Apparence vestimentaire au travail : l’habit fait-il encore le moine ?

apparence vestimentaire

La société évolue : les limites entre vie pro et vie perso tendent à s’estomper. Mais en va-t-il de même pour l’apparence vestimentaire ? Pour certains, la tenue de travail sert à s’intégrer au groupe et à respecter la culture de l’entreprise. Tandis que d’autres défient les codes pour mieux affirmer leur singularité.

La crise sanitaire et la démocratisation du télétravail ont contribué à un glissement entre les sphères privée et professionnelle. Cette frontière ténue s’est retrouvée aussi dans les habits avec parfois des looks plus décontractés au travail. Mais selon Magalie Auger, coach professionnelle certifiée des DG, DRH et managers et fondatrice de France coaching, le monde du travail ne change pas aussi vite que la mode. « Avoir une tenue de travail adaptée fait toujours partie de la culture de l’entreprise même si elle ne l’a pas formalisé », constate-t-elle. Bien sûr, certaines entreprises offrent plus de liberté en la matière. Dans une start-up où la moyenne d’âge est de 25 ans, le dress code sera probablement plus décontracté, mieux vaut alors suivre la tendance.

A l’inverse, intégrer une entreprise où le costume cravate ou le tailleur sont de rigueur incite à adopter le même style pour intégrer le groupe. « Certains essayent d’imposer leur style pendant un mois mais ils se mettent rapidement à l’écart, les regards sont portés sur eux. Il y a une auto-régulation qui se fait naturellement pour appartenir au groupe », confirme Magalie Auger.

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L’apparence vestimentaire, un rôle à endosser

En s’habillant pour aller au travail, on revêt une seconde peau, celle d’un personnage qui doit respecter certaines règles et représenter une fonction définie. Les spectateurs (collègues, managers, clients…) ont des attentes par rapport à ce personnage. Ces attentes découlent des représentations véhiculées par la société, les médias, l’éducation… « Si on travaille en tailleur dans une banque et que l’on sort à midi pour faire quelques courses, les gens voient que l’on travaille et que l’on n’est pas une femme au foyer. Ils ne parlent d’ailleurs pas de la même manière à cette femme qu’à une femme habillée de manière plus décontractée. Le vêtement de travail pose les gens dans une représentation », explique Ginette Francequin, maîtresse de conférences honoraire en psychologie clinique et sociale, membre associée du Laboratoire de recherches LISE-UMR-CNRS et auteure de « Le vêtement de travail, une deuxième peau » (Erès). 

Une représentation rassurante

Le fait de porter un vêtement qui correspond à cette image stéréotypée d’une fonction rassure. A l’hôpital, on attend du médecin qu’il porte une blouse ; au garage automobile, on attend du mécanicien qu’il porte une combinaison de travail ; dans une grande entreprise, on attend du PDG qu’il porte un costume et une cravate, etc… « Un jour, alors que j’avais invité une commissaire de police à un débat, elle est arrivée avec un manteau rouge. Les gens ont douté de sa profession. Quand elle a retiré son manteau et qu’ils ont vu sa tenue de travail, ils ont été rassurés. Les gens aiment voir une personne dans la tenue qu’ils associent à cette fonction. Le vêtement est attaché à certaines valeurs de respect, de règles professionnelles, d’honneur, de fierté », ajoute Ginette Francequin. 

Les supers pouvoirs du vêtement de travail 

A la manière d’un super héros qui porte une cape pour s’envoler, le vêtement de travail peut donner l’impression d’avoir des pouvoirs. Porter un tailleur par exemple aide à être crédible dans ses fonctions, à asseoir sa légitimité. On montre que l’on détient les codes de l’entreprise et du métier. Une tenue dans laquelle on se sent bien et forte donne aussi confiance en soi. En 2012, une étude menée par deux psychologues américains, Adam Galinsky et Hajo Adam, a ainsi démontré que le vêtement avait une influence sur nos capacités cognitives et notre manière de penser.

Les deux psychologues ont fait porter à une cinquantaine d’étudiants une blouse blanche supposée être tantôt celle d’un médecin, tantôt celle d’un peintre. Ils leur ont ensuite fait passer des tests d’attention pour évaluer leur capacité à constater des incongruités ou des différences sur des images identiques. Les étudiants ont obtenu de meilleurs résultats lorsqu’ils portaient la blouse supposée être celle d’un médecin. Les auteurs en ont conclu que le vêtement pouvait avoir un impact sur le corps et les capacités cognitives.

Des écarts scrutés à la loupe

L’importance du vêtement semble encore plus importante pour les personnes exerçant des postes à responsabilités, qui ont des salariés à manager… « Plus on monte dans la hiérarchie, plus on est observé. C’est encore plus vrai en province où il est plus difficile d’être anonyme. Quand j’étais DRH avec 2000 personnes au sein de la structure, un employé est venu me voir alors que j’étais dans un magasin de bricolage. J’étais en plein travaux chez moi et je ne m’étais pas changée. Il m’a demandée si j’étais bien sa DRH car il ne me voyait pas vêtue comme ça habituellement mais… il m’a dit qu’il ne m’en voulait pas ! », se souvient Magalie Auger. En tant que femme, un pas de côté par rapport aux attentes sur son apparence vestimentaire, peut vite faire l’objet de remarques sexistes. Ce fut le cas par exemple pour les politiciennes Cécile Duflot ou Marlène Schiappa.

Sortir des normes, une manière d’affirmer sa singularité

Divers facteurs peuvent toutefois donner plus ou moins de liberté sur l’apparence vestimentaire. « Un indépendant est beaucoup plus libre dans ses choix de vêtements. Ça dépend aussi de là où on en est dans son parcours professionnel. Si on n’a plus rien à prouver, qu’on a déjà une belle carrière, on se libère plus facilement du regard des autres », assure Magalie Auger. Un constat que fait également Karim Hechmi, CEO de Find Your Way, formateur employabilité et carrière, et auteur de « Deviens un aimant à recruteurs sur LinkedIn » aux éditions Eyrolles.

Au début de sa carrière, Karim Hechmi travaillait dans un cabinet d’avocat et portait un costume complet tous les jours. « Quand on est junior, il faut rentrer dans le moule. Mais plus on gagne en expertise, plus on gagne en liberté. Mon business marche extrêmement bien aujourd’hui, je suis reconnu et j’ai moins de réflexion sur mon style », confie-t-il. Sweat à capuche, jean, baskets et casquette… Il a fait de son look sa marque de fabrique. En tant que solopreneur, cette distinction a son importance pour se démarquer, sortir du lot et attirer l’œil notamment sur les réseaux sociaux professionnels. Karim Hechmi reconnaît que le secteur a son importance.

« Il y a des domaines comme l’audit, la banque, la justice par exemple où il est plus nécessaire d’adopter une apparence vestimentaire très formelle. Mais dans d’autres secteurs, le look a évolué et le jean-baskets est beaucoup plus fréquent. Pour moi, c’est important d’être moi-même, de sortir des clichés. On devrait davantage s’en moquer », estime-t-il. En attendant, à chacune de suivre ou non les codes en fonction de sa situation.

Dorothée Blancheton

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