Et si votre réussite ne dépendait pas seulement de votre QI ? Dans Ces 10 intelligences qui changent tout ! aux éditions Diateino, Christophe Bourgois-Costantini révèle comment développer ses intelligences multiples – intuitive, relationnelle, corporelle ou encore émotionnelle – peut transformer votre vie personnelle et professionnelle.
En tant qu’ingénieur agronome, vous avez été éduqué dans une culture de la rationalité, des chiffres qui parlent et disent forcément la vérité, une forme d’intelligence cartésienne, occidentale. À quel moment en avez-vous éprouvé les limites ?
Christophe Bourgois-Costantini : Lors d’un stage chez un paysan. Un soir, en pleine partie de cartes, il m’a dit qu’il devait interrompre pour aller semer. Je lui ai proposé d’attendre le lendemain. Sa réponse fut désarmante : « Non, c’est la pleine lune ascendante. Si je sème maintenant, j’aurai 15 % de rendement en plus ».
Cette phrase a ouvert une brèche dans mon esprit d’ingénieur rationnel. Elle m’a montré que d’autres formes de savoir, empiriques, intuitives, peuvent être tout aussi efficaces, voire plus pertinentes que les équations et les tableurs.
Vous parlez de 10 formes d »intelligence, certaines déjà évoquées par Gardner dans les années 70. L’intelligence relationnelle, spatiale, de la nature, de l’intuition, etc… qui ne sont pas assez valorisées. À quoi l’attribuez-vous ?
Christophe Bourgois-Costantini : Parce que notre société reste prisonnière du culte du QI, des chiffres et de la performance mesurable. L’école, les parents, les entreprises, tout est construit autour de ce qui s’évalue facilement. Le qualitatif – l’intuition, la créativité, le rythme, la nature – échappe à cette logique. Et ce qui ne se mesure pas est souvent relégué au second plan.
Ces formes d’intelligence sont inhérentes à nous, mais nous ne les exploitons pas assez. Comment les réveiller et les développer ?
Christophe Bourgois-Costantini : Un bon début, c’est de replonger dans ce qui nous animait enfants : les jeux, les passions, les activités qui nous procuraient un vrai bien-être. On y trouve souvent la trace de nos intelligences dominantes. On peut aussi passer par des outils concrets, comme le test que je propose dans le livre, qui permet de se reconnecter à soi. L’essentiel, c’est d’accepter de sortir du seul prisme du mental pour laisser de la place à d’autres formes de connaissance.
Vous interviewez des leaders comme Dominique Schelcher. Est-ce qu’un leader c’est finalement quelqu’un qui arrive à utiliser et maîtriser ces différentes formes d’intelligence ?
Christophe Bourgois-Costantini : Exactement. Tous ceux que j’ai interviewés – qu’il s’agisse de dirigeants comme Dominique Schelcher, de sportifs comme Nadal ou Mbappé, ou d’entrepreneurs comme François Pinault – ont développé au moins 4 ou 5 intelligences. Et surtout, ils ont souvent bâti leur réussite en s’appuyant sur une intelligence pivot éloignée de leur domaine de départ. C’est ce décalage créatif qui fait leur force.
L’important est finalement la combination de ces différentes intelligences. Comment y arriver sans que le mental et le rationnel reprenne totalement le dessus?
Christophe Bourgois-Costantini : En alignant nos trois cerveaux : le mental, le limbique (émotionnel) et l’instinctif. À chaque décision, il faut les écouter ensemble. Cela peut sembler abstrait, mais en réalité, c’est très concret et accessible à chacun.
Certaines de ces intelligences – comme celle du corps, du rythme ou du temps – sont souvent ignorées dans le monde professionnel. Laquelle vous semble la plus importante aujourd’hui en entreprise ?
Christophe Bourgois-Costantini : Celle du rythme et du son. Savoir écouter vraiment, trouver le bon tempo, être sur la même longueur d’onde que les autres. C’est fondamental pour la coopération, la créativité et le leadership.
Vous écrivez que « l’entreprise peut rendre intelligent ». Comment cela se traduit-il concrètement dans un environnement encore dominé par des indicateurs de performance ?

Christophe Bourgois-Costantini : En valorisant le « bottom-up », en reconnaissant que les talents ne viennent pas uniquement des grandes écoles. L’intelligence qualitative – les fameuses mad skills – est tout aussi cruciale que les compétences académiques. J’ai construit ma carrière en associant des profils très cartésiens et d’autres plus intuitifs, plus créatifs. Cette complémentarité ouvre des perspectives que ni l’un ni l’autre ne pourrait explorer seul.
Vous défendez la « culture du ET » et les mad skills. Qu’est ce que c’est concrètement et pourquoi sont-elles recherchées dans les entreprises notamment aux US ? En France ne sommes nous pas encore loin du compte ?
Christophe Bourgois-Costantini : La culture du « ET », c’est refuser d’être enfermé dans une seule case. Je peux être coach de dirigeants et écrivain et saxophoniste.
Lorsque j’étais entrepreneur, j’avais l’habitude de jouer du saxophone à côté de chez moi. Je mettais une petite assiette qui me donnait de quoi payer le déjeuner dominical. Un jour, un type me dévisage : c’était l’un de mes clients. À la fin, il vient me voir et il me dit : « ça va si mal que ça dans votre société ? ». Cette notion d’être focus sur une seule activité est fausse comme me l’ont montré mes travaux avec des Rafa ou des Thierry Marx par exemple.
Aux États-Unis, cette approche est valorisée. En France, nous restons encore sous le joug de Descartes, qui nous pousse à n’être qu’une seule chose. Pourtant, les plus grands leaders que j’ai rencontrés incarnent cette multiplicité.
L’école et notre société valorisent surtout le QI. Comment faire évoluer ce modèle et aider les plus jeunes à explorer d’autres formes d’intelligence ?
Christophe Bourgois-Costantini : En leur donnant la permission d’être des « moutons noirs », d’expérimenter. En les encourageant à écouter leur singularité plutôt que de se conformer à un moule.
Dans l’absolu, 50% de ma clientèle (surtout des femmes, plus courageuses pour se remettre en question) change de boulot pour le meilleur, pour ce en quoi ils sont vraiment fait dans la vie. Quand on ose, on découvre ce pour quoi on est vraiment fait. La réussite, ce n’est pas « réussir dans la vie », mais réussir sa vie.
Vous accompagnez des sportifs, des dirigeants, des artistes. Qu’ont-ils en commun dans leur manière d’exprimer leurs intelligences ?
Christophe Bourgois-Costantini : Une curiosité insatiable, envers eux-mêmes et envers les autres. Cette curiosité est un moteur inépuisable, un fil rouge chez tous les champions que j’ai accompagnés. Non, ce n’est pas un vilain défaut !
Enfin, pour celles et ceux qui veulent, comme vous le dites, « repousser l’éléphant » et se reconnecter à leur essence : par où commencer ?
Christophe Bourgois-Costantini : Par un exercice simple : se souvenir de ce qui, enfant, nous mettait en joie. Ces signaux sont des repères puissants. Sinon, un coaching intelligent peut aider à transformer cette redécouverte en chemin de vie.