Laurie Giuggiola (CEO Alt-GR) : la data science au service des PME

Alt-GR, data science, Laurie Giuggiola
A 33 ans, cette marseillaise au caractère bien trempé a co-fondé Alt-GR, une startup à l’origine d’un nouveau type d’algorithme d’apprentissage automatique, inspiré du fonctionnement du cortex humain. L’objectif ? Permettre aux PME de bénéficier des avancées de la data Science sans avoir la base de données des grandes entreprises. Rencontre avec l’un des nouveaux visages de la deep tech.

Dans quel univers avez-vous grandi ?

Laurie Giuggiola : Nous étions des commerçants et entrepreneurs, mais cela restait très humble. Pas de Bernard Arnault dans la famille (rires) ! Mais mon environnement familial m’a donné le goût du travail et la culture de l’autre. Les gens ne travaillent pas pour moi mais avec moi.

Vous vous êtes d’abord dirigée vers le Droit avant d’ouvrir votre première boîte à 24 ans. Celle-ci est le fruit d’une rencontre ?

Laurie Giuggiola : A la sortie du bac, j’étais prise dans l’école de commerce EDC à Paris, qui a vu naître de grands noms comme Jean Todt ou Robert Louis-Dreyfus. Mais je ne voulais pas quitter mon sud natal car c’est ma famille qui prime, alors j’ai choisi le plus simple : un M1 de droit fiscal et patrimonial. J’ai ensuite fait mes classes chez AXA dans un cabinet à Manosque où j’ai été remarquée par Jean-Luc Monteil, le Président du MEDEF PACA. Il se trouve que j’ai géré pour lui un sinistre très compliqué, et qu’il a aimé ma combativité. Grâce à lui, j’ai ouvert un cabinet de financement alors que je n’avais que 24 ans. Cela a duré 7 ans.

On dit de vous que vous êtes débrouillarde : comment cela se manifeste ?

Mini Guide Entrepreneuriat

Laurie Giuggiola : Je suis très animée par la notion d’injustice. Avec Alt-GR, je me suis donnée pour mission de permettre aux PME de ne pas rester en marge de la révolution numérique. Pour cela, nous leur fournissons des outils pour jouer à armes égales avec les mastodontes de leur secteur.

La création de Alt-GR est elle-aussi le fruit d’une rencontre, cette fois-ci avec deux scientifiques, les frères Gerbaud, docteurs en mathématiques et en physique, et data scientist reconnus. Comment avez-vous croisé leur route ?

Laurie Giuggiola : Lorsque j’avais mon cabinet de financement, j’en avais marre de me faire prendre mes dossiers par les grosses structures alors que j’avais des prix plus bas et que je choyais mes clients. J’ai donc voulu travailler mes data pour être plus efficiente. C’est ainsi que j’ai croisé la route de Thomas. Ce dernier m’a fait l’algorithme gratuitement car il estimait que ma cause était juste. C’est comme ça que nous nous sommes rencontrés. J’ai rapidement décidé de revendre mon cabinet pour m’engager avec eux en tant que Business developper pendant 2 ans avant de m’associer et de devenir CEO en 2018.

Si vous deviez expliquer ce que vous faites en mode « les nuls » ?

Laurie Giuggiola : Avec Alt-GR, notre objectif est de baisser les coûts des PME grâce à l’automatisation. Par exemple, nous allons les aider à prévoir leurs ventes pour pouvoir commander le bon nombre de pièces au grossiste. Nos algorithmes peuvent aussi détecter les fraudeurs, ce qui n’est pas évident puisqu’il existe peu de « modèles » de fraudeurs. En effet, le problème des PME est celui du manque de données. Or, pour fonctionner, le machine learning doit puiser dans un très grand nombre de données.

Pour résoudre ce problème, Antoine et Thomas ont donc mis au point un moteur constitué d’un assemblage de plusieurs petits logiciels qui ont été entraînés sur des grosses bases de données comme le deep learning. Sauf que la différence est que ce moteur a une mémoire. Cela lui permet d’en tirer des règles et des lois qu’il pourra ensuite utiliser sur des toutes petites données. On dit que notre classe d’algorithmes fonctionne comme le cortex humain car elle possède une mémoire à long terme et tire des lois de ses propres expériences. Thomas et Antoine sont donc allés puiser au delà de leurs connaissances académiques (physique et math) pour mélanger des sciences dures. C’est pour cela qu’ils ne se sont pas retrouvés dans le milieu académique où l’on ne croise pas forcément les sciences.

A l’origine, quel regard portiez-vous sur la technologie, vous qui n’êtes pas de formation scientifique ?

Laurie Giuggiola : J’ai toujours été très curieuse de tout ce qui me permettait de faire des choses que je ne pouvais pas réaliser seule. Et j’ai eu la chance de tomber sur des scientifiques qui ont eu envie de me transmettre leur savoir et qui sont d’un tel niveau qu’ils parviennent à le restituer de façon simple. Depuis, je suis allée loin dans mes recherches, j’ai lu énormément de bouquins.

Votre offre est très accessible : elle débute à 250€ mensuels ?

Laurie Giuggiola : Nous avons effectivement une première offre à 250€ par mois qui permet de télécharger automatiquement ses données (entre 2 et 4 analyses selon la complexité). Nous proposons aussi une formule de développement accéléré à 300€ par mois où les gens bénéficient en plus d’un accompagnement personnalisé au téléphone.

A ce jour, à quel stade de développement est Alt-GR ?

Laurie Giuggiola : Nous lançons une version beta en juin 2019 et attendons une levée de fonds d’1,2M pour sortir une V1 qui sera autonome à plus de 80%. A ce jour, nous avons de nombreux investisseurs intéressés car notre technologie traite les small data. Nous avons choisi de nous adresser aux PME, mais les grands comptes s’y intéressent aussi.

La deep tech est encore peu féminine. Comment vivez-vous votre statut de femme, notamment quand vous pitchez ?

Laurie Giuggiola :  Pour éviter tout écueil, nous pitchons toujours à deux, chacun sur son domaine de compétence : l’aspect opérationnel pour moi, et scientifique pour les garçons. Je ne me suis jamais sentie rabaissée ou humiliée. On nous a toujours posé des questions de manière équilibrée. Si cela n’avait pas été le cas, je l’aurais mal vécu, car en tant que jeune femme dans la finance, je sais que les brimades sexistes, ce ne sont pas des histoires que l’on invente. Mais je dirais que dans le milieu scientifique, c’est différent, car les scientifiques estiment que nous sommes tous égaux face à la science. Mes associés m’ont totalement intégrée à leur monde, ils m’apprennent à coder, et moi je leur apprends ce qu’est un client (rires), et que la science n’est pas une fin en soi mais que la technologie doit servir le client.

Vos conseils pour nos lectrices qui, comme vous, sont peut-être de jeunes mamans entrepreneures ?

Laurie Giuggiola :  Si tu es porté viscéralement par une mission, alors il faut y croire. De mon côté, je n’ai plus honte de dire que ma mission est de protéger les plus faibles, même si cela semble culcul. Mais pour cela, il faut aller au charbon : arrêter de penser et agir ! J’ai une fille de deux ans et demi qui ne fait toujours pas ses nuits et je connais la fatigue. Mais les enfants sont aussi une force supplémentaire qui nous aide à croire vraiment en demain, et nous poussent à leur léguer le meilleur.

http://alt-gr.tech /  @altgr_tech

@Paojdo

Emilie Gariel (Brennus) : « Les investisseurs français sont encore frileux face aux projets visionnaires »

Deemah Alyahya: une leader de la tech made in Arabie Saoudite

Diana Brondel, fondatrice de Xaalys, la première néobanque pour les ados

0
    0
    Votre panier
    Votre panier est vide