Voyage olfactif avec la fondatrice de la marque Pozzo di Borgo Paris
Dans la petite boutique nichée au cœur du quartier latin, rue de l’Université, flottent des effluves de figues, d’iris, de maquis, autant de senteurs qui nous plongent immédiatement dans le monde de Valentine Pozzo di Borgo. Elle a lancé, au mois de juin, les deux premiers « crus » de sa marque, Pozzo di Borgo Paris, et a l’ambition de développer un arbre « généalogique olfactif » en s’inspirant de personnages de sa famille.
Le parfum en héritage
Les parfums sont son terrain de jeu depuis sa plus tendre enfance. Valentine descend en effet, du côté de sa mère, de la famille Givaudan. Depuis les années soixante, l’entreprise éponyme n’est certes plus dans la famille, mais l’amour du parfum demeure : « J’ai été bercée par le parfum », dit-elle, rêveuse.
Pourtant, chez cette jeune femme déterminée, rien n’était écrit d’avance. Elle ne se sentait aucunement prédestinée à suivre le même chemin au départ : « J’ai fait des études de finance et suis partie travailler en Chine en tant que chef de projet. » C’est là, paradoxalement, que tout commence, quand elle se retrouve à s’occuper de parfums et de cosmétiques : « J’ai appelé ma mère et lui ai dit que c’était sans doute un coup du destin ! »
À la fin de son expérience chinoise, elles décident de fonder toutes les deux Quintessence Paris, une marque de bougies et de parfums d’intérieur, puis viendra Quintessence Lab, la branche marketing olfactif, qui conçoit des parfums d’ambiance pour des marques telles que Piaget, Pierre Frey, Gant…
L’histoire de famille se perpétue ainsi entre mère et fille. Quand on lui demande comment se passe cette collaboration, elle n’hésite pas une seconde : « C’est génial, nous sommes très complémentaires et avons chacune nos secteurs, cela nous permet de partager plein de choses. »
L’entrepreneuriat : une histoire de passion
La création de Quintessence ne se résume pourtant pas à ce clin d’œil du destin. L’histoire est née avant tout d’une passion, non pas pour les parfums, mais pour les chevaux, ou plutôt un cheval, le sien, Clark : « Quintessence est née parce que j’ai eu un cheval avec lequel je faisais de très grandes compétitions. Quand je suis rentrée de Chine, je savais que je ne pourrais pas être libre de continuer si je travaillais dans une grande entreprise. On me l’aurait forcément reproché à un moment donné. » Aujourd’hui, elle travaille beaucoup, mais le retrouve chaque matin, au petit jour, pour s’échapper du monde quelques heures…
Les parfums comme un écho à l’histoire familiale
Avec la marque de parfums Pozzo di Borgo Paris, cette cavalière aguerrie, férue de compétition, s’est lancé un nouveau challenge, monter sa propre marque. Elle avait depuis longtemps l’envie de créer ses parfums, mais a mis du temps à concrétiser ce rêve, car elle souhaitait se distinguer de Quintessence : « L’idée était de créer une marque totalement différente, avec des parfums différents et des horizons différents. »
Son idée : s’inspirer de ses racines et de personnages de sa famille et créer, comme elle le dit joliment, « un arbre généalogique olfactif », un hommage à ses origines Pozzo di Borgo et à la Corse, son pays natal. Pourtant, quoi de plus difficile, quand on vit au milieu de senteurs au quotidien, de trouver celles qui seront justes ? « Cela complexifie la chose, car il y a tellement d’odeurs que l’on aime et que l’on découvre », note-t-elle.
Le premier parfum de la marque est d’ailleurs né de manière accidentelle, comme elle le raconte : « Philippe Bousseton, un parfumeur et ami de la famille depuis longtemps, est venu visiter notre maison de famille en Corse. Deux semaines plus tard, il est revenu en me disant qu’il avait trouvé un parfum qui correspondait à cette maison. » Devant l’assentiment général, ce jus, mélange de maquis et de bois de Russie, devient le premier masculin de la marque et porte la date de naissance d’un illustre ancêtre, le diplomate Carl Andrea Pozzo di Borgo, une évidence pour elle : « Cela devait être lui, c’est lui qui a créé la famille telle que nous la connaissons aujourd’hui. C’est lui qui nous a transmis les valeurs dans lesquelles nous avons été éduqués. »
Diplomate de haut vol, Carl Andrea Pozzo di Borgo est un personnage de roman. Né en Corse, il vécut un peu partout en Europe et notamment en Russie, pays dont il servit les intérêts en tant qu’ambassadeur en France. « 8 mars 1764 », le parfum inspiré de sa vie, puise au cœur de son histoire. Les flacons de la marque sont d’ailleurs encore un clin d’œil puisqu’ils sont directement inspirés des colonnes du palais des Tuileries où il résida. La famille racheta plus tard une partie de la façade pour construire le château de la Punta, la demeure familiale.
La création de « 23 janvier 1984 », le parfum de Valentine, fut en revanche plus compliquée à concevoir, surtout qu’elle avoue ne jamais avoir porté de parfum avant, ou plutôt d’avoir parfois « juste eu envie de se retrouver sans rien, car on passe sa vie au milieu des parfums dans ce métier ». L’élaboration de son jus a donc été complexe, d’autant plus que chacun des parfumeurs sollicités revenaient toujours vers le même thème, l’iris, une fleur qui ne lui correspondait pas selon elle. La parfumeuse, Violaine Colas, trouvera finalement la martingale en mêlant l’iris à la figue pour donner au parfum à la fois sa sensualité, sa fraîcheur et peut-être son mystère, à l’image de son personnage.
Aujourd’hui, la suite reste à écrire, mais les prochains « crus » sont déjà prêts : « J’ai pris une de mes cousines, Mathilde, qui sera le nouveau féminin avec une odeur de rhum et de menthe, et mon arrière-arrière-grand-oncle pour le prochain masculin, avec comme une odeur d’immortelle ». L’immortelle, une fleur jaune si caractéristique du maquis corse : « une senteur si particulière que l’on ne retrouve nulle part ailleurs…», dit-elle avec une pointe de nostalgie qui nous donne envie de découvrir ses autres aventures olfactives à venir…
Adresse:
38 rue de l’Université
75007 Paris
Tel: 00 33 (0) 1 40 39 12 30
