Réinventer sa vie professionnelle avec Marion de la Forest Divonne

Marion de la Forest Divonne

Auteure, illustratrice, spécialiste en développement personnel, journaliste et passionnée de nos vies intérieures, Marion de La Forest Divonne est tout cela à la fois. Tout au long de son parcours, elle n’a eu de cesse de se reconvertir, ou plutôt de « se réinventer ». Au détour d’évènements qui marquent sa vie professionnelle comme personnelle, elle saisit l’occasion de s’approcher chaque fois un peu plus de sa destination : trouver sa voie, se sentir à sa place. Dans son premier ouvrage Réinventer sa vie professionnelle… Quand on vient de la commencer (paru aux éditions Eyrolles), Marion invite le lecteur à faire le point sur sa vie et se recentrer sur soi pour mieux « révéler la pépite qui est en vous. » Rencontre. 

Vous avez entrepris deux reconversions professionnelles avant de trouver votre voie. Comment savoir si on est vraiment à sa place ?  Comment être sûre que l’on ne passe pas à côté de soi ?

Marion de La Forest Divonne : Je crois que, précisément, quand on est à sa place au travail, on ne se pose pas la question de savoir si on l’est ou non. Il y a une sorte d’évidence, de fluidité au quotidien qui naît d’un alignement personnel. Il n’y a pas de questionnement, ni de peur de passer à côté de soi. 

A contrario, on peut voir apparaître des symptômes lorsqu’il y a un manque d’alignement entre ce que l’on fait dans sa vie professionnelle et qui l’on est. Ça se caractérise physiquement par un manque d’énergie, une forme de lassitude et de désintérêt. En résumé, il y a un mal être physique qui reflète un mal être professionnel. Si on n’est pas à l’écoute de soi, on peut observer un glissement du mal être vers la déprime, l’irritabilité ou l’épuisement jusqu’au stade ultime qui est le burn out. Ce désalignement personnel, je l’ai ressenti dans mon premier job. J’ai entrepris de me reconvertir mais j’ai voulu aller trop vite, j’ai pris la fuite sur un coup de tête. Je n’avais pas pris le temps de sonder vraiment ce pour quoi j’étais faite. Résultat, je me suis heurtée au même désalignement et j’ai raté ma première reconversion.

Mini Guide Reconversion professionnelle

Dans votre premier ouvrage, vous invitez le lecteur à « révéler la pépite » qui est en lui. Comment identifier notre zone d’excellence, ce qui nous fait vibrer professionnellement ? 

Marion de La Forest Divonne : Je suis intimement persuadée qu’on a chacun une zone d’excellence, cette fameuse « pépite » qui se cache en nous. Quelque part, il y a un métier qui est fait pour nous, c’est certain. Or, il arrive parfois qu’on se soit éloigné de nous-même dans nos études, ou notre parcours professionnel et cela a pu fragiliser notre confiance en nous. C’est comme si cette pépite était entourée d’une énorme nébuleuse et qu’on ne la percevait plus du tout. Pour aller rechercher la pépite qui est en nous, il faut s’armer de patience.

D’abord, il est nécessaire de prendre du recul sur soi et faire place à l’introspection. C’est un processus de quête intime qui demande du temps. On peut s’interroger sur soi : « Quelles activités nous procurent de la joie ? », « Qu’aimions-nous faire quand on était enfant ? » « Quels sont nos loisirs ? » Et ne pas hésiter à nourrir ses réflexions de lectures, de podcasts, entreprendre un bilan de compétences, ou se faire accompagner par un coach. Cette quête de notre zone d’excellence est un mélange de patience, d’actions et de réflexions. C’est important d’allier l’action à la réflexion en menant une enquête de terrain : rencontrer des personnes qui exercent les métiers qui nous intéressent, tester ces métiers au travers d’un stage. Il faut de l’introspection, mais c’est tout aussi important d’avoir du concret.

Vous ne parlez pas de reconversion professionnelle, mais de réinvention. « Se réinventer » dans son travail, ça veut dire quoi ?  

Marion de La Forest Divonne : Je trouve ce terme de « réinvention » plus holistique que celui de « reconversion ». Le changement professionnel induit généralement un changement d’état d’esprit, de regard que l’on porte sur soi et sur la vie. Se réinventer professionnellement, c’est faire évoluer son travail avec soi. C’est aligner son parcours en fonction de ses envies, ses besoins, ses aspirations. C’est une force. Je pense que ça va devenir un soft skills en soi que de savoir se réinventer professionnellement.

Aujourd’hui, vous revenez avec un nouvel écrit plus intime, Les âmes fécondes (paru aux éditions Eyrolles), dans lequel vous évoquez la douleur de l’infertilité. Quel impact cette épreuve a-t-elle eu dans votre vie professionnelle ?

Marion de La Forest Divonne : D’un point de vue extérieur, on peut penser que l’infertilité n’a rien à voir avec le travail. Pourtant, je me suis aperçue que cette épreuve a rapidement pris beaucoup de place dans mon esprit. Dans un premier temps, j’ai remarqué que c’était moins facile de m’investir dans mon travail. J’avais moins d’envies professionnelles car j’étais trop absorbée par ce désir d’enfant. Et, dans le même temps, j’ai ressenti un fort besoin de créativité dans ma vie professionnelle. Une créativité que j’ai laissée s’exprimer dans une formation en facilitation graphique, mais aussi dans l’écriture sur ce sujet intime. Écrire sur l’infertilité me rendait féconde autrement. Cela m’a permis de mener une enquête personnelle sur ce qui pourrait m’aider à mieux vivre l’attente de cet enfant désiré. Je me suis réinventée professionnellement pour toujours m’aligner avec mes besoins personnels.

En quoi les évènements de notre vie personnelle peuvent-ils féconder notre parcours professionnel ?

Marion de La Forest Divonne : Qu’il s’agisse du deuil, de la maladie ou de l’infertilité, je pense que les épreuves de la vie nous rappellent que la vie est fragile. Elles ont le bénéfice de nous recentrer sur l’essentiel. Dans le cas de l’infertilité, j’ai envisagé le scénario le pire, c’est à dire que je n’aurais peut-être jamais d’enfant. Cela soulevait alors la question : « comment s’épanouir autrement ? ». J’ai pu ainsi me recentrer sur ce dont j’avais vraiment envie professionnellement.

Selon vous, il faut « donner du sens à l’épreuve » et apprendre à « transformer l’obstacle en opportunité ». Comment s’y prendre concrètement ?

Marion de La Forest Divonne : Ici, la vraie question est celle de la résilience. Cet objectif ne doit absolument pas devenir une injonction. L’épreuve est déjà, en elle-même, suffisamment difficile à affronter. Il ne faut pas en faire une obligation, mais au contraire une envie. Donner du sens, entrer dans une résilience intérieure, cela donne la force de surmonter cette épreuve. Le sens ne se trouve pas dans l’obstacle en lui-même, mais plutôt dans ce qu’on fait de cette difficulté. C’est extraire la portée symbolique de l’épreuve et arriver à capter de quelle façon elle peut nous aider à grandir.

Dans ma situation, j’ai compris qu’il fallait changer de regard sur l’infertilité, saisir la beauté de cette épreuve et ce qu’elle venait bousculer en moi. J’ai appris à faire face à mes peurs, en l’occurrence : « et si je n’avais jamais d’enfant ? » Vient ensuite un second aspect, une résilience davantage extérieure. L’épreuve nous invite à chercher de la joie et de l’accomplissement ailleurs, dans d’autres domaines de vie. Le fait de donner corps à d’autres projets, cela permet de trouver du bonheur et de la confiance en soi d’une autre façon.

Dans Les âmes fécondes, vous évoquez la puissance créatrice de la Femme. Croyez-vous qu’il existe une forme d’entrepreneuriat spécifiquement féminin ?

Marion de La Forest Divonne : Dans le contexte de l’infertilité, la femme subit une pression très forte selon laquelle « pour être femme, il faut être mère ». Dans mon ouvrage je démens cette croyance en m’appuyant sur le travail de la psychothérapeute Isabelle Tilmant. Selon elle, être mère c’est une des potentialités de la femme, mais ce n’est pas la seule. Il existe une multitude de domaines dans lesquels elle peut se réaliser, notamment dans la vie professionnelle. Pour autant, je ne crois pas qu’il existe une forme d’entrepreneuriat spécifiquement féminin, qu’il faille dissocier du masculin. On peut mener à bien un projet, chacun à sa façon, avec ce qui nous compose : nos convictions, notre sensibilité, notre vision… que l’on soit homme ou femme.

Vous observez des « similarités troublantes » entre le lancement d’un projet et la maternité. Quelles sont-elles ?

Marion de La Forest Divonne : Dans l’entrepreneuriat comme dans la maternité, il y a un projet. Le projet naît dans le secret et fait émerger un mélange d’excitations et de craintes. On le nourrit, on le développe, on veut le faire grandir. Peu à peu, le projet prend forme. On le couve, on le chérit, on y pense tous les jours, le jour et la nuit. Il y a des moments de béatitude et des moments de doutes… Un jour, le projet est mis au monde, il devient concret. Du jour au lendemain, le bébé qu’on a porté dans le secret devient public, il rencontre le monde. Alors, il ne nous appartient plus. Les autres s’en emparent, se l’approprient et le projet vit sa propre vie, il s’enrichit. J’aime cette image. Cela peut laisser entrevoir qu’il y a mille façons d’être féconde.

Comment, selon vous, le parcours d’autres femmes « fécondes » peut-il se révéler une importante source d’inspiration ?   

Marion de La Forest Divonne : Le parcours d’autres femmes est une source d’inspiration absolument géniale ! Cela permet de se projeter dans d’autres voies, d’affiner ses envies, de consolider ses idées, ou encore de s’autoriser certaines choses. Ça donne de l’élan et de l’énergie pour se lancer, parce qu’on voit que d’autres l’ont fait avant nous. Je trouve que le partage de parcours des uns aux autres, nous permet d’avancer dans nos cheminements personnels. C’est très puissant.

Texte et photo de Gabrielle de Loynes

Retrouvez les ouvrages de Marion de La Forest Divonne sur le site des Éditons Eyrolles.

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