“Vous Aimer” de Caroline Bongrand

Vous Aimer de Caroline Bongrand

Aimer à perdre la raison mais d’un amour platonique, tel est le sujet du dernier livre de Caroline Bongrand. Dans ce roman, au style affûté, elle nous entraine dans une folle histoire d’amour dont on ne ressort pas indemne. Rencontre.

“Vous aimer” est un roman d’amour mais aussi l’histoire d’un désamour d’une femme pour son mari, comment définiriez vous ce “couple” ? 

L’homme n’a jamais su apprécier ce que sa femme faisait, pour lui, les enfants, la maison, en plus de son travail. Comme si tout cela était un dû. Pire, il s’est laissé aller à critiquer systématiquement tout ce qu’elle faisait, ou était, et notamment son corps, sa silhouette. Cette femme a pris sur elle pour ses enfants. Au début du roman, intérieurement, sur le plan du rapport à soi, elle n’est plus que l’ombre d’elle même. vous aimer

A travers cette rencontre improbable, il y a cet éloge de l’amour platonique, qu’a t-il de plus que l’amour?  

L’amour platonique reste au premier stade de l’amour naissant, il est cristallisé, idéalisé, projeté comme parfait car on le rêve plus qu’on ne le vit, il est pur, avec quelque chose de l’enfance, pas de chair, et aussi, pas de faute, il a donc tous les avantages sauf un : il rend complètement fou, car nous sommes bien des êtres de chair et de sang.

Les deux “amoureux” entretiennent une relation épistolaire via SMS: avantages et inconvénients ?

Les SMS, lorsqu’il s’agit d’amour, sont incroyablement puissants. Leur instantanéité est magique et plus que propice à l’amour naissant- une véritable fête. Ils sont désinhibants : un « écran » qui permet d’exprimer des choses que l’on n’oserait jamais, jamais dire autrement. Ils réveillent la soif des mots d’amour qui était en nous. Ils sont l’expression d’une présence, tout en étant la preuve d’une absence.

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Le poids des conventions sociales est fort dans votre roman, pourquoi ne pas se quitter parfois tout simplement? 

Aucun poids des conventions sociales ici, mais le sentiment intime d’une femme qui a déjà divorcé et ne se sent pas le cœur, à nouveau, de « marcher sur le cœur de ses enfants ». Bien entendu qu’il vaut mieux se quitter « simplement », seulement rien n’est si simple. Prendre la décision de se faire passer avant ses enfants, leur bien être, leur équilibre de vie, et lâcher le « connu » pour « l’inconnu », demande un courage extraordinaire. C’est cela le vrai sujet du livre je crois: l’audace de faire passer sa vie à soi avant celle des autres. C’est faisable, et dans certains cas, plus que souhaitable: nécessaire.

Au milieu de cette histoire d’amour, il y a son père qui lui dit à un moment du récit: “souviens toi que tu es libre.” Pourquoi ne l’est-elle pas ? 

Elle ne l’est pas parce qu’elle a peur. Le seul ennemi de notre liberté c’est la peur, il n’y en a pas d’autre. Elle a peur de tout : blesser ceux qui l’entourent, faire les mauvais choix, ruiner sa propre existence, ne plus être aimée. La peur n’est que l’expression d’un manque de confiance en soi. L’enjeu de nos vies, c’est de nous débarrasser de cette peur. Quel qu’en soit le prix. C’est ce qu’elle va apprendre. A la fin du livre, elle est devenue libre.

La force de l’habitude vaut elle mieux que la force de l’amour et de la passion? 

Il faut se sentir vivant et heureux. C’est tout. L’habitude n’est pas nécessairement en opposition avec l’amour. Pour de nombreux couples l’amour est là, au quotidien, avec ses variations d’intensité, comme une « belle habitude », pleine de joie. Voilà, sans doute, l’idéal. La passion est, elle, sous ses airs de reine, mortifère. Elle n’est pas l’amour, mais une addiction, une fuite, une folie, presque un suicide. C’est un carnage, sauf lorsque la passion se transforme en…amour. Donc qu’est ce qui est plus fort que quoi ? Cela dépend entièrement du tempérament et de l’histoire de chacun.

Votre héroïne a quelque chose de saganesque dans son rapport au monde, Françoise Sagan fait-elle partie de votre Panthéon littéraire ? 

J’ai adoré Aimez Vous Brahms quand j’avais 15 ans. Puis j’en ai lu d’autres. J’aime sa simplicité, sa vérité, elle dit les choses, les sentiments et les êtres avec justesse et économie. Mais le plus fort, c’est que j’ai passé, à 25 ans, toute une journée avec elle, dans son appartement de la rue de l’université, du matin au soir tard, en tête à tête. Elle m’a parlé de toute sa vie, sans retenue. Elle n’avait peur de rien, jamais. Une femme libre, une vraie. Oui, je l’aimais.

Véronique Forge

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