Rachel Delacour : qui est la nouvelle co-présidente de France Digitale ?

Rachel Delacour

Récemment nommée co-présidente de l’association France Digitale, Rachel Delacour a fondé il y a 8 ans “BIME”, une solution de Business Intelligence rachetée par Zendesk il y a 2 ans. Retour sur le parcours et les ambitions d’une vraie wonder woman du numérique.

Vous venez d’être élue co-présidente à la tête de France Digitale aux côtés de Jean-David Chamboredon. Un prolongement de votre engagement en faveur de la french tech française ? 

Rachel Delacour : Cela faisait un an que j’étais vice-présidente. En tant qu’entrepreneur, j’étais déjà membre de l’association que je voyais comme le seul relai pouvant m’actualiser sur les questions relatives à la règlementation, à la fiscalité mais aussi aux différentes synergies de l’écosystème, tout ceci sachant que le board et les co-présidents agissent à titre bénévole.

Quels sont vos objectifs avec ce poste ?

Rachel Delacour : Tout d’abord, assurer la continuité avec l’action de mon prédécesseur. Ensuite, représenter les entrepreneurs pour être force de proposition auprès du gouvernement. Chaque année, de nouveaux sujets viennent se greffer à l’agenda réglementaire comme par exemple la question de la neutralité du net, des ICOs. Enfin, nous désirons que notre parole pèse dans le débat européen.

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Qu’est-ce qui manque encore aux startups françaises pour parvenir à se transformer en « champion du numérique », et notamment à l’international ?

Rachel Delacour : D’un point de vue contextuel, les startups bénéficient aujourd’hui de meilleures conditions de financement. Qu’il s’agisse des business angel ou des venture capitalist, le ticket moyen est plus important, et les entreprises profitent davantage de co-investissements avec des investisseurs étrangers.

En revanche, beaucoup de choses restent à faire au niveau de la croissance des startups pour passer les séries B et C. Nous sommes plus en retard sur le growth et late stage. C’est là que la mobilisation de l’épargne longue permet de renforcer les écosystèmes et d’asseoir les success stories de nos champions.

Ensuite, le secteur du digital fait face à un chômage négatif. Nous devons former plus de profils numériques, et il n’y a pas besoin de faire un bac +5 pour devenir ingénieur codeur. Avec France Digitale, nous aimerions travailler sur la refonte de la formation professionnelle pour répondre en partie à ces besoins.

Enfin, l’Europe est le chapeau de tout cela. Nous avons besoin d’une harmonisation sur les questions de data, finances etc… afin de pouvoir jouer à armes égales avec les Américains qui évoluent sur un marché uniformisé.

La présence des femmes dans la tech va t-elle aussi être l’un de vos axes de travail ?

Rachel Delacour : Sans parler vraiment du genre, il faut favoriser la formation numérique via un « Bac N ». Le fait d’agir plus tôt dans la formation professionnelle va permettre à plus de femmes d’intégrer la filière car ces métiers vont toucher une population plus large.

On vous qualifie souvent de rôle modèle : est-ce un qualificatif que vous appréciez ?

Rachel Delacour : Si le fait de communiquer sur mon parcours peut donner le déclic à ne serait-ce qu’une jeune fille, alors tant mieux, c’est positif !

Et vous, quel est votre rôle modèle ?

Rachel Delacour : Petite, j’ai toujours aimé le profil de Calamity Jane, à la fois aventurière et romantique. Ensuite, Jane Poynter de World View® est une référence pour moi. Son entreprise permet d’envoyer les personnes de la société civile dans l’espace ou à ses limites. Je trouve que la Low Earth Orbite Economy – ou la réappropriation économique de la stratosphère – est passionnante. C’est intéressant de voir que les femmes y sont particulièrement investies. Pour ma part, j’ai pris un ticket pour aller dans l’espace !

Pour en parvenir là où vous en êtes aujourd’hui, vous avez fondé la solution BIME il y a 8 ans, rachetée il y a deux ans par Zendesk. Comment pourriez-vous définir la Business Intelligence en version “pour les nuls” ?

Rachel Delacour : La Business Intelligence permet de capturer le client qui se cache derrière les données. Les outils de support client mettent à jour les demandes récurrentes, les types d’achats… Toutes ces données donnent des indications sur le client. BIME a été rachetée par Zendesk pour permettre aux entreprises de comprendre leurs prospects et clients pour créer de meilleures relations avec eux, ceci grâce à l’analyse des données.

En quoi avez-vous disrupté le marché lors du lancement de BIME, et comment avez-vous commencé à collaborer avec Google ?

Rachel Delacour : Nous étions très frustrés par la Business Intelligence traditionnelle que nous utilisions avec mon cofondateur. C’était un moment où il y avait à la fois un business model SaaS et des technologies Cloud que ne s’était pas appropriée cette industrie. Nous avons pris les meilleures pratiques et les avons adaptées au cloud afin qu’elles puissent être adoptées par n’importe quelle entreprise.

Ce qui est fantastique avec ces produits cloud est que l’on peut les interconnecter avec d’autres technologies disponibles en ligne. Nous avons été les premiers à connecter notre technologie à la technologie Bigquery de Google. C’est ainsi que nous avons rapidement obtenu une invitation à San Francisco pendant Google IO. Nous faisons partie de ces premières générations d’entrepreneurs à s’être rendues compte de la possibilité de partir dès le jour 1 à l’international. Nous avons créé dès le début une diagonale Montpellier-San Francisco sans passer par la case Paris. De plus en plus d’histoires régionales deviennent internationales.

Justement, vous êtes basée à Montpellier et avez toujours porté l’écosystème local. Est-ce que plaiderez aussi pour le développement des écosystèmes régionaux au sein de France Digitale ?

Rachel Delacour : Oui, et France Digitale a déjà commencé à s’impliquer en créant ses « France Digitale Tours » avec des investisseurs parisiens qui se déplacent en région. En tant que figure montpelliéraine, j’ai effectivement toujours œuvré pour le développement du tissu local. J’ai été rachetée par une entreprise californienne qui a depuis investi dans beaucoup d’autres initiatives à Montpellier. Les régions ont de vrais atouts à faire valoir. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’une entreprise comme Salesforce s’est installée à Grenoble. Pour ma part, j’ai investi dans l’accélérateur régional Sprint Numa Montpellier et Toulouse.

La French Tech a donné une vraie impulsion à ces écosystèmes régionaux, afin que chaque territoire se spécialise et fasse émerger ses champions dans différents secteurs, à l’image de Dijon qui possède par exemple un écosystème fertile dans la foodtech. Bien sûr, encore faut-il que les règles nationales et européennes abondent en ce sens. C’est pour cela que nous voulons peser dans le débat public afin que des champions régionaux puissent éclore à l’international.

Vous expliquez dans un article qu’à la base, vous vous imaginiez davantage évoluer dans un grand groupe. Quel a été le déclic pour vous jeter dans l’aventure entrepreneuriale ?

Rachel Delacour : Je ne m’imaginais pas forcément dans un grand groupe, mais à l’époque, on nous vendait ces carrières comme la voie royale. Tout a changé maintenant, mais c’est finalement récent. Je me souviens avoir fait un petit discours lors d’une remise de diplômes au sein de l’école KEDGE à Marseille il y a 3 ou 4 ans. Je soutenais que la voie royale, c’était justement l’entrepreneuriat, mais on sentait à l’époque qu’il fallait encore convaincre. Pour ma part, j’ai vite ressenti de la frustration dans mon métier, alors que l’entrepreneuriat rend vivant et fait grandir/mûrir très vite, donc je passe le message : cela pourrait en séduire d’autres.

Vous avez cofondé BIME avec votre mari : est-ce que cette spécificité est pour vous un avantage dans votre vie familiale ?

Rachel Delacour : Nous étions déjà ensemble quand nous avons lancé BIME. Nous souffrions tous les deux de la même frustration et nous nous sommes rendus compte que nous étions très complémentaires : lui était très technique dans l’analytics. En plus de cela, monter notre entreprise ensemble nous a permis de partager le même agenda. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les investisseurs ont plutôt vu notre duo comme une force démultipliée. Nous n’avions pas besoin de nous justifier sur le fait de ne pas prendre de week-end ou de vacances. J’ai beaucoup de sympathie pour les conjoints de startupers qui ne sont pas partie prenante de l’aventure et ont parfois du mal à comprendre ces sacrifices.

Dans une interview à La Tribune, vous évoquiez en 2014 votre désir de devenir Business Angel, où en êtes-vous aujourd’hui ?

Rachel Delacour : J’ai coché la case dans le sens où j’investis dans plusieurs entreprises. J’essaie d’avoir un focus sur les femmes, qu’elles soient fondatrices ou co-fondatrices, avec un angle B to B afin d’apporter de la plus-value. Nous sommes d’une génération où lorsque nous générons un bel écosystème autour de nous, cela sert à tout le monde et si cela peut faire changer la société, tant mieux.

Votre conseil à toutes nos lectrices qui admirent votre parcours ?

Rachel Delacour : D’abord d’admirer leur parcours à elles, de se réjouir des petites victoires du quotidien. Ensuite, au delà de penser, d’imaginer, d’être bien entourées, il faut avant tout exécuter !

@Paojdo

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