Carole Tawema, entrepreneuse éthique et authentique

Karethic Benin : Carole Tawema, entrepreneure éthique et authentique
Fondatrice et directrice de la marque Karethic, Carole Tawema est sans conteste une femme à suivre. Lauréate 2013 du prix des femmes Marjolaine, elle propose une gamme de produits à base de karité non raffiné, issu du savoir-faire ancestral de 500 travailleuses béninoises.

Personnalité réservée, Carole Tawema mène sa barque avec élégance et détermination. À tout juste 31 ans, la jeune femme est à la tête de Karethic, une marque de cosmétiques bio à base de karité, déclinant une gamme allant du baume raffermissant pour le corps au soin du visage, en passant par le masque capillaire. Comme son nom l’indique, Karethic se veut aussi être une marque éthique, et s’inscrit ainsi dans la démarche du commerce équitable, une évidence pour la fondatrice qui estime qu’on ne peut pas être « bio sans être équitable ».

Le karité, une histoire de femmes

Au coeur de son projet : la mise en avant d’un produit issu de l’arbre sacré, seule source de revenu pour l6 millions d’Africaines. « Quoi que fassent les femmes sur ce continent, le fruit de leur travail revient aux hommes, hormis pour le karité », explique Carole Tawema. Un lien intime les lie donc à ce produit de la nature, et elles seules ont le droit de s’en approcher. « Il existe une vraie symbolique entre l’arbre de karité et la femme. Un peu comme la mère qui donne la vie, il faut attendre 25 ans avant qu’il ne porte ses premiers fruits, et ce n’est qu’une fois tombés à terre que les femmes les ramasseront. L’arbre vivra plus de trois siècles, et contribuera à nourrir et soigner plusieurs générations », raconte la fondatrice de Karethic.

Cicatrisant, désinfectant et anti-inflammatoire, le karité comprend de très nombreuses vertus. Née au Bénin, Carole Tawema a eu envie de mettre en avant un produit du grand cru africain, et malheureusement méconnu. « En France, nous ne connaissons que le karité raffiné, issu de l’industrie. De mon côté, j’ai toujours utilisé le karité brut, qui détient plus de 17% de principes actifs contre 2,5% pour le karité raffiné. Mais jusqu’ici, on considérait que le karité brut était de mauvaise qualité, qu’il sentait mauvais. J’ai voulu prouver le contraire », se souvient la jeune femme.

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Un point d’équilibre entre deux cultures

Arrivée en France à l’âge de 10 ans, Carole Tawema a été propulsée dans un monde tout autre. D’une vie privilégiée au Bénin, elle est passée à un petit appartement en banlieue parisienne, à Cergy. Son père, né dans un village où l’on produisait du karité, a été repéré comme un “enfant intelligent”, et a été envoyé en métropole pour faire ses études. Il est revenu au Bénin et est devenu ministre des affaires étrangères. Sa mère, née d’un métissage, est issue d’une classe plus privilégiée. De son père, elle estime avoir retenu l’engagement social, et de sa mère, l’envie d’entreprendre. « C’est assez naturellement que j’ai eu envie de contribuer au développement de mon pays d’origine, sans renier aucune des deux cultures », analyse la fondatrice de Karethic.

Un désir qui a visiblement contaminé toute la famille puisque sa soeur, Gladys Tawema, business woman avertie, a été sélectionnée parmi les 50 femmes africaines leaders, un programme créé par le gouvernement américain pour promouvoir l’entrepreneuriat sur le continent noir. Carole Tawema est d’ailleurs associée avec sa soeur qui gère l’unité de production au Bénin. « Elle a une connaissance beaucoup plus précise du terrain. Il serait illusoire de penser qu’après 21 années passées en France, je connais la réalité de la vie des productrices », explique la jeune femme.

Du rêve de lycéenne à l’entrepreneuriat

Présenter du karité authentique au consommateur français, c’est un souhait qui lui a longtemps trotté dans la tête. D’abord développé en projet personnel en terminale, le sujet a fait l’objet de son mémoire lorsqu’elle était étudiante à Euromed, à Marseille. Carole Tawema s’est ensuite lancée dans le monde du conseil en informatique, et a fait ses classes chez Microsoft et IBM, avant d’intégrer Sogeti puis Augure. « Chez Microsoft, j’ai appris à mener un projet de A à Z. En parallèle, je développais mon projet Karethic, qui était à l’origine une association. Je me suis toujours sentie soutenue dans cette démarche par les entreprises dans lesquelles j’ai travaillé, jusqu’au jour où mes collègues m’ont presque incitée à démissionner pour me lancer dans l’entrepreneuriat», se rappelle la jeune femme qui a longtemps financé son projet avec son salaire issu de l’informatique.

C’est en 2008 que tout a vraiment commencé avec le gain du prix de jeune entrepreneur de demain organisé par la Jeune chambre internationale. Après s’être rendue sur place au Bénin pour tenter de comprendre pourquoi les femmes ne parvenaient pas à vivre de leur travail (alors que la crème main à base de karité est le produit le plus vendu au monde par l’Occitane), Carole Tawema est allée de salons en salons pour trouver un partenaire industriel avec qui développer son projet. « Le problème, c’est que ces derniers achètent le karité à très bas prix aux productrices. On me proposait 1 euro le kilogramme. Or, il faut 10 heures pour produire 1 kilogramme.

C’est pour cela que les industriels obtiennent un produit brut de mauvaise qualité, et qu’ils le raffinent », explique l’entrepreneuse. Puis Carole finit par faire les bonnes rencontres. Ce sera Daniel Joutard et Carole Rousseau de laboratoire Savoirs des peuples, qui acceptent de l’aider et de la mettre en relation avec des partenaires, puis Didier Perreol du groupe Ekibio pour la distribution de la marque.

Des rêves à petite échelle

« La phase de formulation n’a pas été si compliquée que cela. Elle a été validée par un ancien patron R&D de Chanel. Il fallait faire quelque chose de gourmand et d’excellente qualité », explique Carole Tawema. Le plus difficile selon elle a été et demeure de maîtriser toute la filière du produit. Ainsi, il a fallu faire un long travail sur le terrain auprès des femmes, et distiller le savoir-faire des meilleures productrices de karité dans les villages. « On a voulu qu’elles soient un maximum autonomes.

C’est pour cela qu’elles maîtrisent toutes les phases, de la collecte à la production », affirme la business woman. Aujourd’hui, 500 femmes travaillent avec elle au sein de 12 coopératives dans l’Atacora, au nord du Bénin. « Ce sont notamment les productrices qui ont insisté sur l’importance de s’établir sur un territoire moins pollué. Elles avaient elles-mêmes constaté l’apparition de maladies avec les cultures chimiques de maïs ou de coton », ajoute Carole. Il a aussi fallu travailler sur les mentalités, et expliquer aux hommes que les femmes ne pourraient pas faire la cuisine, car il leur faudrait travailler intensément. À la clef, un salaire deux à trois fois supérieur au SMIC rural du Bénin, avec des gains allant jusqu’à 100 000 francs CFA par mois.

Aujourd’hui, Karethic est distribué dans 250 points de vente en France, et 12 pays étrangers. Si Carole Tawema souhaite diversifier ses activités, en s’intéressant notamment à une denrée rare, le miel de karité, elle ne désire pas trop accroître les volumes à l’export, voulant trouver le juste équilibre entre masse critique et durabilité. Son prochain objectif ? « Offrir un produit du terroir de qualité au marché africain, ce qui permettrait de boucler la boucle », estime la jeune femme. Réfléchie et engagée, Carole Tawema met du sens dans tout ce qu’elle entreprend. « Je crois que c’est une qualité féminine, et qu’elle se développe encore plus lorsque l’on donne la vie, même s’il ne faut surtout pas cantonner les femmes à ce rôle dans la société », conclut la jeune femme.

 

En savoir plus : Karethic

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