Parentalité en entreprise : comment faire bouger les choses ?

parentalité en entreprise

Concilier vie familiale et vie professionnelle est souvent un challenge. Si les entreprises ont leur part à faire, chaque collaborateur.trice peut aussi œuvrer à son échelle. Entretien avec Tiphaine Mayolle, consultante en parentalité et équilibre des vies en entreprise, et auteure de « La parentalité en entreprise expliquée à mon boss », paru aux éditions Kawa.

Parentalité en entreprise : comment faire bouger les choses ?

Pourquoi avoir écrit ce livre ?

L’idée c’était de rassembler des acteurs déjà convaincus pour montrer en quoi le fait de s’occuper de sa politique familiale pouvait être bénéfique pour les collaborateurs. Mais aussi pour l’entreprise. Je voulais également inviter chaque salarié.e à être acteur de sa propre conciliation des vies professionnelle et personnelle. De mon point de vue, la parentalité dans l’entreprise, ce n’est pas seulement la responsabilité de l’entreprise. C’est aussi celle de chaque salarié.e.

Quels sont les nouveaux défis à relever pour y parvenir et qui sont plébiscités par les parents ?

Guide Dev Persot

Il ne faut pas faire de généralités mais on voit des grandes tendances. Souvent quand on parle de parentalité en entreprise, on pense aux services qui sont proposés aux collaborateurs comme la crèche en entreprise. Aujourd’hui, quand on veut engager une transformation de sa politique familiale, il faut certes prendre en compte les services mais aussi l’organisation du travail, à quel point l’entreprise permet la flexibilité qui est propice à la conciliation des vies, le style de management… Quelle est l’expérience de la salariée lorsqu’elle annonce sa grossesse ? Comment l’entreprise accompagne la prise des congés familiaux et leur retour ? A quel point on communique sur cette politique familiale ? Comment les managers incarnent cette politique et se l’appliquent à eux-mêmes…

Comment les entreprises doivent-elles s’y prendre pour favoriser la parentalité au sein de leurs murs ?

Il n’y a pas une recette miracle. Le point de départ, c’est de se demander de quoi leurs collaborateurs ont besoins ? Est-ce qu’on les a questionnés à ce sujet ? Et à partir de ces besoins, comment répondre aux enjeux de l’entreprise en matière d’égalité professionnelle, de qualité de vie au travail et de recrutement ?

Dans votre ouvrage, vous citez quatre obstacles à la conciliation de la vie professionnelle et la vie personnelle : la rigidité du travail, la porosité des temps de vie, le manque de temps et problème de garde d’enfant. Comment les dépasser ?

J’aspire à un modèle où ce n’est pas tout l’un ou tout l’autre. Or aujourd’hui, on a encore beaucoup le schéma classique. Soit on travaille, soit on est au foyer. Les 4/5ème sont difficiles à trouver ou alors on risque d’être catégorisé comme pas carriériste… L’idée c’est que la société se transforme progressivement pour qu’il y ait des postes qui permettent cette conciliation des vies. On a tous des périodes où l’on va être plus au travail ou à la maison, notamment lors d’un congé maternité ou paternité.

Mais le quotidien doit permettre cette conciliation des vies. Bien sûr, une infirmière qui travaille de nuit ne va pas avoir les mêmes possibilités qu’un cadre qui travaille dans un bureau. L’entreprise doit prendre en compte ces contraintes métiers tout en offrant un maximum de flexibilité. Ensuite, c’est à chaque salarié de se demander de quoi il a envie et besoin. Ce qui est essentiel pour lui. Certains seront heureux de travailler la nuit pour avoir du temps en journée avec leurs enfants et d’autres pas du tout. Chacun doit choisir son terreau.

Une fois ses propres objectifs fixés, que peut-on faire pour changer les choses et faire évoluer les mentalités ?

On peut parler de parentalité dans son entreprise et l’affirmer. Par exemple quand on annonce sa grossesse, est-ce qu’on l’annonce sur la pointe des pieds en s’excusant ou bien est-ce qu’on l’annonce en ayant de l’assurance, en disant que l’on comprend que ça nécessite une organisation, on peut préparer son congé, dire ce que l’on aimerait… et pas attendre que l’entreprise planifie tout. Ces choses sont possibles ou pas mais au moins on communique sur ses envies.

De la même manière, si l’on a une envie de 4/5ème, que fait-on ? On se tait de peur d’être mis.e au placard ou bien on le demande en trouvant en amont une manière de s’organiser pour que l’entreprise soit le moins impactée possible par ce changement d’horaire. Quand un collaborateur parle, ça libère la parole pour les autres. On se rejoint tous un peu sur nos aspirations. On souhaite avoir un boulot intéressant qui nous fasse évoluer tout en étant là pour nos enfants et les moments importants en famille. Même si l’on n’obtient pas tout de suite gain de cause, d’autres pourront demander et, avec le temps, peut-être que des mesures seront mises en place pour assouvir cette envie.

Comment les dirigeants ou managers peuvent-ils favoriser cette transformation ?

Souvent, les dirigeants ou managers s’interrogent sur ce qu’ils peuvent mettre en place, combien ça va coûter… Certaines mesures peuvent s’instaurer rapidement dans l’entreprise comme des conférences sur la parentalité, l’organisation d’une journée pour les enfants dans l’entreprise… D’autres mesures sont des transformations culturelles qui prennent plus de temps. Ce que je trouve le plus parlant, c’est quand les dirigeants ou managers s’autorisent et communiquent sur la manière dont eux-mêmes gèrent cet équilibre. Quand ils disent qu’ils partent plus tôt de temps en temps pour chercher leur enfant à l’école, quand ils prennent leur congé paternité ou maternité. Toutes ces initiatives, l’incarnation, l’exemplarité envoient des signaux bien plus forts que d’organiser un événement pour les parents.

D’ailleurs, certaines entreprises que j’ai accompagnées me disaient qu’elles n’avaient pas de politique familiale, de mesures, de services et ne se sentaient pas très douées dans le domaine. Mais quand on interroge les collaborateurs sur leur satisfaction quant à cette conciliation de vies, on a un très bon retour. Tout ne passe pas par des mesures mais par un style de management, une atmosphère, une culture d’entreprise qui permet d’être parent. A contrario, d’autres entreprises mettent en avant leurs services. Mais il y a tellement de charge de travail et de pression, qu’au final les collaborateurs ne s’y retrouvent pas.

En quoi cet équilibre est fondamental et devrait être mieux soutenu par les entreprises ?

Pour se motiver à agir, l’entreprise doit partir de ses besoins. Il y a par exemple des enjeux de recrutement dans des secteurs où la main d’œuvre féminine est rare et où il faut une politique familiale plus forte. L’entreprise peut aussi avoir besoin de donner plus de responsabilités à ses talents, or beaucoup renoncent à des postes de peur de moins voir leurs enfants… S’engager dans une politique familiale forte, c’est faciliter le recrutement, la rétention et la fidélisation des talents… Il y a aussi des enjeux d’égalité professionnelle.

Différentes études montrent que la naissance d’un enfant impacte le salaire et favorise les inégalités salariales et globalement l’égalité professionnelle. Beaucoup d’entreprises s’intéressent à la parentalité en entreprise par ce biais là justement. La conciliation des vies est aussi en lien avec la qualité de vie au travail (QVT). Et puis, il y a aussi un retour sur investissement pour ces entreprises. Un collaborateur qui a cette conciliation des vies, qui se sent considéré, en confiance, responsabilisé, aura envie de s’investir pour cette entreprise. Tous les parents qui témoignent dans mon livre d’une entreprise qui était aidante, étaient hyper engagés envers elle.

Dorothée Blancheton

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