La rhétorique : l’art de bien parler

La rhétorique

Parlons peu mais parlons bien. Discipline séculaire, la rhétorique se veut art d’éloquence et ou de persuasion. Parce qu’elle s’invite de plus en plus dans l’univers du business nous avons voulu en savoir plus. Décryptage…

La rhétorique, sa définition et son histoire 

La rhétorique est à la fois la science et l’art de l’action du discours sur les esprits. Elle s’apparente à une technique, un art oratoire. Ceci étant dit, sa définition n’a eu de cesse au cours des siècles de faire polémique faisant face à des conceptions antagonistes :

  • La définition d’origine sophistique, selon laquelle la rhétorique est l’art de la persuasion. Bien que propagée par les sophistes comme Gorgias, il s’agit de la conception héritée d’Aristote qui se poursuit avec Quintilien et Cicéron et qui la définit comme « la faculté de considérer, pour chaque question, ce qui peut être propre à persuader ».
  • La définition d’origine stoïcienne suppose qu’elle est l’art de bien discourir et bien écrire « bene dicendi scientia », l’art d’éloquence. Elle requiert une bonne moralité et se rapproche en cela d’une représentation de la sagesse.
Guide Dev Persot

Socrate et Platon quant à eux s’opposent par éthique à la rhétorique qu’ils jugent manipulatoire, supposant que si la discipline vise à persuader, elle s’oppose par essence à la notion fondamentale de vérité.

De la fin de l’Antiquité jusqu’au milieu du XXème siècle, la rhétorique se restreint à l’étude des figures stylistiques.

Aristote

L’art de la persuasion et son tryptique

Aristote a érigé les rouages de l’argumentation autour de trois notions centrales :

  • L’Ethos (crédibilité) : faisant référence au caractère, à la prestance, l’éthique et à la force de conviction de l’orateur, destinés à séduire et produire une impression favorable sur son public en soutenant sa réputation, donc sa légitimité et sa crédibilité. Le ton et le style du message en seront la clé. C’est en somme le travail sur l’image de soi.
  • Le Pathos (émotion) : centré sur l’auditoire vise à émouvoir, agir sur l’imaginaire et le désir du public pour les attirer dans le sujet.
  • Le Logos (logique) : définit le discours apte à persuader en utilisant la logique, le raisonnement, la preuve et les faits pour soutenir un argument et fait appel au côté le plus rationnel de l’esprit du public.

Les canons de la rhétorique 

Selon une méthodologie mise en place par les philosophes grecs et romains, cinq canons composent la mise en œuvre de la rhétorique :

  • L’invention (« Inventio ») : vise à trouver des arguments, des idées et des procédés pour convaincre.
  • La disposition (« Dispositio ») : désigne la mise en ordre efficace des arguments dans l’intervention et le discours respectant une progression logique pour une persuasion maximale. On pourrait résumer ça à introduction, développement, conclusion.
  • L’élocution (« Elocutio ») : c’est l’art de trouver des mots qui mettent en valeur un discours ou des écrits à travers des figures de style, la syntaxe et l’utilisation des images (métaphores, comparaisons). C’est ce que nous appelons aujourd’hui « le style ».
  • L’action (« actio ») : s’attache à la mise en scène à travers la gestuelle, la diction, et la prononciation afin d’incarner sa parole de manière éloquente. Elle est essentielle pour rendre le discours vivant, susciter et maintenir l’attention de l’auditoire.

De moins en moins utilisée, la mémoire (« Memoria ») : brigue les procédés pour mémoriser son discours en s’aidant de moyens mnémotechniques.


Et en entreprise ?

Il peut être intéressant, dans le cadre de l’entreprise et du management, de savoir comment un leader arrive à ses fins par la parole seule. Contrairement à l’éloquence, qui est chose instinctive et naturelle, la rhétorique est une technique qui s’acquiert. C’est là que Magic Rhetoric entre en scène. Une nouvelle start-up, née du besoin de formation, coachings et conseils en communication persuasive. Destinée aux professionnels de la persuasion ou non, à ceux qui ont du bagout ou pas, qui souhaitent s’initier ou se perfectionner dans l’art de persuader par les mots. On y aborde bien sûr l’art et les techniques de la persuasion, la rhétorique sous toutes ses formes, le pouvoir de la parole, l’art du storytelling, l’éloquence et la prise de parole en public

Entrepreneur, salarié, indépendant, vendeur, procureur ou avocat, communiquant ou chef d’entreprise… chacun joue une partie de sa réussite professionnelle sur sa capacité à faire passer ses idées et à se vendre lui-même », assène Maître Guillaume Teboul, avocat pénaliste et initiateur de Magic Rhétoric.

La prise de parole est un exercice tétanisant et peut conduire à l’échec de l’idée la plus ingénue par manque de connaissance pour certains n’ayant ni l’expérience, ni les codes de techniques persuasives. Pour pallier à ce scénario, il est fondamental d’acquérir une bonne préparation à la méthodologie persuasive.

Quelques tips pour mieux convaincre et orienter son discours

Un pitch, une présentation, une keynote, une vente, un discours, un entretien d’embauche, tous sont des exercices identiques la plaidoirie. À l’instar d’un avocat, ne dépassez jamais les 18 minutes : temps imparti pour capter l’attention. On comprend, dès lors, que la pérennité et le succès d’un projet peuvent se jouer sur un moment crucial.

Pour tout pitch, c’est la réflexion sur l’auditoire qui s’avère être la notion capitale. Cela détermine le cadrage du message et son contexte. Pour exemples Maître Teboul fait le distinguo :

Un pitch destiné aux clients (du BtoB au BtoC) :

Vise à transporter les gens à travers l’imaginaire, l’émotion (ressorts du pathos) pour conduire à un cadrage en termes d’expérience. Ici le mot transporter n’est pas anodin. Il fait sens étymologiquement (movere en latin) au sens premier du terme mais peut aussi signifier émouvoir.

Dans un pitch destiné aux investisseurs :

C’est l’ethos qui est prépondérant. Le but étant de transporter les investisseurs dans l’avenir à travers un potentiel pour leur faire gagner de l’argent. C’est insister sur l’état du marché : en invoquant le pourquoi moi et pourquoi c’est le moment ?

La persuasion se concentre sur plusieurs types de discours :

  • Attaquer, défendre (judiciaire) qu’est ce qui est juste et injuste
  • Dissuader, exhorter (délibératif ou politique) qu’est ce qui est utile et inutile
  • Louer, blâmer (discours épidictique ou démonstratif) qu’est ce qui est beau et laid
Maître Guillaume Teboul, avocat pénaliste et fondateur de Magic Rhetoric

L’art de s’imprégner des fondements :

« Aujourd’hui la persuasion est partout, dans monde des affaires comme dans celui des prétoires, dans l’entreprise et dans les médias. Discours, lobbying, marketing, publicité, levée de fonds : tous ces exercices désormais si communs sont totalement irrigués par la Rhétorique », martèle Maître Teboul. Pourtant force est de constater, que la discipline séculaire est totalement absente, ou presque, de notre cursus scolaire et universitaire français, y compris dans la formation de ceux qui, avocats, commerciaux, élus, journalistes, lobbyistes, seront amenés à dédier leur vie à persuader les autres.

Il est vrai que nombreux best-sellers traitant de psychologie de la persuasion et de prise de parole en public, souvent venus d’outre-Atlantique, sont disponibles en librairie et sur Internet. Si certains se révèlent particulièrement intéressants en théorie, ils s’avèrent pourtant le plus souvent impossibles à mettre en pratique. Et leur approche très anglo-saxonne fait systématiquement passer le travail sur les mots et la production d’arguments au second plan ; il s’agit pourtant du cœur de la communication persuasive.

Par ailleurs, on constate que l’art oratoire fait son retour en force sous la forme de concours d’éloquence, qui ne sont plus l’apanage des jeunes avocats étant, désormais, organisés dans la plupart des grandes écoles et des universités.

L’éloquence, à titre de spectacle, peut être enchanteresse, certes, mais il ne s’agit pas encore de Rhétorique. L’art oratoire est absolument nécessaire mais insuffisant pour persuader et se voit difficilement applicable au monde des affaires et au discours commercial.

Quelques ouvrages restent des incontournables comme :

  • Introduction à la rhétorique d’Olivier Reboul
  • Traité de l’argumentation de Chaïm Perelman ou l’Empire Rhétorique du même auteur

Ouvrages académiques :

  • Rhétorique d’Aristote
  • Institution oratoire de Quintilien
  • De l’orateur et de L’art Oratoire de Cicéron
  • Principia Rhetorica de Michel Meyer
  • La fonction persuasive de Frédérique Danblon
  • Argumentation dans le discours de Ruth Amossy
  • Le traité du sublime de Pseudo-Longin

Une curiosité :

  • L’Art d’avoir toujours raison de Schopenhauer, utile aux businessmans et figures politiques.
  • Briller à l’oral pour les nuls de Charles Haroche
  • La rhétorique aujourd’hui, d’Alexandre Motulsky-Falardeau retrace les principes de l’argumentation dans notre société régie par la communication, la publicité et les médias.

Côte business :

  • Parler en public (Talks like teds) de Chris Anderson
  • L’art du pitch d’Oren Klaff
  • Convainquez qui vous voudrez de Daniel Pink
  • Influence et manipulation et Pré-suasion de Robert Cialdini
  • Devenez un as de la persuasion de Noah Goldstein, Steve Martin et Robert Cialdini

Storytelling :

  • The elements of persuasion de Richard Maxwell et Robert Dickman
  • Save the Cat de Blake Snyder
  LA RHETORIQUE EN QUELQUES NOTIONS CLES
Concepts et notions Généralités : Argumentation – Débat- Discours – Éloquence – Figure de rhétorique- Joute oratoire – Figure de style Étude : Analyse du discours – Logique et Raisonnement – Dialectique – Sophisme-Syllogisme Histoire : Art de Mémoire – Éristique – Ethos-Pathos-Logos
Orateurs et rhéteurs Gorgias – Protagoras – Aristote – Cicéron- Isocrate -Quintilien -Démosthène-Hermogène de Tarse- Eumène – Denys d’Halicarnasse – Pseudo-Longin  
Domaines de la rhétorique Discours épidictique – Discours délibératif – Discours judiciaire – Rhétorique politique – Rhétorique sacrée – Rhétorique sémitique – Propagande
Courants théoriques et professeurs de rhétorique Rhétorique et littérature : 
Gérard Genette – Georges Molinié – Henri Morier – groupe µ 
Rhétorique générale Sémiologie : Roland Barthes – Jacques Durand  
Pragmatique : Oswald Ducrot – Chaïm Perelman – Traité de l’argumentation : la nouvelle rhétorique – Michel Meyer  Logique formelle : Ludwig Wittgenstein – Bertrand Russell – Ivor Armstrong Richards – Kenneth Burke – Olivier Reboul 
Philosophie du langage : Paul Ricœur – La Métaphore vive – Jacques Derrida 
Société et rhétorique : Marc Angenot – Jean-Jacques Robrieux – Philippe-Joseph Salazar -Joëlle Gardes-Tamine – Frances Yates – Marc Fumaroli – Barbara Cassin

Par Stéphanie Laskar-Reich

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