Leadership series : comment les entreprises et les gouvernements peuvent-ils favoriser le développement d’une culture plus inclusive au sein de nos sociétés ?

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Le jeudi 24 septembre a eu lieu l'inauguration de la "Leadership series", une initiative lancée par Sylvie Locatelli Project Manager chez Clear Channel, engagée sur des questions de diversité, d'inclusion et de RSE et Véronique Forge Fondatrice de Business O Féminin. Cette série de discussions vise à imaginer un nouveau paradigme, en donnant du pouvoir aux femmes et aux hommes qui veulent changer les règles du jeu. Ces conférences auront lieu tous les deux mois et interrogeront tous les domaines du leadership, du travail à la gestion, en passant par les ressources humaines, la technologie, le marketing et la communication, afin de construire un monde plus durable et plus inclusif.

La question de cette première discussion était la suivante : comment les entreprises et les gouvernements peuvent-ils favoriser le développement d’une culture plus inclusive au sein de nos sociétés ? Le panel, animé par Véronique Forge-Karibian, fondatrice de Business O Feminin, comprenait Boutaina Araki, PDG de Clear Channel France, Caroline Codsi, fondatrice de l’ONG Women in Governance (Canada) et Natalia Nolan Flecha, analyste politique à l’OCDE.

Promouvoir la diversité ne suffit plus

Au cours du webinaire, les trois intervenantes se sont accordées sur le fait que le concept de diversité ne suffisait plus et que les secteurs public et privé devaient mettre en place une “culture inclusive”. Verna Meyers, célèbre spécialiste de la question de l’inclusivité, déclare que “la diversité signifie être invitée à une soirée et l’inclusivité signifie être invitée à danser”. Mais qu’entendons-nous exactement par “culture inclusive” et, plus important encore, comment la mettre en place ?

Pour Natalia Nolan Flecha, “un état inclusif est un état qui ne laisse personne derrière lui, qui permet à tous les citoyen.nne.s et résident.e.s de participer au développement de leur pays”. À ce propos, Caroline Codsi pense que le Canada est “un melting-pot très réussi” qui “reconnaît la nécessité [pour les immigrants] de maintenir [leur] culture tout en adhérant aux autres et en s’intégrant de manière très saine dans la culture canadienne”. Dans le monde de l’entreprise, Boutaina Araki estime qu’“il ne s’agit pas seulement de réunir des personnes d’origines ou de cultures différentes. Il s’agit plutôt de savoir comment créer de la place pour ces différences et comment permettre à chacun d’être vraiment soi-même au travail”.

Mini Guide Leader

Il y a une dizaine d’années, des quotas ont été mis en place dans les gouvernements et certains conseils d’administration pour assurer la parité. Mais cet outil, même s’il est utile au départ, a déjà montré ses limites et de nouvelles stratégies ont été mises en place pour renforcer l’inclusivité dans ces espaces. Dans le secteur public, l’expert de l’OCDE mentionne “un leadership inclusif, une plus grande responsabilisation ou l’utilisation de modèles d’analyse comportementale pour inciter les gens à déconstruire leurs préjugés”. “Une culture inclusive est également assurée par “une plus grande redistribution des richesses, l’égalité des salaires, la régulation des entreprises”. Et en parlant des entreprises, Boutaina Araki nous rappelle qu’être un leader inclusif, c’est “commencer à s’intéresser véritablement aux gens”.

Prendre des mesures concrètes

Il faut surtout que les entreprises prennent des mesures concrètes. Par exemple, Caroline Codsi encourage une approche globale, en travaillant à la fois avec les minorités pour leur donner des moyens d’action, mais aussi avec les entreprises pour les rendre plus inclusives dans leurs pratiques. Pour ce faire, elle a créé avec McKinsey &Co, une certification de parité qui récompense les entreprises pour leur engagement en faveur de l’égalité dans le monde du travail. Cela motive les entreprises à changer, car elles en bénéficient également.

Cependant, l’implémentation d’une culture inclusive dans le monde de l’entreprise commence encore plus tôt : au niveau du recrutement. Chez Clear Channel France, Boutaina Araki a décidé de disposer d’une “liste paritaire de candidats pour chaque emploi annoncé”. Après avoir montré une certaine réticence à cette idée, les agences de recrutement ont pu trouver des candidates extraordinaires pour chaque description de poste. Puis viennent les entretiens. C’est là qu’interviennent les préjugés et les a priori implicites. C’est pourquoi la dirigeante de Clear Channel suggère que différentes personnes interviewent le même candidat, “pas seulement les managers, mais aussi les RH et certaines employées, pour s’assurer que nous ne choisissons pas toujours le même type de profil”.

La lutte contre les préjugés implicites 

Natalia Nolan Flecha explique que la technologie peut être utilisée pour éviter les préjugés. La “behavioural insights team” du Royaume-Uni a par exemple créé un outil appelé “Applied”, destiné à réduire les préjugés dans les tests effectués lors de la sélection des candidats à des postes de la fonction publique. Il fournit également “un appui pour de meilleurs entretiens et des outils pour améliorer l’inclusivité du langage que les équipes utilisent dans les descriptions de poste”. En effet, il arrive que les femmes soient moins susceptibles que les hommes de postuler à un emploi simplement en raison d’un “langage genré utilisé dans une offre d’emploi”.

Mais les choses sont encore plus complexes qu’on ne le croit. En effet, Caroline Codsi nous rappelle que les personnes discriminées sont souvent “non seulement les victimes mais aussi celles qui véhiculent ces préjugés”. Les femmes, par exemple, ont tendance à refuser des promotions parce qu’elles pensent qu’elles ne sont pas pleinement compétentes ou prêtes pour le poste. Il y a ce syndrome de l’imposteur qui empêche les femmes de se faire confiance et donc de demander plus à leur entreprise. Boutaina Araki estime qu’ici “les femmes dirigeantes ont un rôle à jouer, [elles] doivent dire à ces femmes : ‘Faites-moi confiance si vous n’avez pas confiance en vous’, c’est une question de sororité.”

Être un leader inclusif en temps de crise

Selon Harvard Business Review, les emplois des femmes sont 1,8 fois plus menacés par la crise que ceux des hommes. Les femmes représentent 39 % de l’emploi mondial, mais sont touchées par 54 % des licenciements. C’est pourquoi l’inclusivité est encore plus importante en temps de crise et que la pandémie que nous traversons doit pousser les entreprises et les gouvernements à changer la façon dont ils traitent leurs employés ou leurs citoyens. Selon Natalia Nolan Flecha, “l’inclusivité va entraîner une perturbation positive dont toutes les entreprises ont besoin”.

Les dirigeants de demain doivent être des dirigeants inclusifs. Caroline Codsi explique comment, au Canada, les CEO se comportent très différemment qu’en Europe avec le reste de leur équipe : “La hiérarchie est plus horizontale, ce qui permet aux personnes qui veulent contribuer à la conversation de le faire plus facilement. Personne ne va se gêner pour poser une question ou faire part d’une préoccupation […] Les gens sont extrêmement ouverts à l’idée d’avoir du feed-back”, même les managers. Pour Boutaina Araki, être un leader inclusif “ repose beaucoup sur la confiance que vous manifestez aux autres et dans les situations de crise, c’est exactement le moment où vous devez montrer que cette confiance est profondément ancrée “.

Amélie Tresfels

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