Clara Blocman (Ysé) : « Avec ma lingerie, je veux représenter la femme vraie »

Clara Blocman, fondatrice d'Ysé
Lancée il y a 7 ans, la marque de lingerie Ysé s’est imposée dans l’armoire des femmes désireuses de sublimer leurs formes au naturel, loin des clichés mettant en scène des mannequins à la poitrine plantureuse. Sa fondatrice Clara Blocman revient sur un parcours parfois semé d’embuches mais dans lequel l’intuition a été l’un des moteurs de son succès.

D’où vous vient la fibre entrepreneuriale ?

Clara Blocman : On peut dire que c’est de famille car mon grand-père, dont j’étais très proche, était entrepreneur lui-aussi. Il m’a transmis la culture du travail mais aussi le goût de l’indépendance. J’ai grandi à Paris et ai développé une vraie sensibilité à l’image et la culture, mais mes parents n’évoluaient pas dans le milieu de la mode. Quand je me suis lancée dans mes études à HEC, je n’avais pas vraiment une idée précise de ce que je voulais faire, et ma dernière année en Australie m’a permis de ne pas me lancer dans le tourbillon des candidatures. C’est là que je me suis dit que c’était le moment de créer ma propre entreprise, car la prise de risques était minime.

Que diriez-vous aujourd’hui à cette jeune femme de 23 ans que vous étiez ?

Clara Blocman : D’écouter son envie profonde, de faire preuve de patience et persévérance. J’ai beaucoup hésité, j’ai eu très peur. Et ces craintes n’étaient pas injustifiées : le démarrage n’a pas été un long fleuve tranquille, mais je suis heureuse d’avoir pris ce risque.

Pourquoi avoir eu envie d’entreprendre dans la lingerie ?

Clara Blocman : Je suis partie du constat que le marché de la lingerie diffusait des visuels de femmes au physique plantureux dans lesquels je ne me reconnaissais pas. J’avais une petite poitrine et les marques me proposaient de la pusher alors que je voulais un simple soutien-gorge sans rembourrage. Je rêvais de visuels promulguant une féminité naturelle, assumée. Clairement, je ne connaissais rien à ce milieu qui est sans doute l’un des plus difficiles dans la mode car il est très technique. Il faut beaucoup de fournitures pour constituer un soutien-gorge, et beaucoup de mise au point. La moindre composante est complexe à sourcer.

Mini Guide Entrepreneuriat

Vous avez décidé de communiquer cette année à travers votre campagne Intimité : elle met en scène des femmes avec leurs blessures, leurs doutes ?

Clara Blocman : Cette année, Ysé fête ses 7 ans et cette démarche est vraiment au cœur de notre ADN. Ysé est une marque créée par une femme pour des femmes avec cette envie de porter un regard bienveillant sur leur corps, de voir la beauté telle qu’elle est. Nous sommes précurseurs dans notre manière de représenter la femme dans nos supports de communication. Nos clientes nous disent que ces images sont réconfortantes et porteuses de confiance en soi.

Campagne Intimité, Ysé

Comment avez-vous fait grossir la boîte au fil des années : levée de fonds ou croissance organique ?

Clara Blocman : Nous avons tout d’abord levé des petits montants auprès de petits business angels. Au total : 1 million d’euros en 5 fois pour financer la production. J’ai été assez prudente dans cette étape et je dois avouer que je ne l’ai pas du tout aimée ! Beaucoup de business angels n’étaient pas encore prêts à financer une marque comme la mienne, qui plus est dans la lingerie digitale. Il y avait donc beaucoup de réticences jusqu’à ce que nous atteignons la rentabilité au bout de 3 ans. Personnellement, j’aurais aimé que nous y parvenions plus tôt. Avec mon associée initiale, nous n’avions pas de chômage et nous versions un tout petit salaire. En 2016, il y a eu un essoufflement et mon associée a préféré se retirer, ce que j’ai parfaitement compris. J’ai été prise entre une sensation de risque mais aussi d’opportunité. Je me suis alors fixée d’arriver à l’équilibre en un an, et c’est ce qui s’est passé.

Quelles ont été vos plus grandes embûches ?

Clara Blocman : Le démarrage. Le produit est très technique avec des contraintes industrielles fortes. Il n’a pas été facile de gagner la confiance des fournisseurs et peu d’usines produisent de la lingerie. C’est un tout petit milieu où tout le monde se connaît ! Au départ, je commandais de toutes petites quantités ce qui était compliqué pour eux, mais maintenant, ils nous font confiance et nous avons une vraie relation de partenaires.

Campagne Intimité, Ysé

Avez-vous eu un mentor ?

Clara Blocman : Non, pas contre je suis très entourée personnellement entre mon mari, ma famille et mes amis. De plus, à partir de 2017, j’ai pu constituer une petite équipe avec laquelle je partage mes certitudes et mes doutes. Nous sommes une dizaine au bureau et le restant en boutiques. Au total, j’ai une vingtaine de salariés.

Vous demeurez toujours « digital first » ?

Clara Blocman : On a démarré sur le digital et cela reste notre principal canal de vente et de communication. Mais j’ai souhaité aussi avoir des relais physiques plus expérientiels, car la valeur conseil est essentielle dans la lingerie. Beaucoup de boutiques sont très impersonnelles, de mon côté, je voulais vraiment qu’il y ait un côté intime, presque amical. Que chacune se sente accueillie et à l’aise pour essayer sa lingerie car parfois cela peut avoir un côté intimidant.

Côté production, comment assurez-vous des prix raisonnables ?

Clara Blocman : Nous voulons proposer de la qualité au prix juste. Notre sourcing tâche d’avoir le moins d’empreinte écologique avec des matières nobles comme de la dentelle de Calais, de la microfibre italienne ou du tulle brodé suisse. L’assemblage est fait au Maroc et en Tunisie dans des usines au savoir-faire très moderne et respectant de vraies valeurs humaines. Elles forment notamment les femmes au métier de corsetière. Cela me permet de proposer des soutiens-gorge de qualité entre 40 et 65 euros. J’avais envisagé de produire en France mais malheureusement, je ne pourrais pas proposer de tels prix aux clientes.

Vos inspirations pour créer ?

Clara Blocman : Elles sont très culturelles : peinture, photo, littérature…. Toutes nos pièces portent un nom de poème ou de roman. Du coup, je pense que cela génère une vraie poésie de la féminité.

Comment analysez-vous aujourd’hui votre succès ?

Clara Blocman : L’un des piliers est que j’ai toujours fait les choses en restant fidèle à mes intuitions, ce qui apporte une certaine authenticité dans le discours et les services d’Ysé. Nos clientes nous disent que c’est une force. Et puis il y a bien sûr cette volonté de représenter la femme vraie dans toute sa splendeur, avec ses courbes et ses imperfections, ce qui a permis de susciter un sentiment d’adhésion fort.

Paulina Jonquères d’Oriola

https://www.yse-paris.com/fr/

Vous aimerez aussi :

Tania Heath : avec ses talons amovibles, elle fait courir les working girls

Hummade : le mag de la mode libre et durable

Audrey Laure Berganthal : des robots pour l’industrie de la mode

0
    0
    Votre panier
    Votre panier est vide