Réussir professionnellement sans renoncer à sa vie : entretien avec Delphine Tordjman

Delphine Tordjman

Réussir, ce n’est pas cocher toutes les cases, c’est apprendre à durer sans s’y perdre. C’est l’un des messages forts que Delphine Tordjman partage dans son livre Réussir sa carrière sans rater sa vie (Ed. Gereso). Coach, formatrice et professeure de yoga, elle accompagne celles et ceux qui veulent conjuguer ambition et bien-être. À travers cet entretien, elle nous livre des pistes essentielles pour construire une réussite qui ne se fait pas au détriment de soi.

Vous êtes journaliste, coach certifiée, formatrice et professeure de yoga. Qu’est-ce qui vous a menée à écrire Réussir sa carrière sans rater sa vie ?

Delphine Tordjman : J’ai écrit ce livre parce que j’ai vu trop de vies se déséquilibrer sous le poids des responsabilités, trop de talents s’épuiser à force de trop donner, trop d’êtres humains oublier qu’ils existent en dehors de leur job. Dans mon métier, j’accompagne des dirigeants brillants, engagés, mais souvent en tension. Ils avancent vite, cochent toutes les cases de la réussite… mais à quel prix ?

Réussir, ce n’est pas juste accumuler les succès, c’est apprendre à durer sans s’y perdre. Mon livre, c’est ma réponse à ça : il s’agit de se réconcilier avec ses ambitions et son bonheur.

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Vous dites que « réussir sa carrière, c’est avant tout trouver sa raison d’être ». Comment aider les femmes à identifier leur propre définition de la réussite ?

Delphine Tordjman : J’ai toujours trouvé que les vraies réussites ne se mesurent pas à travers les yeux des autres. On ne peut pas remplir son cœur avec des objectifs empruntés à la société. La vraie question, c’est : Qu’est-ce qui fait battre votre cœur ? Le coaching, c’est comme un miroir : il permet de se voir sous un autre angle, de se libérer des attentes externes et d’identifier ce qui nous nourrit vraiment. À chaque femme, j’essaie de rappeler que leur raison d’être n’est pas celle qu’on leur impose, mais celle qu’elles choisissent. Et ça, c’est un pouvoir immense.

Dans votre livre, vous expliquez que l’équilibre ne repose pas sur une meilleure gestion du temps, mais sur une meilleure gestion de ses limites. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Réussir sa carrière sans rater sa vie - Delphine Tordjman (Ed. Gereso)
Réussir sa carrière sans rater sa vie – Delphine Tordjman (Ed. Gereso)

Delphine Tordjman : On pense souvent que l’équilibre, c’est une question d’organisation. Mais ce n’est pas en rajoutant des couleurs sur son agenda qu’on retrouve du souffle. L’équilibre, c’est savoir où mettre son énergie et où la préserver.

C’est apprendre à dire non sans culpabiliser, comprendre qu’un emploi du temps bien rempli ne signifie pas une vie bien remplie et ne pas confondre mouvement et progression. Tant qu’on ne pose pas ses propres limites, ce sont les autres qui les dictent. Pour cela, il faut apprendre à écouter le corps. C’est notre meilleur allié. Il nous parle en permanence. La fatigue, l’irritabilité, la faim dite émotionnelle, sont des symptômes d’un manque de temps pour se ressourcer.

Près d’un salarié sur deux est en détresse psychologique. Quels sont les signaux d’alerte qui doivent nous interpeller ? Et comment différencier un engagement professionnel sain d’une addiction au travail ?

Delphine Tordjman : L’addiction au travail est l’une des rares addictions socialement valorisées. On applaudit ceux qui en font toujours plus, ceux qui sacrifient tout pour leur boîte. Mais à quel moment devient-on prisonnier de son propre succès ?

Les signaux d’alerte :

  • Le vide ressenti dès qu’on arrête de travailler.
  • L’incapacité à décrocher, même en week-end ou en vacances.
  • Le corps qui lâche : insomnies, fatigue chronique, douleurs inexpliquées.

La question à se poser est simple : “Mon travail me nourrit-il ou m’épuise-t-il ?“.

Dans mes conférences et séminaires, j’accompagne les équipes à repenser leur engagement et à retrouver une énergie durable.

Vous évoquez les « quatre roues de la vie » (travail, relations, santé, spiritualité). Comment faire un auto-diagnostic pour rééquilibrer ces sphères ?

Delphine Tordjman : Je vois souvent des gens arriver en coaching avec une seule roue qui tourne à toute vitesse : le travail. C’est un peu comme conduire une voiture avec un pneu complètement dégonflé, ça va finir par casser. Si l’une des quatre roues de la vie est négligée, ça finit par se voir.

Alors, je leur pose la question : Est-ce que vous êtes en train de courir après des rêves qui ne sont même pas les vôtres ? Parce que si vous n’avez pas pris le temps de vous arrêter et de regarder, comment savoir si vous êtes vraiment sur le bon chemin ? Il n’y a pas de recette miracle, mais un petit auto-diagnostic tous les six mois peut faire des miracles. Et surtout, être honnête avec soi-même.

Pour une entrepreneure ou une cadre très investie, comment apprendre à lâcher prise sans avoir le sentiment de perdre en performance ?

Delphine Tordjman : Lâcher prise, ce n’est pas renoncer, c’est changer de posture intérieure. C’est comprendre que le leadership ne se mesure pas à l’épuisement, apprendre à alterner intensité et récupération ; et oser ralentir pour mieux durer.

Un bon leader ne tire pas sur la corde jusqu’à ce qu’elle casse. Il sait quand accélérer et quand recharger ses batteries.

Le lâcher-prise, c’est savoir quand dire non à une opportunité pour ne pas dire oui à l’épuisement. C’est un art, vraiment. C’est en prenant soin de soi qu’on devient un meilleur leader, pas en se sacrifiant. À un moment donné, il faut se dire : Est-ce que je suis en train de vivre ou simplement de survivre ?

À quoi ressemble aujourd’hui une journée idéale pour vous, entre travail et bien-être ?

Delphine Tordjman : Une journée où je peux transmettre, inspirer, bouger, respirer. Où je ne suis pas en train de courir après quelque chose qui ne me nourrit plus. L’essentiel, ce n’est pas la perfection, c’est la conscience qu’on met dans chaque instant. Parce que si on perd le sens du moment présent, on perd tout.

Si vous deviez donner un seul conseil à celles qui courent après la réussite professionnelle, quel serait-il ?

Delphine Tordjman : Ne confondez pas urgence et importance. Le vrai luxe, c’est de choisir ce qui mérite vraiment notre énergie. Ne vous perdez pas dans la course. Parce que quand vous regardez en arrière, vous ne regretterez pas de ne pas avoir eu un gros salaire ou un titre. Vous regretterez de n’avoir pas pris le temps d’écouter vos proches, de ne pas avoir respiré, de ne pas avoir pris soin de vous. Réussir, c’est savoir quand avancer et quand s’arrêter. La réussite n’est pas un sprint, c’est une danse.

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