Elle a su remettre la lingerie au goût du jour. Son style est inclassable, sa silhouette et son ombre sont connues de toutes et de tous. Chantal Thomass nous reçoit et se livre dans son boudoir de la rue Saint-Honoré à Paris.
Comment est née cette passion de la mode et de la création ?
Chantal Thomass : Je ne trouvais pas ce qui me plaisait dans le commerce, c’est la raison pour laquelle je me suis mise à créer. Par ailleurs, c’est ma mère couturière qui me faisait mes robes de fête quand j’étais petite. Elle y mettait plein de volants, cela a dû me donner le goût de la fanfreluche.
Plus tard, vers 16-18 ans, j’ai voulu m’habiller avec un style particulier et être la plus extravagante possible afin de me faire remarquer. C’est encore ma mère qui me faisait mes vêtements.
Dans les années 60, la mode était encore synonyme de haute couture, il n’y avait rien pour les jeunes filles de 20 ans. La fin des années 60 a vraiment été le démarrage de la mode pour les jeunes.
En 1967, à 18 ans seulement, vous créez la marque de prêt-à-porter Ter et Bantine. Parlez-nous de cette marque : quelles étaient vos ambitions ?
Chantal Thomass : J’ai juste fait une école de dessin. En sortant, ma seule envie était de faire quelque chose que j’aime et de m’amuser. J’ai commencé à créer des vêtements originaux et ça a marché. La majorité était alors fixée à 21 ans, mes parents m’ont donc émancipée à 18 ans pour que je puisse monter ma société. Je bricolais, j’achetais des rouleaux de tissu au marché Saint-Pierre et je faisais 20 robes avec. C’était très artisanal. L’esprit de la marque était très enfantin car je ne connaissais rien à cette époque-là.
Où vendiez-vous vos créations ?
Chantal Thomass : Pendant deux ans je n’ai pratiquement travaillé qu’avec Dorothée Bis et avec le Café des arts à Saint-Tropez. À cette époque-là nous étions très peu à faire des choses originales et fantaisistes, les journalistes ont donc tout de suite été intéressés. J’ai tout de suite eu une clientèle qui aimait ce côté « fun » et junior.
Et ce nom, Ter et Bantine, d’où vient-il ?
Chantal Thomass : Mon fiancé de l’époque qui est devenu mon mari était aux Beaux-Arts. Il avait fait une spécialisation peinture sur tissus et a peint à la main les premières robes de la marque en utilisant de la térébenthine, d’où le nom que nous avons scindé en deux, car nous travaillions tous les deux.
J’ai fait mon premier défilé en 1969. J’y ai présenté toutes mes créations sur des jeans que j’avais achetés vintage aux USA. C’était quelque chose de complétement nouveau pour l’époque car on ne portait pas de jeans, ce n’était pas la mode et ça ne se faisait pas.
À la fin des années 70, vous lancez votre marque de lingerie, pourquoi cet univers désormais ?
Chantal Thomass : J’ai découvert cette lingerie raffinée, très années 30, comme les porte-jarretelles et les soutiens-gorge en regardant des magazines anciens et des vieux films. Je faisais partie de cette génération qui ne portait pas de soutiens-gorge parce que c’était ringard, la mode était aux petits seins à la Jane Birkin.
J’ai eu envie pour un défilé de recréer cette lingerie féminine et sexy. J’ai trouvé un artisan à Lyon qui fabriquait des vêtements et des accessoires pour les prostituées, car les seules guêpières qu’on pouvait trouver sur le marché à cette époque-là c’était dans les quartiers chauds comme Pigalle à Paris. Il m’a fait ce que je voulais dans des tissus de prêt-à-porter de couleurs originales. Après le défilé, la presse m’a tout de suite demandé les pièces, c’est là que tout a commencé.
Avec vous, la lingerie rentre un peu dans l’univers de la haute couture, qu’est-ce qui vous inspire ?
Chantal Thomass : J’ai toujours été inspirée par les matières et les tissus anciens mais cela peut venir également d’un film, d’une exposition, de femmes comme Greta Garbo, Marlene Dietrich, Coco Chanel ou Louise Brooks… Pour moi, la lingerie est avant tout un accessoire de mode avec lequel on peut se faire plaisir et se sentir belle. On est loin de la lingerie fonctionnelle des années 70-80 qui n’avait aucune fantaisie.
Vous avez été la première créatrice à faire défiler la femme en lingerie à une époque où cela ne se faisait pas, quelles ont été les réactions ?
Chantal Thomass : Les années 70 ont été une période très libre, les défilés de lingerie ont été plutôt très bien accueillis, je n’ai pas eu de problème avec les féministes. J’en ai plus eu dans les années 90 avec mes mannequins vivants dans les vitrines des galeries Lafayette, certaines vieilles rédactrices en chef féministes qui avaient milité ont été choquées tandis que les plus jeunes rédactrices ont trouvé cela génial. Nous avons eu une presse colossale !
Chantal Thomass, c’est un style inclassable, d’où vient-il ?
Chantal Thomass : Je pense que c’est quelque chose d’inné. Ma mère était très simple donc cela ne vient pas d’elle. Je viens d’un milieu modeste, que je trouvais ordinaire, où je me suis très vite ennuyée. J’ai toujours eu envie d’être différente, de m’habiller et de me coiffer différemment, de me faire remarquer !
J’avais des looks d’enfer ! Je me faisais épiler tous mes sourcils avant d’avoir ma frange. Et je les repeignais en bleu, en rouge, en vert… Résultat, ils n’ont jamais repoussé ! Mais ce n’est pas l’unique raison qui m’a poussé à adopter la frange…
Racontez-nous comment l’empreinte et la notoriété de la marque sont nées.
Chantal Thomass : Ce n’est pas moi qui l’ai décidé mais le publicitaire Benoît Devarrieux. Il a eu l’idée de communiquer sur moi, car nous avions des centaines de modèles que nous n’avions pas les moyens de shooter. Il a fait une première photo de moi dans un fauteuil en ombres chinoises qui est devenu le logo.
Nous faisions très peu de publicité et avions un budget ridicule mais comme c’était original, cela marquait les esprits. Je me souviens d’un carton de bonne année avec une photo de moi et ma frange qui me descendait sous les yeux où il était écrit « Je n’ai pas vu l’année passer ».
Votre talent était reconnu de tous, vous aviez du succès et pourtant c’est le dépôt de bilan en 1985. Comment la marque en est-elle arrivée là ?
Chantal Thomass : Nous étions une petite société familiale, je travaillais avec mon mari. Nous avions énormément grandi mais n’étions ni l’un ni l’autre des financiers. Nous n’avons pas su nous entourer. Les commandes grandissaient mais nous n’avions plus les moyens de répondre à la demande. Pour notre génération, le but ultime était de faire le défilé le plus spectaculaire, l’argent partait dans le défilé. Il n’y avait pas de marketing, pas de plan de collections, nous faisions ce que nous avions envie de faire. Nous pensions plus à créer et à nous amuser qu’à faire de l’argent.
Vous aviez perdu l’usage de votre nom et vous vous êtes battue pour le récupérer, comment avez-vous vécu ces moments ? Qu’est-ce qui vous a fait tenir ?
Chantal Thomass : C’est arrivé douze ans plus tard. Ça a été très violent et déplaisant. J’ai déprimé à cette époque-là, j’ai pris sept kilos. J’avais deux enfants en bas âge, il fallait que je travaille pour les nourrir et surtout ne pas leur montrer que ça allait mal. Pendant trois ans, j’ai passé mon temps chez les avocats mais j’ai très vite travaillé en tant que consultante pour de grandes marques comme Wolford ou Victoria’s Secret. L’argent que je gagnais servait à payer les avocats pour retrouver l’usage de mon nom.
Et aujourd’hui où en êtes-vous ?
Chantal Thomass : Depuis 2011 j’ai rejoint le groupe Chantelle. En tant que créatrice je dessine et supervise toutes les collections.
Après de grands noms comme Karl Lagerfeld ou Marc Jacobs vous devenez la nouvelle directrice artistique pour l’année 2014 de Coca-Cola light. Pourquoi avez-vous accepté ?
Chantal Thomass : Car c’est très prestigieux. C’est une sorte de consécration, c’est comme faire une collection pour H&M. Cela signifie que le nom est vraiment rentré dans le grand public. J’étais ravie d’avoir un nouveau projet. Dès qu’il s’agit de nouveauté ça m’amuse. Pour mes canettes, je ne peux rien dire pour le moment. Pour l’instant il est prévu que sa distribution ne se fasse qu’en France.
Questionnaire séduction :
- Quelle est votre définition de la séduction ? Se sentir bien soi-même pour séduire les autres.
- Quelles sont vos créations qui incarnent cette définition de la séduction ? Il n’y en a pas une ou plusieurs en particulier, c’est tout ce que je fais.
- Quel est votre « tue-l’amour » absolu ? Le mi-bas.
- Votre devise ? On peut toujours faire mieux, aller de l’avant et toujours faire plus.
Boutique Chantal Thomass
Adresse : 211 rue Saint-Honoré, 75001 Paris
Téléphone :+33(0)1.42.60.40 56
Ombeline Paris