Pourquoi gagne-t-on à accepter sa vulnérabilité ?

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Avec l’ouvrage Vulnérable, Camille Sfez, psychologue clinicienne, formatrice, pionnière des cercles de femmes en France, livre tout à la fois une réflexion sur la fragilité et une puissante introspection. En acceptant de laisser la vulnérabilité « nous traverser », accédons désormais à plus de sensibilité, de liberté, d’émerveillement et de spiritualité. Rencontre avec l’autrice.

Pouvez-vous nous raconter la genèse du livre Vulnérable ?

Le projet a démarré de plusieurs manières. Je vis cette vulnérabilité dans mon couple, pendant un an et j’en suis assez ébranlée. Je réalise alors que j’ai envie d’écrire sur ce sujet. Il m’intéresse et est déjà présent dans les cercles de femmes que j’anime, mais en le vivant je me rends compte que j’ai envie de l’explorer. Il y a donc une recherche intellectuelle, une enquête sur la vulnérabilité parce que j’ai envie de réhabiliter cette notion. Mais en commençant la rédaction, je prends conscience que je ne peux pas en parler seulement d’un point de vue extérieur. Et que l’histoire que je dois raconter est celle de mon arrière grand-mère, Madeleine. Dans ma famille, les choses se répétaient de génération en génération et cela a fait d’un coup sens pour moi de libérer cet héritage.

Vous parlez des cercles de femmes et justement vous démontrez dans votre livre combien il est important aussi que la personne qui se montre vulnérable soit entourée. Quel est le rôle des autres dans la vulnérabilité ?

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C’est très précieux d’avoir un espace sécurisant pour partager sa vulnérabilité. Avec la pratique régulière des cercles, j’ai fait l’expérience que cette vulnérabilité peut être accueillie, que les gens ne vont pas me regarder différemment ou s’en servir contre moi. Face à quelqu’un qui dévoile sa vulnérabilité, on a envie de réagir. On prend la mesure du cadeau que l’autre nous fait. Et en voulant l’honorer, on a envie de se montrer à la hauteur. Pour cela, on se sent obligé de faire des choses : consoler, rassurer, donner des conseils… On croit qu’on fait bien, mais en réalité ces réactions sont inutiles, voire contre-productives. Face à cette vulnérabilité, il n’y a rien d’autre à faire finalement que d’être le témoin, d’être dans l’écoute. Il n’y a pas besoin de plus. Car si je suis capable de tenir face à cet autre qui s’écroule devant moi, sans avoir envie de le sauver, alors je suis capable de contenir ma propre fragilité.

Votre livre fait l’éloge de la vulnérabilité, mais qu’est-ce qu’on en tire à l’accepter ?

Tout d’abord, l’objectif n’est pas en tirer très vite quelque chose. Car si on veut la transformer trop vite en force, on ne la vit pas pleinement. Quand je la traverse, je n’en fais rien, je ne gagne rien sur le moment. Mais si je m’autorise vraiment à la vivre, il va y avoir un point de passage, de bascule : je me laisse traverser par elle. C’est vraiment un processus d’apprendre à s’en remettre, d’ouvrir notre sensibilité, de retrouver une profondeur dans le lien à l’autre en ayant le courage de se montrer tel que l’on est. Et dans le fait de se laisser traverser, il y a aussi quelque chose de spirituel. En rejetant notre fragilité, on a aussi rejeté l’opportunité de faire alliance avec quelque chose de plus grand que nous. Et d’accepter le fait que l’on ne peut pas tout maîtriser.

Dans le livre, vous dites cette phrase que je trouve très belle : « Réjouissez-vous, consentir à la nuit à quelque chose d’apaisant ».

Oui, car avant de consentir en général, on lutte. On ne veut pas que ça s’écroule. On ne veut pas se laisser déborder. Et parfois, bien sûr, il est nécessaire de lutter. Mais il y a un moment, quand on abandonne, on prend aussi la mesure de l’illusion dans laquelle on était. « Si je fais plus d’efforts, il va continuer à m’aimer », « Si je fais plus d’efforts, je vais atteindre mon objectif », « Si je fais plus d’efforts, je suis quelqu’un d’heureux »…

Que vous a apporté la rédaction de ce livre, notamment le fait d’écrire sur les femmes de votre famille ?

Il y a plusieurs choses. Tout d’abord je suis très contente de partager ces histoires. Cela a été un processus créatif très intense. Puis en partageant l’histoire de Madeleine, j’ai eu la sensation d’être cette femme, d’être cette ancêtre. Et cela a changé ma conception de la vie. Il y a quelque chose de vertigineux qui reste encore à creuser. Cela me donne encore et encore envie d’explorer ces lignes du temps qui sont si vastes.

Vulnérable, S’émerveiller d’une sensibilité retrouvée, Camille Sfez, Editions Leduc
(c) photo : Baptiste Hauville

Vanina Denizot

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