pas encore acquises. Il y a 10 compétences en tout. L’élève s’auto-évalue, puis c’est au tour du formateur. Le but n’est pas forcément de tout valider. Au quotidien, nous n’utilisons jamais le mot examen. Nous avons beaucoup d’élèves qui ont été traumatisés par le système classique. Nous voulons plutôt montrer à chacun comment s’améliorer.

Les élèves de la Wild Code School

La Wild Code School revendique un taux de femmes plus élevé que la moyenne nationale. Comment faites-vous pour les attirer ?

Anna Stepanoff : Déjà, nous communiquons beaucoup en faisant des portraits de nos anciennes élèves femmes. Nous avons aussi créé une classe 100% féminine composée de femmes demandeurs d’emploi soutenue par la Mairie de Paris. Et puis nous aménageons des conditions favorables pour les femmes à travers un cadre bienveillant. Certaines sont enceintes, d’autres allaitent ! Nous encourageons les femmes, peu importe leur âge.

Cela passe par des choses très concrètes : les élèves se déchaussent avant d’entrer à l’école, comme cela il n’y a plus de talons ni de baskets. Mais il faut dire qu’il est plus facile de recruter des femmes dans les grandes villes (40% à Lyon par exemple). Cela est plus compliqué dans les petites communes. Nous tournons ainsi autour de 25% de femmes à l’échelle nationale. J’aimerais vraiment que nous fassions plus !

Les élèves de la Wild Code School viennent d’horizons très variés : des jeunes en rupture avec le système, de jeunes mères en reconversion… Comment sélectionnez-vous les candidats ?

Anna Stepanoff : Pour nous, il est très important que l’école soit accessible à toute personne, sans condition d’âge ni de diplôme (pas même le Bac). Ce qui compte pour nous, c’est la motivation et les aptitudes. Pour cela, nous invitons chaque élève potentiel à commencer par faire des petits exercices sur notre plateforme. Cela prend entre 10 et 30H de travail. Si la personne réussit, elle est conviée à un entretien dans le but de confirmer ses aptitudes.

Vous entendez former aux métiers de demain, lesquels sont-ils ?

Anna Stepanoff : Le métier de développeur est un socle. Mais nous diversifions notre offre de formation. En septembre, nous allons proposer le métier de Data analyst et de Product manager.

Quel bilan tirez-vous de ces premières années ?

Anna Stepanoff : Nous avons confirmé que notre modèle fonctionne. Plusieurs centaines de nos élèves travaillent en tant que développeur. Notre prochain défi ? Développer notre réseau sur le plan européen, et diversifier notre offre de formation.

@Paojdo

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