Lucie Basch, fondatrice de Too good to go, l’appli anti gaspi !

Lucie Basch Too good to go

Depuis cinq ans, son appli « Too good to go » a tout bon ! Lucie Basch et ses équipes réussissent le pari de lutter contre le gaspillage alimentaire nocif pour la planète tout en redonnant du pouvoir d’achat aux consommateurs. L’initiative existe dans une quinzaine de pays et ne compte pas s’arrêter là ! Entretien avec une femme d’engagement.

Comment est née l’idée de Too Good To Go alors que vous étiez encore jeune ingénieure ?

En débutant ma carrière dans les usines de production, j’ai rapidement pris conscience de l’ampleur du gaspillage alimentaire : je n’arrivais simplement pas à l’accepter. Comprendre la façon dont on produit de l’alimentation aujourd’hui et les absurdités qui allaient avec m’ont fait prendre conscience que je ne pouvais pas cautionner l’ancien système et qu’il fallait changer les  choses ! C’est pourquoi j’ai démissionné, et en 2016 je me suis lancée dans l’aventure Too Good To Go.

Votre appli cartonne depuis sa création en 2016. Avec le recul, qu’est-ce qui a été le plus dur dans ce lancement ?

Lorsque nous avons lancé Too Good To Go, le plus dur a été de convaincre les premiers partenaires de rejoindre l’application. Pour beaucoup d’entre eux, jeter était devenu une normalité. Mais le sujet du gaspillage alimentaire est devenu un réel sujet de société, et nous avons réussi à convaincre beaucoup d’entre eux : aujourd’hui, nous comptons une communauté de 21 000 commerçants partenaires aux profils différents et répartis sur tout le territoire. Lucie Basch

Mini Guide Entrepreneuriat

Aujourd’hui, l’appli compte 21 000 commerçants partenaires en France, 80 000 dans le monde, 9,7 millions de consommateurs en France et 44 millions dans le monde. Vous comptez plus de 1000 employés… Quelle est la recette de ce succès ? Lucie Basch

Je pense que notre succès est avant tout dû à la simplicité de notre innovation. Avec Too Good To Go, nous offrons une solution, aux commerçants partenaires comme aux utilisateurs, pour lutter contre le gaspillage alimentaire à leur échelle, en ayant un impact direct et tangible. Nous parlons souvent d’un concept gagnant-gagnant-gagnant qui a su répondre simplement à une problématique éminemment complexe. Gagnant pour le commerçant, qui ne jette plus le fruit de son travail et perçoit un complément de revenu, gagnant pour l’utilisateur qui profite de bons produits à petits prix et gagnant pour la planète, lorsqu’on sait que le gaspillage alimentaire est responsable à lui seul de 10% des émissions de CO2 mondiales !

Ce succès nous a permis de développer notre mouvement de lutte contre le gaspillage alimentaire, qui vise à inspirer les consommateurs, les professionnels mais aussi les politiques ou les enfants à s’engager sur le sujet. Notre capacité à inspirer le plus grand nombre à faire bouger les choses est notre force. Lucie Basch

En 2020, vous avez réalisé une levée de fonds de 25 millions d’euros pour accélérer votre internationalisation. Comment et par qui avez-vous été entourée dans cette démarche ?

Cette levée de fonds nous permet en effet de développer notre mouvement au niveau mondial et donc notre lutte contre le gaspillage alimentaire à tous les niveaux.

Nous étions convaincus que nous ne lèverions des fonds que si nous étions accompagnés d’acteurs qui partagent nos valeurs et notre vision d’une entreprise qui participe activement à l’amélioration de la société. C’est pourquoi lorsque Blisce/ nous a approchés, nous avons été conquis par le fait qu’ils partagent notre vision : premier fond certifié B-Corp, nous apprécions l’intention qu’ils portent à honorer notre ADN et à le renforcer. Blisce/ pourra également, par son réseau américain et ses moyens financiers, soutenir notre ambition conséquente pour notre développement aux États-Unis.

Quels sont les défis à relever quand on est une entreprise européenne qui souhaite investir le marché américain ? Lucie Basch

Nous avons eu la chance de pouvoir compter sur notre expérience et des valeurs solides sur lesquelles nous reposer. Mais il est vrai que le marché américain est très différent de celui européen ! Le système de travail aux États-Unis est par exemple complètement différent, et il faut donc adapter sa façon de manager ses équipes, de même que sur les politiques de recrutement. Il y également des contraintes géographiques qui sont à prendre en compte dans ce pays immense : entre la côte Ouest et la côte Est il y a des heures de décalage horaire. Il faut donc veiller à s’organiser pour maintenir cohérence et coordination des équipes.

Un tiers de la nourriture est jetée dans le monde, 40% aux États-Unis. Comment y avez-vous lancé l’appli ? Comment y est-elle accueillie ?

Elle y a été très bien accueillie, il s’agit même du meilleur démarrage qu’on ait connu. En moins d’un an, plus de 800 000 paniers ont été sauvés aux USA dans déjà 12 villes du pays : New York, Boston, Philadelphie, San Francisco, Chicago et même au Texas ! Le modèle de Too Good To Go a fait ses preuves : après avoir été lancé dans 14 pays en Europe, nous pouvions compter sur cette expérience.

Nous sommes très heureux d’y compter déjà plus d’un million d’utilisateurs et des équipes locales qui apportent, elles aussi, leur connaissance du marché. Notre rôle est de veiller à ce que, avec cette croissance rapide, nous conservions les mêmes valeurs communes au sein des équipes, et que nous réussissions à les transmettre à nos communautés d’utilisateurs et de partenaires sur place, pour avancer dans le même sens et aller toujours plus loin dans la lutte anti-gaspi.

Quels sont les projets de Too Good To Go ? Lucie Basch

Le gaspillage alimentaire n’a pas de frontière, alors il reste encore beaucoup de pays dans lesquels amener la solution Too Good To Go, pour atteindre notre objectif d’un monde sans gaspi ! Le succès rapide que nous avons connu aux États-Unis nous motive encore plus à poursuivre notre expansion, comme au Canada ou en Irlande récemment. La crise du covid nous a également montré que nous pouvions être une solution pour des segments que nous n’étions pas encore allés chercher, comme celui des industriels. Il y a donc un réel enjeu pour remonter la chaîne de production alimentaire et ainsi éviter le gaspillage à chaque étape. Pour cela, nous collaborons notamment de façon croissante avec les industriels et les grossistes en leur apportant notre solution.

Enfin, nous souhaitons également poursuivre notre objectif de sensibilisation, et pour cela nous lançons notre projet éducation dans les écoles primaires. Les enfants sont les consommateurs de demain, et ont un grand rôle de prescripteurs auprès de leurs parents : il est très important de les sensibiliser, dès le plus jeune âge, au gaspillage alimentaire. Lucie Basch

Vous êtes depuis septembre 2018 membre du comité d’orientation alimentaire de Carrefour, membre du Board de France digitale. Comment faites-vous pour tout mener de front ?

J’ai la chance de faire ce qui me passionne, alors je ne compte pas mes heures ! Lorsque j’ai fait le choix de me lancer dans l’aventure Too Good To Go, je savais que je faisais aussi un choix de vie, dans laquelle je ne me lèverai pas tous les jours pour juste pointer mes heures, mais pour consacrer mon énergie à quelque chose qui ait du sens. Je n’organise pas ma vie entre travail et vie personnelle, mais plutôt en fonction de projets, qu’ils soient rémunérateurs ou pas. Les projets personnels sont bien évidemment à prioriser au même titre!

Un conseil aux femmes qui veulent lancer leur entreprise ?

Le même aux femmes qu’aux hommes : oser se lancer ! Je leur conseillerais de s’engager dans quelque chose qui les passionne, qui leur permette de se lever tous les matins en sachant pourquoi et de continuer à avancer quoi qu’il arrive ! C’est en mettant toute leur énergie au service d’une cause qui les anime qu’ils connaîtront les plus beaux succès.

Il faut aussi savoir profiter des échecs et des erreurs comme de vraies opportunités d’apprentissage pour aller plus loin la fois d’après. Comme le disait Nelson Mandela “Je ne perds jamais, soit je gagne soit j’apprends”. Alors ne regardez pas trop tôt le sommet de la montagne à gravir, allez-y pas à pas et prenez les défis du quotidien les uns après les autres, ce sera moins impressionnant et vous progresserez bien plus vite ! Lucie Basch

 

Dorothee Blancheton

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