Rencontre avec Jeimila Donty, fondatrice de Koraï

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L’Afrique regorge d’une incroyable richesse naturelle, et c’est particulièrement vrai dans ses écosystèmes marins. Cependant, ces milieux fragiles sont de plus en plus menacés par la pollution, la surpêche et le changement climatique. C’est pour répondre à cette problématique que Koraï a vu le jour. Une entreprise innovante dédiée à la préservation des écosystèmes marins africains, lauréate des Business O Féminin Awards 2023 dans la catégorie “Start-Up”. Découvrez l’histoire fascinante de la création de Koraï, ainsi que les différentes actions qu’elle met en place pour protéger cette biodiversité unique.

Qu’est-ce qui a inspiré la création de Koraï ? Comment est née cette prise de conscience ? 

Jeimila Donty : Je suis née et j’ai grandi à Madagascar avant de m’installer en France à 17 ans pour poursuivre mes études puis ma carrière professionnelle. Je savais que j’entreprendrais depuis le début, étant née dans une famille d’entrepreneurs. C’est le contraste entre les économies française et malgache, et plus largement entre les niveaux de vie moyen en Europe et en Afrique que je me suis rendue compte que j’avais un rôle à jouer. C’est pourquoi, j’ai spécialisé mon cursus à l’ESSEC avec des stages en Afrique du Sud et au Togo . Et le cursus Centrale-ESSEC au Maroc et en Côte d’Ivoire. 

Mais c’est mon histoire familiale qui m’a conduite à lancer spécifiquement Koraï. Au décès brutal de mon père en 2020, nous avons repris avec mes trois frères la ferme de coraux dont l’activité principale était la reproduction pour l’export. Je voulais en faire une entreprise qui me ressemble : en créant Koraï, j’ai voulu faire coïncider ma volonté de participer à réparer la planète au profit, non seulement des coraux malgaches, mais aussi des coraux africains avec les besoins des entreprises internationales en matière de RSE.  

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Quelles sont les menaces qui pèsent sur ces récifs coralliens dans les décennies à venir ?

Jeimila Donty : Nous avons déjà perdu un tiers de notre mangrove et la moitié de nos récifs coralliens dans le monde, et les prédictions pour l’avenir ne sont pas rassurantes. En particulier pour l’Afrique où les projets de restauration manquent faute de moyens et de sensibilisation. 

D’après une étude menée par Nature Sustainability, les 12 000 km2 de récifs coralliens qui longent les côtes africaines bordées par l’Océan Indien sont menacés de disparition totale d’ici 2070. C’est demain… 

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Les récifs coralliens africains se trouvent principalement le long des côtes d’Afrique de l’Est, de la mer Rouge à l’Afrique du Sud en passant par le canal du Mozambique. Ils sont une ressource importante pour les pêcheurs de ces régions. D’autres récifs existent également dans la corne de l’Afrique.  

Quels en sont les causes ?

Jeimila Donty : Sans retomber dans l’anxiété écologique, il faut rappeler que la principale cause de ce déclin est l’activité humaine. Le réchauffement de la terre entraînant le réchauffement des océans, l’acidification des océans et les destructions directes liées aux mauvaises pratiques de pêche et de tourisme. À travers notre blog, nous souhaitons justement participer à diffuser l’information et sensibiliser toutes les générations. 

L’enjeu de la protection des récifs est également humain ?

Jeimila Donty : Quand on parle de réchauffement climatique, on ne peut pas dissocier environnement et social. La justice climatique est avant tout une justice sociale.

En effet, les écosystèmes marins côtiers sont essentiels pour la biodiversité marine et pour la survie des humains : les récifs coralliens, mais aussi les prairies d’herbiers marins et les forêts de mangrove. 

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Ces derniers abritent un tiers de la biodiversité marine et rendent plusieurs services aux humains : 

  • Ils nourrissent 500 millions de personnes qui dépendent directement de la pêche récifienne,
  • préviennent les inondations en cassant la puissance des vagues,
  • et rendent des services culturels et touristiques dont plusieurs régions côtières et insulaires dépendent grandement.

On estime à 20 900 milliards de dollars la valeur des services rendus par ces écosystèmes dans le monde.

Comment Koraï aide t-il concrètement à la protection de cette biodiversité ? 

Jeimila Donty : Koraï mène deux actions principales pour oeuvrer pour la préservation de nos écosystèmes marins. 

Tout d’abord, des actions de restauration des écosystèmes côtiers marins en Afrique qui sont des réserves de biodiversités et des puits de carbones : nous replantons du corail, et très bientôt de la mangrove et des herbiers marins dans des aires protégées. Nous ambitionnons de les rendre plus résistants au réchauffement climatique par la sélection des espèces et les techniques de bouturages. 

Ensuite, des actions de sensibilisation pour les salariés des entreprises partenaires et pour les communautés locales via notamment des aquariums ludo-éducatifs installés dans nos nurseries. 

Vous souhaitez engager les entreprises dans votre projet, comment peuvent-elles s’intégrer dans votre démarche ? 

Jeimila Donty : Nous engageons les entreprises multinationales dans la régénération des écosystèmes marins côtiers d’Afrique à travers des plans d’investissement RSE. 

Nous les aidons ensuite à revaloriser cet investissement selon leur priorité stratégique : 

  • Climat par la contribution à une biodiversité plus riche et à la neutralité carbone 
  • RH par des événements de sensibilisation des salariés en entreprises 
  • Marketing en embarquant leurs prospects dans leur engagement environnemental. 

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Aujourd’hui, ces entreprises sont soumises à la taxe carbone, et bientôt elles le seront pour la biodiversité. Nous répondons à ce besoin en leur apportant la possibilité d’agir et de mesurer cet impact à travers le rapport annuel que nous leur fournissons. 

Par ailleurs, elles sont également soumises à une pression sur le marché du travail. Selon une étude du CSA pour Linkedin et l’Ademe, 78% des salariés choisiraient à offre équivalente une entreprise engagée sur le plan environnemental. 

Quels sont vos enjeux à moyen terme ? (levée de fonds etc…) 

Jeimila Donty : Nous sommes actuellement en phase de go-to-market. Nous levons en non dilutif par les différents véhicules existants pour financer la commercialisation. Et nous nous sommes lancés sur le marché depuis la fin du premier trimestre. Donc si vous souhaitez engager votre entreprise, c’est le moment ! Nous sommes prêts !

À moyen terme, nous envisageons de nous déployer dans différents pays d’Afrique de l’Est et Océan Indien, grâce à une levée de fonds en 2024.  

Quels sont les freins que vous pouvez rencontrer au quotidien ? 

Jeimila Donty : La difficulté de parler à notre interlocuteur cible. Les métiers de la RSE sont encore à leurs balbutiements dans certaines entreprises, souvent au croisement de nombreuses directions métiers. Ce qui est positif, c’est que des réseaux existent pour soutenir le développement des initiatives dans les grandes entreprises, comme le Réseau Alliance à Lille. Et que de plus en plus d’écoles forment à ces métiers très demandés, comme l’ESSEC avec son Master en Sustainability. 

Ma conviction et que la RSE doit avoir sa place au ComEx, et la tendance commence à se dessiner fort heureusement. 

Le second frein est le décalage entre l’arrivée rapide de législations fortes en faveur de la biodiversité et la compréhension par les entreprises de leur impact sur leur activité. 

Comment voyez-vous l’évolution de Koraï d’ici 5 ans ? 

Jeimila Donty : Dans 5 ans, nous espérons développer notre clientèle française mais aussi européenne, déjà bien au fait de la nécessité de faire appel à des sociétés comme Koraï pour leur bilan extra financier. 

Nous prévoyons également le développement de nos nurseries à travers l’Afrique de l’Est et l’Océan Indien.

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