We Do Good réinvente le financement des entreprises à impact

We Do Good financement entreprises à impact

Ingénieure diplômée de Polytechnique et HEC, Anaïs Bouchet a choisi de mettre ses compétences au service de l’innovation sociale et environnementale. En parallèle, Co-fondatrice d’erable° et CPTO de WE DO GOOD, elle nous explique pourquoi il est essentiel d’encourager les filles à s’orienter vers les filières scientifiques, comment l’écosystème français des écoles d’ingénieurs freine l’entrepreneuriat, et comment sa start-up révolutionne le financement des projets à impact grâce à la finance en partage de revenus.

Pouvez-vous nous raconter votre parcours et ce qui vous a poussée à faire des études d’ingénieur, malgré la faible représentation des femmes dans ces filières  ?

Anaïs Bouchet : Je viens du sud de la France et j’ai fréquenté des établissements publics. J’ai toujours aimé les mathématiques et j’ai eu la chance d’avoir des professeurs qui ont cru en moi. Grâce à leur soutien personnalisé ils m’ont permis d’accéder aux classes préparatoires puis à aux écoles d’ingénieurs (Supaero puis Polytechnique), alors que personne autour de moi ne suivait ce chemin.

Vous mentionnez le faible nombre de femmes dans ces filières. Qu’est-ce qui explique cette situation ?

Anaïs Bouchet : Ce n’est pas une question de niveau, mais avant tout d’intérêt et de projection. La plupart des jeunes filles ne se projettent pas dans ces métiers. Les modèles féminins sont rares, et dès le lycée, beaucoup s’orientent vers la médecine ou le droit plutôt que vers les sciences techniques. En conséquence, la représentation sociale joue un rôle majeur.

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Vous avez passé 6 mois en échange à Beijing (Pékin) , quelles différences avez-vous observées entre la France et la Chine dans l’éducation des filles en sciences ?

Anaïs Bouchet : Dans certains pays asiatiques, au Moyen-Orient ou au Maghreb, la représentativité des femmes dans les filières scientifiques est beaucoup plus élevée. Dès le plus jeune âge, garçons et filles ont exactement les mêmes chances et la même rigueur scolaire, sans biais silencieux. En revanche, en France, on continue de voir des options ou activités plus « féminines » ou « masculines » dès le collège, et ces stéréotypes freinent les vocations. C’est pourquoi, cette équité dès l’école primaire explique en partie pourquoi les jeunes femmes réussissent mieux à se projeter dans les cursus scientifiques ailleurs qu’en France.

Après vos études, vous avez créé votre entreprise, erable°. Pourtant, vous dites que l’on forme peu à l’entreprise en école d’ingénieur. Qu’est-ce qui vous a motivée ?

Anaïs Bouchet : J’ai constaté que les écoles d’ingénieurs françaises forment très bien techniquement, mais n’enseignent presque rien sur l’entrepreneuriat, le fonctionnement d’une entreprise ou la gestion financière. Par exemple, aux États-Unis, les ingénieurs peuvent très tôt développer leurs projets, créer leur start-up… En France, cette culture est très limitée et la majorité des diplômés sont orientés vers des bureaux d’études industriels, même brillants sur le plan technique.

C’est ce constat qui m’a poussée à créer erable° en 2021. Nous finançons des projets de transition écologique et sociale avec des modèles financiers innovants. Notre produit phare est la finance en partage de revenus : les investisseurs financent une entreprise et reçoivent un pourcentage du chiffre d’affaires sur une durée déterminée. Contrairement aux actions ou aux obligations, ce modèle est flexible et adapté aux jeunes entreprises qui ne sont pas encore profitables.

Comment sélectionnez-vous les projets ?

Anaïs Bouchet :  Nous recevons une trentaine de dossiers par semaine, une moitié vient d’incubateurs et pépinières, une autre directement de porteurs de projets. Ensuite, nos analystes réalisent la modélisation financière et évaluent l’impact environnemental et social. Nous finançons notamment des entreprises qui participent à la revitalisation des territoires et qui génèrent un impact positif, dans la restauration, la santé, le logement, l’éducation… À ce jour, nous avons financé 270 projets et mobilisé plus de 15 000 investisseurs.

La conjoncture actuelle est-elle difficile pour les start-ups à impact ?

Anaïs Bouchet : Oui, beaucoup de projets rencontrent des obstacles économiques et réglementaires. Ainsi, il faut réussir à concilier impact et viabilité économique, ce qui n’est pas simple. L’écosystème et le soutien étatique restent insuffisants pour les jeunes entreprises innovantes à impact.

Enfin, quelles mesures recommanderiez-vous pour encourager plus de femmes à se diriger vers les filières d’ingénieurs ?

Anaïs Bouchet : Trois pistes me semblent essentielles :

1. Montrer des rôles-modèles féminins en recrutant plus de professeures de maths et en invitant régulièrement des chercheuses et entrepreneuses dans les classes.
2. Rendre les maths et la logique incontournables comme passeport pour tous les métiers, et encourager les familles à être exigeantes de la même façon avec leurs filles et leurs garçons.
3. Soutenir l’entrepreneuriat féminin en réservant une part des financements publics (BPI, French Tech) aux entrepreneuses, notamment dans le numérique et la deeptech.

Propos recueillis par Véronique Forge Karibian, fondatrice de Business O Féminin

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